Parlez moi de la mer…

La mer toujours la mer…

Les mots d'Eric

Je suis particulièrement satisfait pour ne pas dire fier de mon texte du jour. Je n’ai pas l’habitude, mais là j’avais envie de le dire…

Je n’en peux plus du bruit de la peur,

Je n’en veux pas de la suie grasse de vos haines,

Je n’en veux plus des complaintes aux rimes dures.

Parlez moi de la mer, je vous en prie.

Où sont les vagues,

Où sont-elles?

Entendez le vent,

Il pleure, vous dis-je,

On l’oublie,

Il est seul, il appelle.

J’entends son chant qui ondule,

Mes yeux se ferment,

Petites larmes coulent.

Vagues amères,

Douces et belles,

Sur les rives de mes lèvres muettes

Ont répondu, ô vent, à ton appel.

Parlez moi de la mer je vous en prie…

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Il a senti la mer…

Les mots d'Eric

Un vieux texte que j’ai envie de partager a nouveau ce soir…

Il a mis le pied sur le quai et
ce qu’il a tout de suite senti, très fort, c’est l’air. Il l’a senti sur sa
peau, il l’a senti entrer en lui, partout, par tous les pores. Alors il s’est
arrêté, et il a compris que la mer dans la ville, dans cette ville est partout.
L’air qu’on respire n’est pas le même, il est parfumé, avec juste cette
sensation d’humide qui ne glace pas le sang mais qui donne le sourire. Oui,
elle est là la différence, c’est dans l’air! C’est un sourire qui
caresse, doux comme le premier chant d’oiseau à la fin de l’hiver, on ouvre la
fenêtre, on respire: la vie est partout et on sourit. Il n’est là que
depuis cinq minutes. Il ouvre les yeux, son cœur bat, très fort, les autres…

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Souvenir…

Envie de partager la mer aujourd’hui, la mer et ses cent vagues

Les mots d'Eric

Je garde au fond de ma réserve à souvenirs
Un reste de soir d’été
C’était hier, c’était il y a loin
L’océan ne disait plus rien
Lassé d’une longue journée
A inventer des vacances
Pour les ceux qui rêvaient de bleus
Le ciel l’avait rejoint
Et dans les bras envasés
De la terre endormie
Ils s’étaient aimés
Pour une seule et longue nuit

12 juillet

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Mes Everest : Marguerite Duras : écrire…

Les mots d'Eric

L’écrit ça arrive comme le vent, c’est nu, c’est de l’encre, c’est l’écrit et ça passe comme rien d’autre ne passe dans la vie, rien de plus, sauf elle, la vie.

« Écrire. Je ne peux pas.

Personne ne peut.

Il faut le dire, on ne peut pas.

Et on écrit.

C’est l’inconnu qu’on porte en soi écrire, c’est ça qui est atteint. C’est ça ou rien. On peut parler d’une maladie de l’écrit. Ce n’est pas simple ce que j’essaie de dire là, mais je crois qu’on peut s’y retrouver, camarades de tous les pays. Il y a une folie d’écrire qui est en soi-même, une folie d’écrire furieuse mais ce n’est pas pour cela qu’on est dans la folie. Au contraire. L’écriture c’est l’inconnu. Avant d’écrire, on ne sait rien de ce qu’on va écrire. Et en toute lucidité. C’est l’inconnu de soi, de sa tête, de son corps…

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Poèmes de jeunesse : « peut-être… »

Les mots d'Eric

Je continue de fouiller mes archives et là, j’ai trouvé ce petit texte sur une feuille volante, écrit à la plume, je pense qu’il date de 1979…

C’est le soir comme tous les jours

Un homme se meurt

Ou il périt noyé dans l’océan

De tortures

Un homme aime

Ou il pleure sur sa compagne

Finale

Point à la ligne

Un homme naît

Ou il crie parce qu’il ne connait

Personne

Pas même en rêve

Un homme tue

Ou triche contre ses règles

Très propre

Bien baptisé

Un homme hurle

Il a peur

Alors il écrit

Tout droit

Au cœur

Peut-être

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Le matin s’est levé…

Les mots d'Eric

Sur l’eau, quelques rides de lumières,

Le matin léger s’étire sur le fleuve.

Au loin la rumeur de la ville,

Comme un bruit qui s’éveille.

On s’étire, le silence se respire.

Il fait frais, on sourit.

Le jour se lève.

C’est beau,

La nuit s’est retirée,

Discrètement, le port l’a avalée.

Le soleil est là, on le sent.

On l’entend.

Chaque couleur s’est préparée,

Dans le matin léger,

Ses ailes lissées le fleuve a déployé.

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Et je voudrais conjuguer le verbe aimer…

Les mots d'Eric

Rappelle-toi, la première fois que tu as utilisé le « il ou elle » c’est en grammaire quand il faut chercher l’accord quand il faut chercher le sujet, et qu’on doute alors on nous apprend qu’il faut dire qui est ce qui fait l’action…. et on répond « il ou elle ».
On cherche le sujet, on cherche et on finit par trouver. J’aime que la grammaire française ne s’enferme pas que dans l’objet qu’il soit direct ou indirect. J’aime savoir qu’il ou elle sont d’abord deux pronoms et qu’ils deviennent prénoms, parce qu’ils sont justement si personnels. Il ou elle et toutes les déclinaisons qu’offre la magnifique langue française, cette grammaire faite aussi de conjugaison, cette magnifique conjugaison qui réunit, qui assemble, qui complète et qui donne à des verbes creux et immobiles des rondeurs et des échos qu’on entend longtemps sonner au fond de nos cœurs, au profond…

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Rimes en train…

Les mots d'Eric

Un peu silencieux ces derniers jours, et puis soudain l’inspiration qui revient : le train, une vitre… Les ingrédients sont réunis.

TGV Paris Lyon

Dans ce presque soir ferroviaire,

Flaque de mémoire s’est échappée.

Je la vois,

Tout va si vite.

Elle glisse sur la vitre.

L’encre noire de mon âme est noyée

Dans un trop plein de bleus.

De ce plein bleu trop salé,

Que la mer tous les jours m’a inventé.

J’entends,

J’attends.

C’est le long cri.

Long cri du souvenir de l’en dedans.

Il remonte,

Trempé jusqu’à l’os de mes mots,

Se présente à la grille rouillée de mon parc à rimes.

Sourires,

Il est si tard pour la fouille.

Les poches se vident…

Sur la table, s’étalent les vers.

«Dans la marge, vos mots coupants, vous déposerez!»

Les lames ne franchissent pas le détecteur.

Les larmes seules sont admises.

J’ai tant de rêves qui vibrent.

Entends,

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Mes Everest, Léo Ferré…

Un extrait, maintes fois lu et relu de la préface à « poètes vos papiers ». Je ne m’en lasse pas

La poésie est une clameur, elle doit être entendue comme la musique. Toute poésie destinée à n’être que lue et enfermée dans sa typographie n’est pas finie ; elle ne prend son sexe qu’avec la corde vocale tout comme le violon prend le sien avec l’archet qui le touche. Il faut que l’œil écoute le chant de l’imprimerie, il faut qu’il en soit de la poésie lue comme de la lecture des sous-titres sur une bande filmée : le vers écrit ne doit être que la version originale d’une photographie, d’un tableau, d’une sculpture.
Dès que le vers est libre, l’œil est égaré, il ne lit plus qu’à plat ; le relief est absent comme est absente la musique. « Enfin Malherbe vint… » et Boileau avec lui… et toutes les écoles, et toutes les communautés, et tous les phalanstères de l’imbécillité ! L’embrigadement est un signe des temps, de notre temps. Les hommes qui pensent en rond ont les idées courbes. Les sociétés littéraires sont encore la Société. La pensée mise en commun est une pensée commune. Du jour où l’abstraction, voire l’arbitraire, a remplacé la sensibilité, de ce jour-là date, non pas la décadence qui est encore de l’amour, mais la faillite de l’Art. Les poètes, exsangues, n’ont plus que du papier chiffon, les musiciens que des portées vides ou dodécaphoniques – ce qui revient au même, les peintres du fusain à bille. L’art abstrait est une ordure magique où viennent picorer les amateurs de salons louches qui ne reconnaîtront jamais Van Gogh dans la rue… Car enfin, le divin Mozart n’est divin qu’en ce bicentenaire !
Mozart est mort seul, accompagné à la fosse commune par un chien et des fantômes. Qu’importe ! Aujourd’hui le catalogue Koechel est devenu le Bottin de tout musicologue qui a fait au moins une fois le voyage à Salzbourg ! L’art est anonyme et n’aspire qu’à se dépouiller de ses contacts charnels. L’art n’est pas un bureau d’anthropométrie. Les tables des matières ne s’embarrassent jamais de fiches signalétiques… On sait que Renoir avait les doigts crochus de rhumatismes, que Beethoven était sourd, que Ravel avait une tumeur qui lui suça d’un coup toute sa musique, qu’il fallut quêter pour enterrer Bela Bartok, on sait que Rutebeuf avait faim, que Villon volait pour manger, que Baudelaire eut de lancinants soucis de blanchisseuse : cela ne représente rien qui ne soit qu’anecdotique. La lumière ne se fait que sur les tombes.

Poèmes de jeunesse : « la révolte »

Les mots d'Eric

La révolte était devenue

Une autre décoration de combats intellectuels

Pour le snobisme

De ceux qui flirtaient avec l’angoisse

Du pauvre

Qu’ils achetaient

Chez les bradeurs d’inhumanité

Qui vendent

Du sourire aux enchères du sentiment

Et qui cultivent des jardins d’utilité

Des jardins de pitié

Pour le botin du beau monde

Qui pissent leur ba ba quotidien

En rotant la nuit qu’ils ont volée

Aux autres

Aux angoissés

Aux vrais

L’uniforme de leur porcherie

Leur fait peur

Parce qu’ils se sentent loin

Parce qu’ils se sentent loin

Alors ils trichent

Ils se déguisent

Ils prostituent la vérité

En l’obligeant à coucher

Avec ceux qui l’ont déjà tuée

En l’oubliant

Ils s’écologisent le dimanche

En se confessant à la rivière

Qu’ils assassinent à petites semaines

Mais y savent pas

Eux ils comptent

Eux ils produisent…

Juin 1980

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Recette d’espoir…

Une belle et ronde marmite vous choisirez
Sur le bord d’une fenêtre
Tournée vers l’ouest
Délicatement vous la poserez
Vous l’oublierez
Vous rêverez
Quand le silence aura mijoté
Débordé
Vous la retrouverez
La ramènerez
Sur le feu doux et impatient

Quelques mots doux et sucrés
Vous aurez épelés
Au fond de la casserole vous les jetterez
Votre bouquet de rimes épicées
Vous ajouterez
Couvrez
Chantez
Salez
Sautez

Et pour finir
Servez

Oui j’allais oublier
D’un vin blond au souffle long et coquin
Vous l’arroserez

Onfkkk….

