Il y a près de 20 ans j’ai écrit un roman : « un voyage contre la vitre ». Yves Berger directeur littéraire des éditions Grasset , m’avait apporté quelques conseils. Ce roman était presque parvenu au bout du long chemin de l’édition. Mais toute la nuance est dans le presque… Je le relis aujourd’hui et j’ai décidé comme pour Anton d’en publier quelques extraits, pour vous permettre de rencontrer quelques personnages : aujourd’hui faisons la connaissance de Marc, qui collectionne les mots…. Tiens, tiens peut-être une nouvelle rubrique à venir

Marc était amoureux des mots et s’était inquiété du jargon utilisé pour faire tourner cette planète Internet. En essayant de lire quelques brochures et articles dans la presse spécialisée il avait été surpris des possibilités offertes par ces nouvelles techniques. Mais il fut effrayé par la pauvreté de cet espèce de langage ésotérique. Il voulait bien admettre qu’il était obtus, mais il ne supportait pas ces termes artificiels, tels que web, cybercafé, e‑mail, modem. Ils lui rappelaient les onomatopées vociférées par les robots des mauvais dessins animés japonais. On ne savait jamais s’il s’agissait de véritables mots ou de sigles prononcés phonétiquement.
Il préférait les mots qui à leur simple prononciation évoquent un goût, une odeur, une forme, une sensation, une situation. Il avait commencé, depuis quelques temps, une collection de mots. Il trouvait certains mots épais, d’autres bruyants ou goûteux, comme un vin vieux qui reste longtemps en bouche… Il ne cherchait rien de précis, se laissait guider par ses sens. Il lui arrivait parfois de répéter un de ces mots, à voix haute, de s’en délecter, de le mâchouiller, de l’écouter. Puis il l’inscrivait sur un cahier qu’il feuilletait quelquefois, un sourire satisfait aux lèvres. Comme un vinophile qui plonge régulièrement dans les profondeurs de sa cave pour ausculter quelques bouteilles. Dans sa collection, il y avait les mots flacon, poisseux, balbuzard, vrille, cramoisi, taffetas, tapioca…
Collectionner les mots, d’accord mais ils s’échapperont pour se mettre au service d’autres phrases…
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Et il nous restera alors à collectionner ces belles phrases….
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