Les demoiselles de Ponteau : 3

Le commandant sourit. Ils n’ont pas roulé longtemps. La route est étroite et sinueuse et se termine sur cette espèce de terrain vague où stationnent quelques véhicules dont celui signalé.  Ce parking est juste au-dessus de la toute petite plage au bout de la pointe de Bonnieu.

  • Elle n’est pas surveillée celle-ci, pas besoin, il n’y a jamais ni courant, ni vagues et pas beaucoup d’eau. Et pour être honnête pas grand monde non plus… Seulement des habitués…

Avec un air goguenard, le commandant poursuit la visite commentée.

  • En revanche, plus loin y a le camp naturiste. Nous on les appelle les culs nus. On n’a jamais eu de problème avec eux, mais je me dis qu’il doit y avoir un paquet de voyeurs qui doivent venir se balader ici dans la garrigue avec une paire de jumelles, jouant les ornithologues. Bref, c’est un coin bien tranquille.

Amélie n’écoute plus, elle observe ce qui l’entoure. C’est vrai, c’est un peu spécial, ce mélange de nature un peu sauvage, la garrigue qui s’étend à l’est et au loin cette accumulation d’usines, ces dizaines de pétroliers, de porte-conteneurs qui passent, pour entrer au port de Fos-sur Mer ou à Port de Bouc. A son grand étonnement, Amélie qui vient d’une région verte, très agricole, est touchée, remuée même par ce paysage, par ce contraste. Elle n’ose pas le dire à son partenaire elle sait que lui c’est un local, qu’il est né ici, elle craint qu’il ne se moque d’elle et qu’il lui parle avec nostalgie d’une époque où il venait tranquillement pêcher dans cette anse à l’abri, peut-être avec ces petits bateaux dont on lui a dit qu’on les appelle des pointus.

Oui, elle trouve ça beau, une beauté particulière mais au fond elle se dit que ce qui est important c’est ce qu’elle ressent. Et c’est vrai que les quatre cheminées sont un peu le clou du spectacle, de véritables cathédrales industrielles.

Le véhicule signalé est un vieux Land Rover, immatriculé dans le Gard, mais aujourd’hui la plaque ça ne veut pas forcément dire grand-chose. Ils font le tour. A l’intérieur, sur le siège arrière ils distinguent des vêtements, un peu en tas, robes, tee-shirts, culottes mêmes. Des vêtements de ville, ou tout au moins des vêtements qu’on ne met pas pour aller à la plage. Des vêtements de fille aussi, ça c’est une certitude. Sur le plancher, entre les sièges, plusieurs paires de chaussures.

C’est évident plusieurs personnes se sont changées dans cette voiture.

  • Elles se sont changées ou se sont simplement déshabillées…

Le commissaire, avec toujours un petit sourire en coin, appelle le central pour qu’on effectue des recherches sur ce véhicule.

Pendant qu’il est au téléphone la lieutenante Amélie observe encore les quatre cheminées. 140 mètres de haut, c’est impressionnant… Elle regrette de ne pas avoir pris de jumelles.

Elle est toujours certaine que c’est de la fumée qui s’échappe de la première, pas un gros panache non, ce sont plutôt – comment dit-on déjà- des volutes. Elles semblent un peu blanches.  Mais c’est de la fumée, elle n’en démord pas. Pendant que le commandant attend qu’on le rappelle pour obtenir les informations demandées elle prend une photo avec son portable et grossit au maximum l’image sur l’écran.

  • Commandant regardez c’est bien de la fumée !

Il lui fait signe de la main. Son téléphone a vibré :  on le rappelle. Les recherches sont de plus en plus rapides. Le commandant se souvient de ses débuts :  on était content quand on avait une réponse à une question dans les deux heures. Maintenant, pour les plus jeunes, cinq minutes c’est déjà trop long.

Ils vont en savoir plus sur le propriétaire du véhicule. Il note rapidement les informations sur un carnet. Il ne reste plus que quelques pages ; juste assez pour finir tranquillement le 28 juillet. Dans trois semaines il rangera tous ses carnets dans une boîte. Il ne sait pas, il en fera peut-être quelque chose. Toute une vie d’enquêtes… Après tout il aura le temps de trier.

  • Ben Lieutenant, euh Lieutenante, décidément je n’y arrive pas je peux t’appeler Amélie ?
  • Pas de problème commandant…

De son côté, elle ne se voit pas lui demander si elle peut l’appeler Eugène. Eugène, Eugène…Elle se dit que ce n’est pas un prénom qui claque pour un commandant.

  • Bien, Amélie, j’ai des infos. Le véhicule appartient à une certaine Valentine Dubois, domiciliée à Aix en Provence. Pas de traces d’elle dans nos fichiers, ils vont creuser un peu la recherche. Comment on dit déjà ? Ils vont la googleliser… Dès qu’ils en savent plus ils m’appellent

En savoir plus sur Les mots d'Eric

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.