Une micronouvelle publiée au lancement de ce blog…

Les mots d'Eric

Il neigeait fort depuis plusieurs heures. Le silence prenait
de plus en plus de place, tout était étouffé, amorti, pas le moindre
craquement. C’était l’empire du coton. Il n’était pas sorti, préférant la
chaleur de la cheminée, à l’avance épuisé à l’idée d’enfiler chaussettes,
bottes, pulls et manteau. Bref il hibernait. Parfois il tirait un peu le
rideau, pour constater l’avancée du blanc. C’est tout. Tout était simple.

Soudain un long craquement, comme un journal qu’on déchire.
Il regarde le feu, ce n’est pas d’ici que cela vient. Cela craque de plus en
plus, cela crépite même. Il y a peut-être des branches qui ployant sous le
poids de cette neige lourde n’ont pas résisté. Non ce qui est curieux c’est que
cela craque tout doucement, puis cela s’accélère. En fait ça grince, comme
quand on est sur un port et que le vent s’engouffre dans les mâts. Comme quand

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Tous les murs sont achevés…

Il est déjà tellement tard
Plus rien n’est à commencer
Tous les murs sont achevés
Les regards se sont affadis
Les épaules sont entrées
Le visage est affalé

Pourtant

Pourtant il faudrait
Il faudrait ouvrir des fenêtres
Laisser entrer des éclats de rêves mauves et bleutés
Et soudain redresser le menton
Bomber le torse
Et contempler en riant
Le souvenir d’un arbre lointain

Poèmes de jeunesse. « Peur d’écrire »

Les mots d'Eric

J’ai retrouvé ce très court texte, écrit fin 1980, qui exprime comme souvent après une période de disette, cette peur d’écrire, de reprendre la plume

J’ai peur d »écrire,

Comme si l’autre poésie,

Celle qui dort,

Là ,

Fière sur le papier

Allait porter un jugement

Sur la nouveauté.

J’ai peur et mes mots

En transpirent

A quand le passé décomposé ?

Décembre 1980

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Apprendre à se taire…

Il faudrait pourtant apprendre à se taire. Apprendre à ne rien dire. Oui, ne rien dire de ce qui sera toujours de trop. Prendre le temps de sentir, de ressentir et puis écouter, toucher, entendre, simplement. Il faudra apprendre à se confronter au silence, en apprécier la douceur. Il faudra apprendre à ne plus prendre le risque de d’abîmer les envies de sourire, de se serrer, de se retrouver et tout cela pour exister. Exister, résister, éliminer du champ de batailles de nos envies retrouvées, toutes ces paroles inutiles qui emplissent déjà de lourds silos de haines ordinaires. Il faudra éliminer tout ce bruit qui nous enterre, ce bruit qui nous fait mal. Ne plus commenter, essayer de comprendre, essayer simplement ou alors ne rien dire…

Mes Everest, René Char : « Le jugement d’octobre »

Joue contre joue deux gueuses en leur détresse roidie ;
La gelée et le vent ne les ont point instruites, les ont négligées;
Enfants d’arrière-histoire

Tombées des saisons dépassantes et serrées là debout.
Nulles lèvres pour les transposer, l’heure tourne.
Il n’y aura ni rapt, ni rancune.
Et qui marche passe sans regard devant elles, devant nous.
Deux roses perforées d’un anneau profond
Mettent dans leur étrangeté un peu de défi.
Perd-on la vie autrement que par les épines?
Mais par la fleur, les longs jours l’ont su !
Et le soleil a cessé d’être initial.
Une nuit, le jour bas, tout le risque, deux roses,
Comme la flamme sous l’abri, joue contre joue avec qui la tue.

Attente ferroviaire : 1

Je republie quelques portraits

Les mots d'Eric

Le 25 février 2005, j’ai écrit ce texte que je viens de retrouver et que je publie en deux parties.

L’air est glacial, coupant, comme
un rasoir neuf sur une peau juvénile. Il a laissé tourner le moteur de sa voiture,
encore quelques instants, pour s’emplir de cette chaleur aux senteurs
mécaniques, qui donne encore pour quelques instants l’illusion du bien-être. Lorsqu’il
est sorti, qu’il a claqué la portière, il a perçu comme un rétrécissement. Il est
encore plein de ces sensations «ouateuses» que laissent une nuit
sous une couette. Le train est annoncé dans un quart d’heure. Il attendra dans
le grand hall d’accueil. Il aime ses petits moments de presque rien, où on sent
chaque minute qui passe laisser sa trace grise dans la chair. Il est un habitué
du lieu, mais pas de cet horaire. Il est de ceux qui entrent dans le train,
avec des souliers…

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Anton prend le TGV…

Je retrouve des bouts de textes, tous mes travaux pour le projet de mon quatrième roman. En voici un que j’aime beaucoup

Anton prend régulièrement le TGV, le lundi matin depuis qu’il a décidé de se présenter aux élections. Si au début il trouvait cela plaisant, surtout dans les compartiments de première classe, là franchement il n’en peut plus. Il ne supporte plus. Il en devient presque agressif, au moins dans le regard.
Ceux qui peuplent ces espaces de privilégiés deviennent rapidement insupportables. Lorsqu’ils entrent dans le wagon on dirait de petits généraux en campagne, entrant en conquérant sur un champ de bataille sans combattants. Leurs toutes premières obsessions, armés de leurs billets numériques c’est de vite prendre possession du petit périmètre de velours que la compagnie ferré leur a provisoirement attribué.
Et pendant deux heures ils occupent, ils colonisent. C’est leur espace, leur territoire, ils le marquent. Tout dans leur être est une insulte à la beauté, à la vérité. Petits coqs frustrés, mais si fiers de ce pouvoir qu’ils pensent détenir, ils se répandent, ils se répondent, de la voix, du corps. A plusieurs ils ne conversent pas, ils sont continuellement dans la parole utilitaire. Leurs mots ne sentent rien et Anton ne ressent rien. Ce sont des mots tous droits sortis de manuels de management, ils les envoient sans pitié pour les pauvres oreilles de Anton.
Anton lui est assis dans son fauteuil, et il a posé sa tête contre la vitre. Leurs mots sont une souffrance, ce sont des mots chiffres, remplis de courbes et dans leurs regards on sent l’inquiétude : « ai-je été entendu ? Il faut bien se persuader qu’on existe… Faussement décontractés ils travaillent une espèce d’affalement soigné, juste pour que le costume soit légèrement froissé preuve qu’ils y étaient eux dans le TGV du lundi matin.
Anton les regarde, et navigue entre la colère, la tristesse et le dégout.

La norme et la beauté : le retour…

Les mots d'Eric

Il y a bien longtemps que norme et beauté ne s’étaient rencontrées. Il est vrai que l’une comme l’autre avaient pris soin sur les injonctions de la police sanitaire de prendre et surtout de garder de la distance. Mais ce qui devait arriver arriva et les deux rivales ont fini par se retrouver. La norme dont on sait déjà qu’elle aime tout contrôler a donc pris la décision de convoquer la beauté.

– Gardez vos distances beauté ou alors restez masqué. En aucun cas vous ne devez me contaminer.

– Ne vous inquiétez pas je resterai masquée et ainsi vous n’aurez pas à supporter mon sourire bucolique…

– Bien, ceci étant dit chère beauté, encore une fois quel besoin aviez vous d’aller vous compromettre en ce lieu que je vous ai déjà interdit. Un parking de supermarché, et pourquoi pas un immeuble désaffecté quand on y est ?

-Voyez vous…

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Ouvrez les fenêtres…

Ne me parlez plus de votre monde de demain !

Je vous en prie,

Ne m’en parlez plus…

Regardez,

Ouvrez vos yeux endoloris…

Et surtout, surtout,

Prenez le temps de ne rien dire.

Une à une ouvrez ces fenêtres,

Que vous aviez condamnées.

L’ailleurs vous fait peur,

Le lointain vous effraie ?

Il est temps,

Il faut vous relever !

Retrouvons la norme et la beauté

Les mots d'Eric

Il y a bien longtemps que nous n’avions entendu les chamailleries de la norme et de la beauté. Grâce à cette magnifique photo transmise par mon ami Roland, de Martigues, elles se sont réveillées…

Plage des Laurons, Martigues

La norme et la beauté, n’en finissent jamais de se chamailler. Leurs désaccords sont profonds. Je vous laisse juger…

Beauté: Ce soir je suis heureuse, tellement heureuse, ce n’était pas simple mais j’y suis arrivée.

Norme: De quoi me parles-tu? De ce gribouillis fumeux que tu es allée me poser sur cette horrible plage que je me tue à dissimuler.

Beauté : Gribouillis fumeux, horrible plage…Chère norme, as-tu bien regardé ? Mais je m’égare…Comment la norme peut-elle simplement regarder ? Tu n’es là que pour mesurer…

Norme: Quelle impertinente! Beauté, mais as-tu simplement regardé, ces traces que tu as laissées? Que va-t-on dire? Où sont tes limites? Quatre cheminées! Et…

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Retrouvons la norme et la beauté…

Les mots d'Eric

Retrouvons la norme et la beauté qui ne parviennent pas à s’entendre, elles s’étaient déjà expliquées il y a quelques temps sur ce blog…

https://wordpress.com/block-editor/post/lesmotsderic.blog/1237

Beauté: Je vais partir,
je veux partir. Je veux qu’on m’oublie. Quelques temps peut-être, ou quelques
instants, je ne sais pas, mais je veux partir. Alors on se souviendra, on me
réclamera. Je les entends déjà: reviens, reviens…

Norme: Je ne
comprends pas ce que tu gémis. Tu veux partir c’est bien cela?

Beauté: Oui c’est cela, bien entendue chère norme,
partir, m’envoler, m’effacer….

Norme: Je ne te
comprends pas, je ne te comprends plus. Tu parles comme une enfant gâtée. Regarde,
tout est ici: regarde autour de toi, tout est là: pour réussir, pour t’imposer. Ressaisis-toi,
il faut que tu poses, il faut que tu oses.

Beauté: Tu prétends
que j’ai tout, ici, tout ce qu’il me faut, mais je ne vois rien, je…

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La Norme et la Beauté…

Je vais republier pour mes nouveaux abonnés cette série de petits dialogues entre la norme et la beauté…

Les mots d'Eric

Où l’on découvre que norme et beauté ont parfois un peu de mal à s’entendre, à se comprendre. Aujourd’hui nous retrouvons une norme «étonnée» pour ne pas dire irritée. Elle a convoqué une beauté libérée et l’interroge sur ses mauvaises fréquentations.

Norme: Que fais-tu
ici? Regarde autour de toi, ouvre les yeux, tu le vois bien, ici il n’y a
rien que tu puisses regarder.

Beauté: Ce que je
fais ici? Mais je ne fais rien, je suis, je sens, je ressens. Et toi tu
ne vois rien? Ici je suis bien, ici je suis invitée. Alors tu vois, même
pour quelques instants je vais m’installer…

Norme: Invitée?
Invitée? Toi la beauté? Mais regarde, ici tout est laid, qui t’aurait
donc invité?

Beauté: Du laid, du
laid? Suis-je à ce point aveuglée, que je n’ai rien vu de tout ce laid
que tu as décidé de m’inventer. Moi je…

Voir l’article original 266 mots de plus

Mes Everest, Paul Verlaine : « l’heure du berger »

La lune est rouge au brumeux horizon ;
Dans un brouillard qui danse, la prairie
S’endort fumeuse, et la grenouille crie
Par les joncs verts où circule un frisson ;

Les fleurs des eaux referment leurs corolles ;
Des peupliers profilent aux lointains,
Droits et serrés, leur spectres incertains ;
Vers les buissons errent les lucioles ;

Les chats-huants s’éveillent, et sans bruit
Rament l’air noir avec leurs ailes lourdes,
Et le zénith s’emplit de lueurs sourdes.
Blanche, Vénus émerge, et c’est la Nuit.

Avis de tempête…

La tempête ne souffle pas
Elle ne l’oserait plus
Dans son bouquet de vent d’ouest
Flottent des airs d’un silence fané
Nos yeux se sont usés
Sur des pages de rien
Qui défilent sans trembler
Elles sont si loin
Ces larmes de papier
Que dans un revers de main
Doucement ils aimaient caresser
Tous ont oublié
Le si beau regard bleu plissé
Du marin qui espère la lumière
A la lisière de la marge
Du rivage espéré
Enfermés
Englués
Dans des bulles de vide
Qui ont trahi nos rêves de rimes légères
Les hommes se noient sans une larme de sel

20 janvier

Deux touches de vague il a posées…

Les mots d'Eric

C’est un soir ordinaire

Vide de beau.

Et toi, homme d’en haut

Tu rêves, tu espères,

Une belle ombre à ton tableau

Sur le quai, tu as posée.

Un peintre de nuit est passé.

Quelques instants il a contemplé.

Un sourire il a taillé,

Pointes de plume il a trempées.

Deux touches de vague

Il a posées.

Sur une lourde tâche de gris,

Deux gouttes qui brillent,

En chantant, il a mélangées.

 » Ouvre les yeux, l’ami,

Tout est fini, tu seras heureux ! »

28 janvier

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Une autre poésie de ma petite fille Lisa…

Nous sommes mercredi, c’est la journée des enfants, des petits enfants. J’avais déjà publié un texte de ma petite fille Lisa, 7 ans. Elle aime beaucoup écrire et surtout de la poésie, et vous comprendrez que son papou poète est fier, très fier d’elle. Avec son aimable autorisation je publie donc son dernier texte…

Il y avait un bateau
Très beau
Qui explorait les profondeurs
Car l’heure
Passait très vite
Dans le vide
Les fruits qui s’y trouvaient
Etaient rares
Il se régalait
Tellement
Que le soleil apparut
Lulu l’avait vu
Dans ce miroir
Elle avait soif

Lisa Moine

Message du tribunal académique…

Envie de republier cette séance du tribunal académique

Les mots d'Eric

Attention il sourit…

Le tribunal académique, une fois de plus et nous en sommes vraiment désolés, est resté silencieux pendant quelques semaines.
Il faut dire que le greffier du dit tribunal a été testé positif au Clownvid 001.
Il s’agirait selon les désinformations que nous avons survolées d’un nouveau virus non encore répertorié par les principaux logiciels de reconnaissance de mauvais caractère.
Les symptômes les plus caractéristiques de cette nouvelle maladie sont très inquiétants.
Il est évident que tout sera mis en œuvre pour éviter la contamination. Le premier symptôme est celui de la parole. Les personnes atteintes, et ce fut le cas de ce malheureux greffier, se mettent soudain à parler, à voix haute et intelligible. Il convient pour ne pas commettre d’erreur de diagnostic de ne pas confondre avec le syndrome un peu plus connu dit du « monologue ».
En effet les personnes infectées non seulement…

Voir l’article original 196 mots de plus

Ecoute petit homme…

Les mots d'Eric

Ecoute petit homme,

Ecoute.

Il est si beau ce monde qui ne dit rien.

Il est si beau ce monde,

Il te parle, c’est le tien.

Regarde petit homme heureux,

Regarde ces furieux,

Fanatiques, frénétiques,

Ils ont le cœur électrique.

Ils préparent la prière,

Hymne cathodique

Aux rimes numériques,

C’est le matin du malin.

Nuques raides, regards vides,

Les impatients sont livides,

Epuisés, lessivés,

Un long sommeil les a lavés.

Ô Nuit blanche et câline,

Ne t’épuise plus à blanchir

Ces haines rances à mourir.

Semées sur l’écran creux

De leurs rêves sans bleu.

La nuit les a libérés.

Il est l’heure,

Affamés, ils attendent

La victime par eux condamnée.

Leurs mots sont prêts

Ils vibrent, affutés, aiguisés,

Ils vont frapper!

Pas un regard pour ton monde qui sourit.

Ils attendent leurs matins numériques.

Rien ne brille, rien ne bouge.

Hystériques ils cliquent, ils cliquent,

Ils cliquent.

Et ce matin…

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Ne pars pas petit…

Ecoute petit
Ecoute le souffle bas
De ton monde qui soupire
Il n’en peut plus
Plus rien ne bouge

Regarde petit
Regarde la brume du lourd visage gris
D’un vieux monde qui s’est échoué
Sur les pâles rives
De nos peurs enfouies

Approche petit
Approche de ce grand corps affalé
Il voudrait s’étirer
Respirer
S’extirper

Reviens petit
Ne pars pas aussi loin
Il attend tant de toi
Pour avaler son chagrin

Lundi frileux…

C’était un lundi, c’était il y a un an… Presque rien n’a changé…

Les mots d'Eric

Ce matin 7 h 10

C’est un lundi frileux

Tu le sens, tu l’entends,

Ton souffle sonne creux.

Tu pousses la porte

Le froid est là, vif et bleu.

Il est prêt et attend.

C’est long une nuit de feu

A se prendre au sérieux.

Il est là, nu et noir brillant,

Il te tend deux bras noueux

Prends un peu de temps et regarde le…

Voir l’article original

23 h 17, version intégrale…

Et voici pour clôturer la publication en cinq parties, la version intégrale de cette nouvelle que j’ai beaucoup aimé écrire. N’hésitez pas à me donner votre avis…

23 h 17…

« Une nouvelle de Eric Nédélec pour Alice : 12 décembre 2020 »

1

« Eh papa, n’oublie pas, cette année j’ai vingt-cinq ans ! C’est l’année de ma nouvelle. Je te le rappelle parce que je te connais tu vas t’y mettre la veille…

C’est vrai que dans cette famille, c’est devenu une tradition. Le plus vieux des quatre enfants aujourd’hui âgé de trente-cinq ans a eu le privilège d’ouvrir ce bal littéraire. C’était il y a dix ans et à quelques années d’intervalle, les deux autres ont aussi bénéficié du même traitement.

  • Pour vos 25 ans je vous écris une nouvelle !

Voilà c’est comme ça : en quelque sorte c’est écrit.

C’est écrit.  Mais il faut l’écrire…

Le voici arrivé à la quatrième : la dernière, la petite dernière… Disons-le tout net : il y pense ! Pas tout le temps : mais il y pense… Il cherche, il tâtonne. Plus la date approche, plus il est inquiet.

Très inquiet même. On le voit parfois, dehors sur la terrasse, il regarde le ciel, la cime des arbres, les nuages qui roulent comme des vagues.

  • Qu’est-ce que tu fais encore papa ?
  • J’écoute, j’attends, j’entends…
  • N’oublie pas…

Pourtant chez lui, la peur d’écrire n’existe pas. Il est même dans une période où il écrit beaucoup, peut-être trop. Bref, ça le « travaille ». Il a peur. Ce n’est même pas la peur d’être mauvais.  Non le pire pour lui serait d’être moyen, dans cet entre-deux un peu mou.  Son angoisse est de ne pas réussir à poser sur le papier tout ce qu’il entend dans ce qu’il appelle souvent l’arrière-pays de sa tête. Ne pas écrire quelque chose de banal, à côté de la plaque. Il faut des idées, les rassembler et surtout, surtout, trouver un fil conducteur.

Un fil conducteur, ou une lumière. Une belle lumière.

Alors il écrit. Les feuilles sont là, lisses et blanches. Il les caresse, les sent. Il respire.

Et l’inspiration jaillit. Au début quelques larmes, et puis un long sanglot, une rivière, un torrent. Les idées coulent sur le papier. Les mots, des phrases, des souvenirs, des images, des personnages, des caractères, des inventions, des convictions.

Et la lumière encore, toujours…

Tout cela fait un joli fatras. Fatras, il est beau ce mot. Mais il y a encore mieux : il y a taffetas. Le taffetas que forment les tas de feuilles. Tas de feuilles posés ici ou là, traces de ses inspirations.

C’était le premier mardi de novembre : le trois pour être précis. Fatiguée elle s’est levée pour aller se coucher, s’est arrêtée au milieu de l’escalier de la mezzanine et brusquement s’est retournée avec un sourire mi ironique mi inquiet.

  • Eh papa n’oublie pas, mais vous connaissez la suite…

Et là, il a eu comme un moment de panique. Une bouffée d’angoisse.

La nouvelle, sa nouvelle, les papiers, les feuilles. J’ai écrit, c’est fini. Oui presque fini mais, les feuilles, oui les feuilles, où sont-elles ? Où sont-elles passées ? Où se sont-elles envolées ?

J’aurai dû écrire sur un carnet, pas sur des feuilles volantes. Curieuse cette expression : feuilles volantes… Il pense aux feuilles mortes ; elles s’accrochent, elles résistent, et puis elles tombent ou s’envolent. On est en novembre, ce mois si gris où les feuilles tremblent, tremblent et meurent.

On est en novembre. C’est aussi le mois où les feuilles blanches se remplissent.

Où se sont-elles envolées ces feuilles volantes ?

Arrivée dans sa chambre, elle sourit. Un joli, un vrai sourire intérieur qui brille sur le visage comme une petite flamme. Elle aime taquiner : son papa, les autres. Elle le fait toujours avec légèreté et ce magnifique sourire intérieur qui se devine derrière le miroir des yeux.

Avant de se coucher, elle s’astreint à quelques rites immuables, indispensables. Des rites qu’on ne croirait réservés qu’à celles et ceux dont on trouve qu’ils sont un peu raides, un peu rigides mais certainement pas à la saltimbanque de la famille.

Mais qu’on le veuille ou non les artistes, et c’est une artiste, une artiste de la lumière, sont des personnes organisées, ordonnées.

Chaque soir il y a de façon immuable une liste de choses à faire. Parmi celles-ci, ce soir, justement, elle a prévu de relire ce magnifique texte sur les artistes. Un texte de Léo Ferré. Léo Ferré un artiste. Peut-être le plus grand.

Les artistes,

Ils vous tendent leurs mains et vous donnent le bras

Vous les laissez passer, ils ne sont pas à vous

Les artistes

Ils sont le clair matin dans vos nuits des tempêtes

Ils sont le soleil noir de vos étés d’hiver

Ils chantent dans la nuit à vos tempes muettes

Ils plantent la Folie au fond de vos galères !

2

Elle s’endort vite.  Enfin c’est ce qu’elle supposera peut-être demain.

Elle dira.

  • Je me suis endormie tout de suite,

Mais comment le savoir, saisir le moment, précis où on plonge de l’autre côté ? Alors oui elle dit qu’elle s’endort vite, très vite, toujours.  Elle rêve beaucoup. Des rêves touffus, comme un champ d’herbes sauvages. Ce sont de véritables histoires, des épopées même. Elle s’endort en se disant, ou peut-être qu’elle entend quelqu’un lui murmurer.  

  • J’espère que pour terminer sa nouvelle il ne va pas te faire le coup de la chute classique : « et elle se réveilla car tout cela n’était qu’un rêve ! »

Un rêve. Comme si tout cela ne pouvait être qu’un rêve

Elle ne dort jamais les volets fermés. Peut-être ce besoin de lumière. Cette lumière qui même la nuit est là, tapie, dans l’ombre.  

Dehors un bruit de feuilles mortes. Bruit qui craque, qui froisse. Et une odeur : un mélange d’humide et de sec. Elle dort. Profondément.

Quand elle s’est levée, comme toujours, elle s’est étirée. Elle a souri en regardant la lumière douce du matin qui entre discrètement.

C’est un joli matin de novembre.

Quelques grains de poussières flottent. Ils sont suspendus à ce qui ressemble quand même à un magnifique rayon de soleil.

Elle a rêvé encore, beaucoup. Mais curieusement aujourd’hui elle ne se souvient de rien. De toute façon elle n’aura pas le temps de chercher à se souvenir.  Elle a tellement à faire aujourd’hui. Une liste, longue, hétérogène, échevelée. Elle l’a inscrite sur un carnet. C’était hier soir. Cela fait partie des rites. Elle aime tant les carnets, elle en plusieurs, un pour chaque usage. Carnet pour les voyages, carnet pour les spectacles, carnet pour les rêves, carnet pour les mots qu’elle aime, carnet pour dessiner la lumière, carnet pour son chat. Elle aime tellement son chat qu’elle lui consacre un carnet, rien que pour lui, et comme elle a le sens de l’humour, sur la couverture, elle a noté « Charnet » …

Sur le carnet aux rêves, elle écrit presque tous les matins. Les carnets, ses carnets. Ils sont tous là rangés, alignés, au pied de son lit. Fidèles compagnons

Mais ce matin, c’est le vide.  Ils n’y sont plus. Il n’y a plus rien, ou presque. Il n’en reste qu’un seul.  Elle ne le connait pas. C’est un gros carnet.  Les autres ont dû glisser sous le lit.

C’est curieux quand même !  Glisser sous le lit…Elle sourit, ses yeux se plissent. Elle est certaine qu’hier soir, comme tous les jours elle a écrit quelques lignes. Sur chacun d’entre eux.

Hier soir. Quelques lignes : sur son carnet, sur ses carnets. Elle ne souvient pas ou mal.

Un carnet.  Un seul.  Il est là.

Il n’y a rien. Elle le sait, elle le sent. Elle ne l’ouvre pas. Il est peut-être trop tôt.

Dehors un chien aboie. Un aboiement lourd qu’elle connaît bien, même s’il y a bien longtemps que…

Bien longtemps qu’il est parti. Quelque part, ailleurs, dans la nuit des chiens. La nuit des chiens.  Elle se souvient ; cette phrase, ces mots. Léo Ferré.

Ce n’est pas de son âge d’écouter Léo Ferré.  C’est ce que certains lui ont dit. Léo Ferré : sa chienne qui n’avait que trois pattes : « elle est partie, Misère, dans des cachots, quelque part dans la nuit des chiens… »

Un chien aboie. Il aboie. Elle entend. Frissons.

Bruit de feuilles. Se pencher à la fenêtre et observer. Non : ne pas modifier l’ordre, l’ordre du monde, de son monde. Se lever, s’étirer, vérifier que tout est en place.

Les carnets, le carnet.

Le carnet. Elle ne le reconnait pas. Il faut qu’elle le lise, qu’elle se relise. Elle s’assied au bord du lit, le carnet est ouvert sur ses genoux. La lumière est si belle, caressante, une lumière qui invite les sourires.

Elle sourit. Elle est bien.

3

C’est bien son écriture. Comme s’il pouvait en être autrement.  Comme s’il était possible d’en douter. Mais elle doute. Tout est si étrange ce matin : la lumière, l’aboiement de ce chien. Sa légèreté.  Elle n’a presque pas eu besoin de s’étirer. Pas mal au dos ce matin.

Elle commence à promener ses yeux sur les dernières pages. Elles ont été noircies hier soir. C’est écrit :  il y a la date : « mardi 3 novembre, 23 h 17 ». C’est étrange, elle ne se souvient pas, elle avait tellement sommeil.

Elle commence sa lecture : « une fois n’est pas coutume avant de m’endormir j’ai besoin de raconter mon rêve. Mais pas celui de la veille, non celui de la veille c’est le matin que je le raconte. Non je veux raconter celui de maintenant enfin de tout à l’heure de cette nuit. Je veux faire cette expérience ; je veux écrire le rêve que je n’ai pas eu, pas encore, et puis m’endormir. On ne sait jamais, je vais commencer et lorsque je m’endormirai, le carnet glissera par terre, comme une feuille volante et moi dans le sommeil.

Une feuille volante. Comme un signe.

« Tout a commencé par un aboiement : il me réveille et lorsque je me lève, ma chambre n’est plus la même, à commencer par la tapisserie. Il est curieux ce papier peint, blanc, couvert de graffitis, de mots, des mots que j’aime. La fenêtre est ouverte : j’entends toujours cet aboiement, et une rumeur, la rumeur de la ville. Ce doit être une ville étrangère parce que je ne saisis ni ne comprends aucun mot.  Je me lève, je me sens légère, vaporeuse presque, m’approche de la fenêtre ; enfin j’essaie, car elle est loin, de plus en plus loin, elle s’éloigne. Mais j’entends toujours le brouhaha de la ville. Je ne sais pas où je suis, j’ai dû dormir trop profondément. Un aboiement. Ce mur, avec tous les mots que j’aime… »

Elle est toujours assise au bord du lit. Elle a tourné la page. Le dernier mot qu’elle a écrit avant de s’endormir est tremblant le e de aime s’affaisse en dessous de la ligne. Mais la page est blanche. Il faut qu’elle se souvienne. Que s’est -il passé ensuite ? Elle ne se rappelle pas : son expérience n’a pas fonctionné.

Elle aimerait tellement pouvoir raconter la suite. Une autre fois peut-être. Après tout, se dit-elle, je suis peut-être encore en train de rêver, je vais me réveiller…

Me réveiller. Et les carnets : où sont-ils ?  Elle doute maintenant.  Elle les a peut-être oubliés.  Ou alors elle ne les a pas tous sortis. Elle hésite. Elle n’est jamais au même endroit, un jour chez l’une, une nuit chez l’autre. C’est une nomade, une nomade organisée.

Elle va prendre l’air. Il faut qu’elle prenne l’air. Rien de tel pour se remettre les idées en place. Nous sommes en novembre. La fraîcheur lui fera du bien. Elle s’approche de la fenêtre, ferme les yeux, prend une longue inspiration.

Aboiements, bruits de rue, chants, cris. Elle n’est pas chez elle ; elle ne se retrouve pas. Peut-être a-t-elle trop dormi ? Cela lui arrive parfois : ne plus savoir où on se trouve. Cette rue, là juste sous sa fenêtre, étroite, très étroite, en face juste en face des murs blancs. Quelques fenêtres attrapent des rayons de soleil et les envoient.

Elle est belle cette lumière. Si belle…

Elle ferme la fenêtre. Sortir de la chambre. Il faut que je sorte de cette chambre. La porte est fermée. Chaque pas qu’elle fait est lourd. Comme si elle était engluée dans du sable mouvant. Elle ouvre la porte. Ici, il fait encore nuit. Pourtant il y a quelques instants elle sentait les rayons du soleil qui lui caressaient la peau…

Ici il fait encore nuit. Elle distingue le son d’une télé.  Un son familier. Je rêvais dit-elle… Mais où, quand. Elle sourit : « et si tout cela n’était qu’un rêve » et ce que lui disait son père « et si nous n’étions tous que le rêve d’un papillon ».

Elle sourit. Pourvu qu’ils ne se réveillent pas : son père, le papillon…

Elle ne sait pas, elle ne sait plus. Elle avance.  Jusqu’à la cuisine.

Tout est normal. Boire un verre d’eau. Il le faut.

Elle regarde la pendule : elle marque 23 h 17.

  • Tiens j’aurai pensé avoir dormi plus.

Elle ne fait pas de bruit. Elle entend le son de la télévision. Le plancher craque.  

  • Je vais aller me recoucher.

4

Elle est retournée dans sa chambre.  Son lit est en pleine lumière, la lumière d’un si beau jour. La fenêtre est toujours ouverte, les chiens aboient, on entend des enfants qui jouent, ils crient, dans une autre langue. Elle aime tellement voyager.

Il faut reprendre le carnet, la lecture, écrire peut-être. Se souvenir :  23 h 17…

Elle l’a écrit. Elle ne sait pas, ne sait plus, lit ce qu’elle a écrit, l’histoire de ce rêve commencé, pour qu’il se fabrique, pour qu’il entre à l’intérieur

Le 23 h 17 du carnet. Le 23 h 17 de la cuisine. Curieuses ces heures, l’une est lourde, poisseuse, engluée de noir et l’autre est légère pleine de soleil. Elle la sent, là, sur la peau, par la fenêtre. Elle poursuit sa lecture.  

…La fenêtre est ouverte, et j’entends toujours cet aboiement, et une rumeur, la rumeur de la ville, une ville étrangère parce que je ne saisis ni ne comprends aucun mot, je me lève, je me sens légère, vaporeuse presque, et m’approche de la fenêtre, enfin j’essaie, car elle est loin, de plus en plus loin, mais j’entends toujours le brouhaha de la ville. Je ne sais pas où je suis, j’ai dû dormir trop profondément. Un aboiement, et ce mur, avec tous les mots que j’aime….

Elle poursuit sa lecture, l’écriture est plus tremblante, certaines lettres à la fin des mots coulent, elles s’effondrent même, le sommeil devait être proche.

Ce rêve est étrange, je ne l’ai pas encore eu, mais je le sens tellement.  Il est là en moi ; ce n’est pas un rêve, c’est un désir. Un désir de lumière ; ces lumières dont on dit qu’elles sont chaudes : lumières du sud, lumières qui sentent le pain qui sort du four.  J’ai sommeil, je sens que mes yeux papillonnent ; ils vont se fermer ; je n’ai pas fini. Il ne faut pas que je finisse, les mots restent suspendus là, ils planent au-dessus de mon carnet, et ils se poseront tout à l’heure sur mes paupières qui se fermeront et le rêve se poursuivra et demain je me réveillerai et je le raconterai. Un aboiement, au loin, des cris d’enfants, des femmes emplies de couleurs….

Elle est parvenue au bas de la page. C’est ce qu’elle a écrit hier soir, juste avant de s’endormir à 23 h 17 ou un peu plus tard. Le temps qu’il faut pour écrire sur cette page de carnet.

Et maintenant elle est là assise, au bord du lit, il faut qu’elle tourne la page, la nuit est finie, elle a rêvé, il le faut. Raconter, écrire, la suite, ce qui s’est passé pendant cette nuit.

Elle tourne la page, elle est pleine, remplie, la suivante aussi et celle d’après, et toujours plus, elle feuillette fébrilement, le carnet est plein.

Toutes les pages sont noires. Une écriture serrée, nerveuse. Elle ne se souvient pas. Quelques lignes encore. Il faut qu’elle lise quelques lignes

Un aboiement, au loin, des cris d’enfants, des femmes emplies de couleurs….

Ce sont les derniers mots qu’elle a écrits.  C’est sûr, certain, elle s’en souvient.

Elle poursuit sa lecture.

J’ai ouvert la fenêtre. Dehors il fait grand jour, et je reconnais cette petite rue étroite, c’est au Chili. A Santiago. Je me penche ; dans la rue en bas, je reconnais, mon père, il lève la tête, l’aboiement que j’entends est celui de mon chien notre chien. C’est drôle ce gros chien des montagnes, ici dans cette ville chaude. Mon père me parle, je ne comprends pas tout de suite mais il me dit de descendre, de venir le rejoindre. On ira se promener. Je lui dis d’accord. Je ferme la fenêtre et je veux pousser la porte. C’est impossible elle est lourde, si lourde.

Elle ne comprend plus rien, elle a l’impression d’être dans une boucle qui n’en finit plus. Les pages du carnet sont remplis d’une écriture fine, régulière, c’est son écriture. Elle ne sait pas que faire, elle ne sait plus. Elle est partagée ; elle est comme dans un rêve. Son rêve qu’elle n’a pas fini, mais qu’elle a déjà raconté, c’est écrit là, elle le sait, il y a la suite.

…et je veux pousser la porte mais c’est impossible elle est lourde, si lourde.

La phrase d’après. Il le faut. Une seule, pour savoir, pour comprendre.

Chaque pas que je fais est lourd, comme si j’étais engluée dans du sable mouvant ; j’ouvre la porte, il fait encore nuit. Ici il fait encore nuit, et pourtant il y a quelques instants je sentais les rayons du soleil qui me caressaient la peau ? Ici il fait nuit, encore, j’entends le son d’une télé, un son familier. Je me dis que je rêve e… Mais où, quand. Je repense en souriant « et si tout cela n’était qu’un rêve » ou ce que me dit mon père « et si nous n’étions tous que le rêve d’un papillon ». Je souris. Pourvu qu’il ne se réveille pas : mon père ou le papillon…

Elle ne lit plus, elle est certaine qu’elle sait déjà ce qu’il y a d’écrit. Elle le sait.

Elle est dans le brouillard. Se réveiller, s’endormir.  Entre les deux. C’est si compliqué. Inspirer, souffler.  Il faut qu’elle le fasse.

Et l’heure, quelle est-elle, ou est-elle ?

5

  • Alors Alice tu en penses quoi ?
  • Ouais, c’est cool, je n’ai pas tout compris mais c’est cool…
  • C’est peut-être un peu tordu non, tu ne trouves pas que je me suis un peu compliqué la vie, dis-moi franchement

Ils sont quatre autour de la table. Des amis, des vrais, on comprend tout de suite aux regards qu’ils se portent, qu’ils se connaissent parfaitement, profondément, et qu’ils s’aiment.  Oui surtout qu’ils s’aiment. Dans ce bar ils sont chez eux, Alice rit, souvent, fort, très fort. Derrière le bar, le patron sourit. Alice il l’aime beaucoup lui aussi. Elle est de ces clientes qu’on aime voir entrer. Quand elle ouvre la porte tu te rappelles pourquoi tu vis.

Il les observe depuis un moment, il sait qu’ils ont un projet de pièce, ils en ont parlé. Une pièce qui assemble leurs amitiés, une pièce qui leur ressemble. Ils sont souvent là.  Il les entend, chacun avec leurs carnets ; la plus bavarde c’est Alice.  Dans son sac elle a toujours son carnet à rêves. Il entend. Et les trois autres l’écoutent, Gabriela est dramaturge, elle prend des notes. Il entend elle pose des questions, elle raconte, elle aussi, pas comme Alice, elle ne lit pas, ce ne sont pas ses rêves qu’elle raconte, c’est sa vie, ses souvenirs enfin il le suppose. Il aime sa voix, son accent, elle est née au Chili. Elle est en France depuis 12 ans, elle veut retenir au pays avec un projet.

Ils viennent depuis plusieurs semaines tous les soirs, au début c’était Alice qui parlait le plus. Maintenant elle prend des notes. Elle fait des croquis.  Et puis il y a les deux autres, Fabrice et Tonio. Eux ce sont des comédiens, ils écoutent, ils attendent.

Le premier soir où ils sont venus tous les quatre je me souviens que Alice était impatiente de lire son carnet à rêve. Mais Gabriella, comme souvent a parlé la première, elle venait de recevoir une carte postale de sa famille à Santiago, la photo d’une rue étroite, lumineuse, avec des enfants qui jouent, un chien, les façades sont ocres, toutes les fenêtres sont fermées sauf une. On y distingue un visage.

Alors Alice tu en penses quoi, franchement elle n’est pas trop tordue mon histoire ?

Fabrice et Tonio se regardent.  Ils ont aimé ce texte, ils ont déjà quelques idées à suggérer.

Alice les regarde aussi, elle n’aime pas forcément parler en premier. Alors oui elle a dit que c’était cool, c’est le mot qu’elle aime utiliser, comme le signe de ponctuation de la tendresse qu’elle a pour beaucoup, mais là elle comprend qu’il faut en dire plus.

  • C’est un peu compliqué, comme tu dis, mais de toute façon la vie c’est un peu compliqué non ? Mais là oui franchement j’aime bien les contrastes, j’ai déjà pas mal de trucs en tête,
  • Et vous vous en pensez quoi Fabrice, Tonio ?
  • Nous on vous suit. On signe, mais là on ne veut pas faire les vieux il faut qu’on rentre

Alice se tourne vers moi, je suis affalé, contre mon bar, je les écoute. Je suis bien.

  • C’est quelle heure Max ?

Je les aime tous les quatre, ils ne sont pas comme tout le monde, leurs smartphones ne sont jamais posés sur la table, ce sont des objets qu’ils n’utilisent que très peu m’ont-ils expliqué. Alors l’heure ils aiment la demander et je suis tellement heureux de la leur offrir

  • C’est quelle heure Max ?
  • 23 h 17 les amis…

23 h 17, cinquième et dernière partie…

5

  • Alors Alice tu en penses quoi ?
  • Ouais, c’est cool, je n’ai pas tout compris mais c’est cool…
  • C’est peut-être un peu tordu non, tu ne trouves pas que je me suis un peu compliqué la vie, dis-moi franchement

Ils sont quatre autour de la table. Des amis, des vrais, on comprend tout de suite aux regards qu’ils se portent, qu’ils se connaissent parfaitement, profondément, et qu’ils s’aiment.  Oui surtout qu’ils s’aiment. Dans ce bar ils sont chez eux, Alice rit, souvent, fort, très fort. Derrière le bar, le patron sourit. Alice il l’aime beaucoup lui aussi. Elle est de ces clientes qu’on aime voir entrer. Quand elle ouvre la porte tu te rappelles pourquoi tu vis.

Il les observe depuis un moment, il sait qu’ils ont un projet de pièce, ils en ont parlé. Une pièce qui assemble leurs amitiés, une pièce qui leur ressemble. Ils sont souvent là.  Il les entend, chacun avec leurs carnets ; la plus bavarde c’est Alice.  Dans son sac elle a toujours son carnet à rêves. Il entend. Et les trois autres l’écoutent, Gabriela est dramaturge, elle prend des notes. Il entend elle pose des questions, elle raconte, elle aussi, pas comme Alice, elle ne lit pas, ce ne sont pas ses rêves qu’elle raconte, c’est sa vie, ses souvenirs enfin il le suppose. Il aime sa voix, son accent, elle est née au Chili. Elle est en France depuis 12 ans, elle veut retenir au pays avec un projet.

Ils viennent depuis plusieurs semaines tous les soirs, au début c’était Alice qui parlait le plus. Maintenant elle prend des notes. Elle fait des croquis.  Et puis il y a les deux autres, Fabrice et Tonio. Eux ce sont des comédiens, ils écoutent, ils attendent.

Le premier soir où ils sont venus tous les quatre je me souviens que Alice était impatiente de lire son carnet à rêve. Mais Gabriella, comme souvent a parlé la première, elle venait de recevoir une carte postale de sa famille à Santiago, la photo d’une rue étroite, lumineuse, avec des enfants qui jouent, un chien, les façades sont ocres, toutes les fenêtres sont fermées sauf une. On y distingue un visage.

  • Alors Alice tu en penses quoi, franchement elle n’est pas trop tordue mon histoire ?

Fabrice et Tonio se regardent.  Ils ont aimé ce texte, ils ont déjà quelques idées à suggérer.

Alice les regarde aussi, elle n’aime pas forcément parler en premier. Alors oui elle a dit que c’était cool, c’est le mot qu’elle aime utiliser, comme le signe de ponctuation de la tendresse qu’elle a pour beaucoup, mais là elle comprend qu’il faut en dire plus.

  • C’est un peu compliqué, comme tu dis, mais de toute façon la vie c’est un peu compliqué non ? Mais là oui franchement j’aime bien les contrastes, j’ai déjà pas mal de trucs en tête,
  • Et vous vous en pensez quoi Fabrice, Tonio
  • Nous on vous suit. On signe, mais là on ne veut pas faire les vieux mais il faut qu’on rentre

Alice se tourne vers moi, je suis affalé, contre mon bar, je les écoute. Je suis bien.

  • C’est quelle heure Max ?

Je les aime tous les quatre, ils ne sont pas comme tout le monde, leurs smartphones ne sont jamais posés sur la table, ce sont des objets qu’ils n’utilisent que très peu m’ont-ils expliqué. Alors l’heure ils aiment la demander et je suis tellement heureux de la leur offrir

C’est quelle heure Max ?

  • 23 h 17 les amis…

23 h 17, quatrième partie…

4

Elle est retournée dans sa chambre. Son lit est en pleine lumière, la lumière d’un si beau jour. La fenêtre est toujours ouverte, les chiens aboient, on entend des enfants qui jouent, ils crient, dans une autre langue. Elle aime tellement voyager.
Il faut reprendre le carnet, la lecture, écrire peut-être. Se souvenir : 23 h 17…
Elle l’a écrit. Elle ne sait pas, ne sait plus, lit ce qu’elle a écrit, l’histoire de ce rêve commencé, pour qu’il se fabrique, pour qu’il entre à l’intérieur
Le 23 h 17 du carnet. Le 23 h 17 de la cuisine. Curieuses ces heures, l’une est lourde, poisseuse, engluée de noir et l’autre est légère pleine de soleil. Elle la sent, là, sur la peau, par la fenêtre. Elle poursuit sa lecture.
…La fenêtre est ouverte, et j’entends toujours cet aboiement, et une rumeur, la rumeur de la ville, une ville étrangère parce que je ne saisis ni ne comprends aucun mot, je me lève, je me sens légère, vaporeuse presque, et m’approche de la fenêtre, enfin j’essaie, car elle est loin, de plus en plus loin, mais j’entends toujours le brouhaha de la ville. Je ne sais pas où je suis, j’ai dû dormir trop profondément. Un aboiement, et ce mur, avec tous les mots que j’aime….
Elle poursuit sa lecture, l’écriture est plus tremblante, certaines lettres à la fin des mots coulent, elles s’effondrent même, le sommeil devait être proche.
Ce rêve est étrange, je ne l’ai pas encore eu, mais je le sens tellement. Il est là en moi ; ce n’est pas un rêve, c’est un désir. Un désir de lumière ; ces lumières dont on dit qu’elles sont chaudes : lumières du sud, lumières qui sentent le pain qui sort du four. J’ai sommeil, je sens que mes yeux papillonnent ; ils vont se fermer ; je n’ai pas fini. Il ne faut pas que je finisse, les mots restent suspendus là, ils planent au-dessus de mon carnet, et ils se poseront tout à l’heure sur mes paupières qui se fermeront et le rêve se poursuivra et demain je me réveillerai et je le raconterai. Un aboiement, au loin, des cris d’enfants, des femmes emplies de couleurs….
Elle est parvenue au bas de la page. C’est ce qu’elle a écrit hier soir, juste avant de s’endormir à 23 h 17 ou un peu plus tard. Le temps qu’il faut pour écrire sur cette page de carnet.
Et maintenant elle est là assise, au bord du lit, il faut qu’elle tourne la page, la nuit est finie, elle a rêvé, il le faut. Raconter, écrire, la suite, ce qui s’est passé pendant cette nuit.
Elle tourne la page, elle est pleine, remplie, la suivante aussi et celle d’après, et toujours plus, elle feuillette fébrilement, le carnet est plein.
Toutes les pages sont noires. Une écriture serrée, nerveuse. Elle ne se souvient pas. Quelques lignes encore. Il faut qu’elle lise quelques lignes
Un aboiement, au loin, des cris d’enfants, des femmes emplies de couleurs….
Ce sont les derniers mots qu’elle a écrits. C’est sûr, certain, elle s’en souvient.
Elle poursuit sa lecture.
J’ai ouvert la fenêtre. Dehors il fait grand jour, et je reconnais cette petite rue étroite, c’est au Chili. A Santiago. Je me penche ; dans la rue en bas, je reconnais, mon père, il lève la tête, l’aboiement que j’entends est celui de mon chien notre chien. C’est drôle ce gros chien des montagnes, ici dans cette ville chaude. Mon père me parle, je ne comprends pas tout de suite mais il me dit de descendre, de venir le rejoindre. On ira se promener. Je lui dis d’accord. Je ferme la fenêtre et je veux pousser la porte. C’est impossible elle est lourde, si lourde.
Elle ne comprend plus rien, elle a l’impression d’être dans une boucle qui n’en finit plus. Les pages du carnet sont remplis d’une écriture fine, régulière, c’est son écriture. Elle ne sait pas que faire, elle ne sait plus. Elle est partagée ; elle est comme dans un rêve. Son rêve qu’elle n’a pas fini, mais qu’elle a déjà raconté, c’est écrit là, elle le sait, il y a la suite.
…et je veux pousser la porte mais c’est impossible elle est lourde, si lourde.
La phrase d’après. Il le faut. Une seule, pour savoir, pour comprendre.
Chaque pas que je fais est lourd, comme si j’étais engluée dans du sable mouvant ; j’ouvre la porte, il fait encore nuit. Ici il fait encore nuit, et pourtant il y a quelques instants je sentais les rayons du soleil qui me caressaient la peau ? Ici il fait nuit, encore, j’entends le son d’une télé, un son familier. Je me dis que je rêve e… Mais où, quand. Je repense en souriant « et si tout cela n’était qu’un rêve » ou ce que me dit mon père « et si nous n’étions tous que le rêve d’un papillon ». Je souris. Pourvu qu’il ne se réveille pas : mon père ou le papillon…
Elle ne lit plus, elle est certaine qu’elle sait déjà ce qu’il y a d’écrit. Elle le sait.
Elle est dans le brouillard. Se réveiller, s’endormir. Entre les deux. C’est si compliqué. Inspirer, souffler. Il faut qu’elle le fasse.
Et l’heure, quelle est-elle, ou est-elle ?

Le monde boite bas

Et ça continue…

Les mots d'Eric

Souviens-toi passager,

Souviens-toi,

C’est un mardi,

Un petit mardi

Aux bords affaissés.

Tout va si vite,

Tant de terres traversées

Tant de terres séparées…

Souviens-toi,

Derrière la vitre,

C’est un homme qui pleure,

Personne ne le voit.

Chacun est à son clic,

Les larmes ne s’affichent pas.

L’homme regarde le monde,

Les autres ne le voient pas,

Rides sur le front,

Ils habitent le monde numérique.

L’homme pleure le monde perdu,

Son monde frissonne et boite bas.

21 janvier

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23 h 17, troisième partie…

3

C’est bien son écriture. Comme s’il pouvait en être autrement. Comme s’il était possible d’en douter. Mais elle doute. Tout est si étrange ce matin : la lumière, l’aboiement de ce chien. Sa légèreté. Elle n’a presque pas eu besoin de s’étirer. Pas mal au dos ce matin.
Elle commence à promener ses yeux sur les dernières pages. Elles ont été noircies hier soir. C’est écrit : il y a la date : « mardi 3 novembre, 23 h 17 ». C’est étrange, elle ne se souvient pas, elle avait tellement sommeil.
Elle commence sa lecture : « une fois n’est pas coutume avant de m’endormir j’ai besoin de raconter mon rêve. Mais pas celui de la veille, non celui de la veille c’est le matin que je le raconte. Non je veux raconter celui de maintenant enfin de tout à l’heure de cette nuit. Je veux faire cette expérience ; je veux écrire le rêve que je n’ai pas eu, pas encore, et puis m’endormir. On ne sait jamais, je vais commencer et lorsque je m’endormirai, le carnet glissera par terre, comme une feuille volante et moi dans le sommeil.
Une feuille volante. Comme un signe.
« Tout a commencé par un aboiement : il me réveille et lorsque je me lève, ma chambre n’est plus la même, à commencer par la tapisserie. Il est curieux ce papier peint, blanc, couvert de graffitis, de mots, des mots que j’aime. La fenêtre est ouverte : j’entends toujours cet aboiement, et une rumeur, la rumeur de la ville. Ce doit être une ville étrangère parce que je ne saisis ni ne comprends aucun mot. Je me lève, je me sens légère, vaporeuse presque, m’approche de la fenêtre ; enfin j’essaie, car elle est loin, de plus en plus loin, elle s’éloigne. Mais j’entends toujours le brouhaha de la ville. Je ne sais pas où je suis, j’ai dû dormir trop profondément. Un aboiement. Ce mur, avec tous les mots que j’aime… »
Elle est toujours assise au bord du lit. Elle a tourné la page. Le dernier mot qu’elle a écrit avant de s’endormir est tremblant le e de aime s’affaisse en dessous de la ligne. Mais la page est blanche. Il faut qu’elle se souvienne. Que s’est -il passé ensuite ? Elle ne se rappelle pas : son expérience n’a pas fonctionné.
Elle aimerait tellement pouvoir raconter la suite. Une autre fois peut-être. Après tout, se dit-elle, je suis peut-être encore en train de rêver, je vais me réveiller…
Me réveiller. Et les carnets : où sont-ils ? Elle doute maintenant. Elle les a peut-être oubliés. Ou alors elle ne les a pas tous sortis. Elle hésite. Elle n’est jamais au même endroit, un jour chez l’une, une nuit chez l’autre. C’est une nomade, une nomade organisée.
Elle va prendre l’air. Il faut qu’elle prenne l’air. Rien de tel pour se remettre les idées en place. Nous sommes en novembre. La fraîcheur lui fera du bien. Elle s’approche de la fenêtre, ferme les yeux, prend une longue inspiration.
Aboiements, bruits de rue, chants, cris. Elle n’est pas chez elle ; elle ne se retrouve pas. Peut-être a-t-elle trop dormi ? Cela lui arrive parfois : ne plus savoir où on se trouve. Cette rue, là juste sous sa fenêtre, étroite, très étroite, en face juste en face des murs blancs. Quelques fenêtres attrapent des rayons de soleil et les envoient.
Elle est belle cette lumière. Si belle…
Elle ferme la fenêtre. Sortir de la chambre. Il faut que je sorte de cette chambre. La porte est fermée. Chaque pas qu’elle fait est lourd. Comme si elle était engluée dans du sable mouvant. Elle ouvre la porte. Ici, il fait encore nuit. Pourtant il y a quelques instants elle sentait les rayons du soleil qui lui caressaient la peau…
Ici il fait encore nuit. Elle distingue le son d’une télé. Un son familier. Je rêvais dit-elle… Mais où, quand. Elle sourit : « et si tout cela n’était qu’un rêve » et ce que lui disait son père « et si nous n’étions tous que le rêve d’un papillon ».
Elle sourit. Pourvu qu’ils ne se réveillent pas : son père, le papillon…
Elle ne sait pas, elle ne sait plus. Elle avance. Jusqu’à la cuisine.
Tout est normal. Boire un verre d’eau. Il le faut.
Elle regarde la pendule : elle marque 23 h 17.

  • Tiens j’aurai pensé avoir dormi plus.

Elle ne fait pas de bruit. Elle entend le son de la télévision. Le plancher craque.

  • Je vais aller me recoucher.

Là-bas…

Là-bas , c’était il y a un an…

Les mots d'Eric

Là-bas, au bout de l’Ile d’Ouessant…

Quand le monde est si bruyant,

Qu’il couvre même le vent,

Quand les regards sont de travers,

Que les yeux se noient dans le triste amer,

N’entre pas dans l’arène!

N’aiguise pas tes lames numériques!

Fais comme tes pères,

Rêve d’Amérique!

Il faut que tu marches jusqu’au bout.

Là-bas, si loin,

Tu verras:

L’île se blottit

Entre les bras bleus de l’océan.

Là-bas, en bord de pluie

Tu verras:

Le doux demain clair

Il t’attend et sourit.  

Si tu ne peux pas partir,

Reste tête haute,

Marche jusqu’aux souvenirs.

Prends le chemin le plus malin.

Cours, vole, rêve, espère,

Souris de cet air qui te fouette !

Mais ne laisse pas gagner

La fanfare des maudits.

Laisse-les agiter, vociférer.

Demain tu verras,

Ils seront oubliés.

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23 h 17… Deuxième partie…

2

Elle s’endort vite.  Enfin c’est ce qu’elle supposera peut-être demain.

Elle dira.

  • Je me suis endormie tout de suite,

Mais comment le savoir, saisir le moment, précis où on plonge de l’autre côté ? Alors oui elle dit qu’elle s’endort vite, très vite, toujours.  Elle rêve beaucoup. Des rêves touffus, comme un champ d’herbes sauvages. Ce sont de véritables histoires, des épopées même. Elle s’endort en se disant, ou peut-être qu’elle entend quelqu’un lui murmurer.  

  • J’espère que pour terminer sa nouvelle il ne va pas te faire le coup de la chute classique : « et elle se réveilla car tout cela n’était qu’un rêve ! »

Un rêve. Comme si tout cela ne pouvait être qu’un rêve

Elle ne dort jamais les volets fermés. Peut-être ce besoin de lumière. Cette lumière qui même la nuit est là, tapie, dans l’ombre.  

Dehors un bruit de feuilles mortes. Bruit qui craque, qui froisse. Et une odeur : un mélange d’humide et de sec. Elle dort. Profondément.

Quand elle s’est levée, comme toujours, elle s’est étirée. Elle a souri en regardant la lumière douce du matin qui entre discrètement.

C’est un joli matin de novembre.

Quelques grains de poussières flottent. Ils sont suspendus à ce qui ressemble quand même à un magnifique rayon de soleil.

Elle a rêvé encore, beaucoup. Mais curieusement aujourd’hui elle ne se souvient de rien. De toute façon elle n’aura pas le temps de chercher à se souvenir.  Elle a tellement à faire aujourd’hui. Une liste, longue, hétérogène, échevelée. Elle l’a inscrite sur un carnet. C’était hier soir. Cela fait partie des rites. Elle aime tant les carnets, elle en plusieurs, un pour chaque usage. Carnet pour les voyages, carnet pour les spectacles, carnet pour les rêves, carnet pour les mots qu’elle aime, carnet pour dessiner la lumière, carnet pour son chat. Elle aime tellement son chat qu’elle lui consacre un carnet, rien que pour lui, et comme elle a le sens de l’humour, sur la couverture, elle a noté « Charnet » …

Sur le carnet aux rêves, elle écrit presque tous les matins. Les carnets, ses carnets. Ils sont tous là rangés, alignés, au pied de son lit. Fidèles compagnons

Mais ce matin, c’est le vide.  Ils n’y sont plus. Il n’y a plus rien, ou presque. Il n’en reste qu’un seul.  Elle ne le connait pas. C’est un gros carnet.  Les autres ont dû glisser sous le lit.

C’est curieux quand même !  Glisser sous le lit…Elle sourit, ses yeux se plissent. Elle est certaine qu’hier soir, comme tous les jours elle a écrit quelques lignes. Sur chacun d’entre eux.

Hier soir. Quelques lignes : sur son carnet, sur ses carnets. Elle ne souvient pas ou mal.

Un carnet.  Un seul.  Il est là.

Il n’y a rien. Elle le sait, elle le sent. Elle ne l’ouvre pas. Il est peut-être trop tôt.

Dehors un chien aboie. Un aboiement lourd qu’elle connaît bien, même s’il y a bien longtemps que…

Bien longtemps qu’il est parti. Quelque part, ailleurs, dans la nuit des chiens. La nuit des chiens.  Elle se souvient ; cette phrase, ces mots. Léo Ferré.

Ce n’est pas de son âge d’écouter Léo Ferré.  C’est ce que certains lui ont dit. Léo Ferré : sa chienne qui n’avait que trois pattes : « elle est partie, Misère, dans des cachots, quelque part dans la nuit des chiens… »

Un chien aboie. Il aboie. Elle entend. Frissons.

Bruit de feuilles. Se pencher à la fenêtre et observer. Non : ne pas modifier l’ordre, l’ordre du monde, de son monde. Se lever, s’étirer, vérifier que tout est en place.

Les carnets, le carnet.

Le carnet. Elle ne le reconnait pas. Il faut qu’elle le lise, qu’elle se relise. Elle s’assied au bord du lit, le carnet est ouvert sur ses genoux. La lumière est si belle, caressante, une lumière qui invite les sourires.

Elle sourit. Elle est bien.

Dans la réserve à mots…

Quelques conseils que je donnais il y a un an…

Les mots d'Eric

C’est dit, c’est décidé, il le faut, vous le voulez, vous devez parler! Oui c’est cela, pas de doute, il faut que vous vous exprimiez, vous le ressentez. C’est très fort, presque un réflexe. Il faut que cela sorte! C’est bien, c’est normal… Mais attention au mauvais réflexe! Il peut conduire à une fausse route…

Voici donc quelques conseils.

Avant tout, il faut que vous respiriez, que vous ressentiez, que vous réfléchissiez. Ceci fait, vous descendrez tranquillement dans votre réserve à mots. Vous seul connaissez le chemin qui y conduit. Et là, attention, vous entrez sans frapper! Pas de cris, pas de brusque lumière. Un mot qu’on surprend est un mot qui bondit, qui rugit. Un réveil brutal et il vous saute à la gorge.

Finies les courbes qui ondulent, oubliées les rondes voyelles. Le mot mal choisi est aigre, et coupant.

Entrez, éveillez chacun avec le ton qui lui…

Voir l’article original 60 mots de plus

23 h 17… première partie

Comme je vous l’ai annoncé hier, je vais publier une nouvelle que j’ai écrite en fin d’année dernière. C’est un cadeau pour ma dernière fille, Alice. J’avais fait la même chose pour mes trois autres enfants. Et comme pour les autres je lui ai demandé si elle acceptait que je la publie. J’ai beaucoup, beaucoup travaillé ce texte. Et disons le j’en suis particulièrement fier. Je le publierai jusqu’à Dimanche en cinq parties puis lundi prochain en entier…

1

« Eh papa, n’oublie pas, cette année j’ai vingt-cinq ans ! C’est l’année de ma nouvelle. Je te le rappelle parce que je te connais tu vas t’y mettre la veille…

C’est vrai que dans cette famille, c’est devenu une tradition. Le plus vieux des quatre enfants aujourd’hui âgé de trente-cinq ans a eu le privilège d’ouvrir ce bal littéraire. C’était il y a dix ans et à quelques années d’intervalle, les deux autres ont aussi bénéficié du même traitement.

  • Pour vos 25 ans je vous écris une nouvelle !

Voilà c’est comme ça : en quelque sorte c’est écrit.

C’est écrit.  Mais il faut l’écrire…

Le voici arrivé à la quatrième : la dernière, la petite dernière… Disons-le tout net : il y pense ! Pas tout le temps : mais il y pense… Il cherche, il tâtonne. Plus la date approche, plus il est inquiet.

Très inquiet même. On le voit parfois, dehors sur la terrasse, il regarde le ciel, la cime des arbres, les nuages qui roulent comme des vagues.

  • Qu’est-ce que tu fais encore papa ?
  • J’écoute, j’attends, j’entends…
  • N’oublie pas…

Pourtant chez lui, la peur d’écrire n’existe pas. Il est même dans une période où il écrit beaucoup, peut-être trop. Bref, ça le « travaille ». Il a peur. Ce n’est même pas la peur d’être mauvais.  Non le pire pour lui serait d’être moyen, dans cet entre-deux un peu mou.  Son angoisse est de ne pas réussir à poser sur le papier tout ce qu’il entend dans ce qu’il appelle souvent l’arrière-pays de sa tête. Ne pas écrire quelque chose de banal, à côté de la plaque. Il faut des idées, les rassembler et surtout, surtout, trouver un fil conducteur.

Un fil conducteur, ou une lumière. Une belle lumière.

Alors il écrit. Les feuilles sont là, lisses et blanches. Il les caresse, les sent. Il respire.

Et l’inspiration jaillit. Au début quelques larmes, et puis un long sanglot, une rivière, un torrent. Les idées coulent sur le papier. Les mots, des phrases, des souvenirs, des images, des personnages, des caractères, des inventions, des convictions.

Et la lumière encore, toujours…

Tout cela fait un joli fatras. Fatras, il est beau ce mot. Mais il y a encore mieux : il y a taffetas. Le taffetas que forment les tas de feuilles. Tas de feuilles posés ici ou là, traces de ses inspirations.

C’était le premier mardi de novembre : le trois pour être précis. Fatiguée elle s’est levée pour aller se coucher, s’est arrêtée au milieu de l’escalier de la mezzanine et brusquement s’est retournée avec un sourire mi ironique mi inquiet.

  • Eh papa n’oublie pas, mais vous connaissez la suite…

Et là, il a eu comme un moment de panique. Une bouffée d’angoisse.

La nouvelle, sa nouvelle, les papiers, les feuilles. J’ai écrit, c’est fini. Oui presque fini mais, les feuilles, oui les feuilles, où sont-elles ? Où sont-elles passées ? Où se sont-elles envolées ?

J’aurai dû écrire sur un carnet, pas sur des feuilles volantes. Curieuse cette expression : feuilles volantes… Il pense aux feuilles mortes ; elles s’accrochent, elles résistent, et puis elles tombent ou s’envolent. On est en novembre, ce mois si gris où les feuilles tremblent, tremblent et meurent.

On est en novembre. C’est aussi le mois où les feuilles blanches se remplissent.

Où se sont-elles envolées ces feuilles volantes ?

Arrivée dans sa chambre, elle sourit. Un joli, un vrai sourire intérieur qui brille sur le visage comme une petite flamme. Elle aime taquiner : son papa, les autres. Elle le fait toujours avec légèreté et ce magnifique sourire intérieur qui se devine derrière le miroir des yeux.

Avant de se coucher, elle s’astreint à quelques rites immuables, indispensables. Des rites qu’on ne croirait réservés qu’à celles et ceux dont on trouve qu’ils sont un peu raides, un peu rigides mais certainement pas à la saltimbanque de la famille.

Mais qu’on le veuille ou non les artistes, et c’est une artiste, une artiste de la lumière, sont des personnes organisées, ordonnées.

Chaque soir il y a de façon immuable une liste de choses à faire. Parmi celles-ci, ce soir, justement, elle a prévu de relire ce magnifique texte sur les artistes. Un texte de Léo Ferré. Léo Ferré un artiste. Peut-être le plus grand.

Les artistes,

Ils vous tendent leurs mains et vous donnent le bras

Vous les laissez passer, ils ne sont pas à vous

Les artistes

Ils sont le clair matin dans vos nuits des tempêtes

Ils sont le soleil noir de vos étés d’hiver

Ils chantent dans la nuit à vos tempes muettes

Ils plantent la Folie au fond de vos galères !

Au fond de l’armoire…

Il y a un an …

Les mots d'Eric

Dans mon placard à rêves heureux,

Sous une pile de linge bleu,

J’ai trouvé deux vieilles feuilles blanches.

Tendres et belles,

A l’automne, endormies,

Sur leurs peaux pas un pli.

Doucement je les ai libérées.

Dans l’armoire au parfum ciré,

Elles se sont étirées.

Chantent les mots ronds,

Dansent les points pour les i,

Sur feuilles qui pétillent,

C’est une symphonie.

Petit nuage de poussière,

Deux moineaux étonnés

Sur une branche se sont posées

16 janvier

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Mes Everest, Tahar Ben Jelloun : « quel oiseau ivre »

Quel oiseau ivre naîtra de ton absence

toi la main du couchant mêlée à mon rire

et la larme devenue diamant

monte sur la paupière du jour

c’est ton front que je dessine

dans le vol de la lumière

et ton regard

s’en va

sur la vague retournée

un soir de sable

mon corps n’est plus ce miroir qui danse

alors je me souviens

tu te rappelles

toi l’enfant née d’une gazelle

le rêve balbutiait en nous

son chant éphémère

le vent et l’automne dans une petite solitude

je te disais

laisse tes pieds nus sur la terre mouillée

une rue blanche

et un arbre

seront ma mémoire

donne tes yeux à l’horizon qui chante

ma main

suspend la chevelure de la mer

et frôle ta nuque

mais tu trembles dans le miroir de mon corps

nuage

ma voix

te porte vers le jardin d’arbres argentés

c’était un printemps ouvert sur le ciel

il m’a donné une enfant

une enfant qui pleure

une étoile scindée

et mon désir se sépare du jour

je le ramasse dans une feuille de papier

et je m’en vais cacher la folie

dans un roc de solitude

Homme de moins que rien…

En réaction à un « fait » d’actualité…

Homme de moins que rien

Visage mou

Regard moite

Poisseux d’ aigres sueurs

S’incruste entre les rires innocents

Homme de moins que rien

Expire le mauvais parfum

De la suffisance des quelques siens

Il était de ces bavards inutiles

Qui encombre les salons

Homme de moins que rien

Creuse en soufflant

Un gras sillon de silences aigris

Ils étaient tant à le suivre

Roses fanées à la boutonnière

Oublieux de ses arrogances

Dans ce monde aux sourires sucrés

Ignobles, infâmes

Ont repris en cœur

L’hymne gris de leurs violences cachées  

Mes Everest, Jules Supervielle : encore frissonnant …

Sous la peau des ténèbres
Tous les matins je dois
Recomposer un homme
Avec tout ce mélange
De mes jours précédents
Et le peu qui me reste
De mes jours à venir.
Me voici tout entier,
Je vais vers la fenêtre.
Lumière de ce jour,
Je viens du fond des temps,
Respecte avec douceur
Mes minutes obscures,
Épargne encore un peu
Ce que j’ai de nocturne,
D’étoilé en dedans
Et de prêt à mourir
Sous le soleil montant
Qui ne sait que grandir.

Dis lui…

Il y a un an…

Les mots d'Eric

Un peu en panne sèche, je reviens avec ce court texte, inspiré par la douleur que je ressens quand je commets l’erreur de passer un peu trop de temps sur les réseaux sociaux, fossoyeurs des mots, de mes mots….

Monde bleu s’est effacé

Au soir tombant

Tremblant, il a reculé.

Tête basse,

Dans un long bout de vide

Seul et triste

Il s’est retiré

Entends la plainte de monde bleu,

Quelques larmes

Sur ses rides ont coulé

Entends-le qui appelle:

Oh mots, oh mes mots

Vous m’avez abandonné…

Oh mots, oh mes mots,

Que vous a-t-on fait,

Qui vous a sali,

Que vous a-t-on promis?

Homme sans haine,

Tu es seul aussi,

Réponds à monde bleu,

Dis-lui que tu viens,

Dis-lui que tu résistes,

Dis lui…

13 janvier

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Blues…

Un vieil homme au regard gris

Ferme les yeux

Il ne fixe plus le haut du mât

De ses vies passées

Les draps noirs de sa mémoire fripée

Dans la brume de nos larmes se sont emmêlés

Pas un qui ne claque

Pas un qui n’appelle

Le vieil homme est endormi

Il ne reçoit plus le chant des cargos

Dans le blues de son regard qui s’éteint

Les vents de l’Ouest se sont abîmés

C’est le matin qui siffle…

Il y a un an…

Les mots d'Eric

Dans le bout de nuit

Qu’il te reste à inventer,

Tu te cognes aux angles secs

D’ombres épaisses.

Elles avalent le son de feutre

De ton pas glissant.

Pas un chant, pas un souffle,

C’est le matin qui siffle.

Le silence est lourd

Des mots doux qu’il retient;

Il traîne avec lui

Des restes de rêves,

Images brèves d’un monde enfoui

Au fond du ciel sombre

D’une mémoire endormie.

Tu avances, à tâtons,

Ta main se pose,

Longue caresse,

Sur la peau de papier.

Ton cahier est là,

Il est seul,

Sourires

Il attend.  

10 janvier

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J’ai trempé ma plume dans la lumière de ses yeux…

Ce fut je crois un de mes plus beaux textes de l’année 2020

Les mots d'Eric

Homme marche en riant,

Deux trois miettes de nuit

Attendent au silence montant.

Sur le chemin, Homme est arrêté.

En plein vol, un mot a attrapé.

Sur les lignes de sa main,

Doucement l’a posé.

Toute la journée,

Homme a poli,

Homme a aimé

Mot rond aux lettres repliées.

Quand le soir est arrivé,

Souriant, Homme l’a libéré.

Mot doux s’est envolé.

Il chantait, il dansait, il planait.

Si gai, dans l’air léger,

Sur un fil d’encre bleue,

En sifflant il s’est posé.

Homme est reparti

Et dans le soir fredonnant,

J’ai trempé ma plume

Dans la lumière de ses yeux.

4 janvier 2020

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N’oublie pas…

Chaque année je publie ce texte que j’avais écrit pour que nous gardions toujours en mémoire la tuerie de Charlie Hebdo

Dans l’hiver bleu

De ta mémoire encombrée

N’oublie pas

Les lourdes traces

Que la haine a laissées.

Dans les flammes ocres

De tes souvenirs douloureux

N’oublie pas

Les douces braises

Que l’humanité a attisées.

Sur la route mauve

De ta liberté écartelée

N’oublie pas

Les regards effarés

Des plumes qui se sont envolées…

Au fond de mes poches de brume…

Les mains au fond des poches, je trouve quelques miettes

Les mots d'Eric

Le 30 décembre

J’ai cherché un souffle d’inspiration

Au fond de mes poches de brume

Trois mots ronds y dormaient.

Entre mes doigts plumes,

Je les ais éveillés.

Dans la lumière bleue d’un souvenir d’été

Ils se sont envolés.

Doucement sur le chemin

Ont posé une, puis deux,

Belles lettres

Timbrées de belle rosée.

Ecoute la poésie du matin,

Petite musique qui revient.

2 janvier 2020

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Mes Everest : « l’hôte », Albert Camus

L’instituteur regardait les deux hommes monter vers lui. L’un était à cheval, l’autre à pied. Ils n’avaient pas encore entamé le raidillon abrupt qui menait à l’école, bâtie au flanc de la colline. Ils peinaient, progressant lentement dans la neige, entre les pierres, sur l’immense étendue du haut plateau désert. De temps en temps, le cheval bronchait visiblement. On ne l’entendait pas encore, mais on voyait le jet de vapeur qui sortait alors de ses naseaux. L’un des hommes, au moins, connaissait le pays. Ils suivaient la piste qui avait pourtant disparu depuis plusieurs jours sous une couche blanche et sale. L’instituteur calcula qu’ils ne seraient pas sur la colline avant une demi-heure. Il faisait froid ; il rentra dans l’école pour chercher un chandail.
Il traversa la salle de classe vide et glacée. Sur le tableau noir les quatre fleuves de France, dessinés avec des craies de couleurs différentes, coulaient vers leur estuaire depuis trois jours. La neige était tombée brutalement à la mi-octobre, après huit mois de sécheresse, sans que la pluie eût apporté une transition et la vingtaine d’élèves qui habitaient dans les villages disséminés ne venaient plus. Il fallait attendre le beau temps. Daru ne chauffait plus que l’unique pièce qui constituait son logement, attenant à la classe, et ouvrant aussi sur le plateau à l’est. Une fenêtre donnait encore, comme celles de la classe, sur le midi. De ce côté, l’école se trouvait à quelques kilomètres de l’endroit où le plateau commençait à descendre vers le sud. Par temps clair, on pouvait apercevoir les masses violettes du contrefort montagneux où s’ouvrait la porte du désert.
Un peu réchauffé, Daru retourna à la fenêtre d’où il avait, pour la première fois, aperçu les deux hommes. On ne les voyait plus. Ils avaient donc attaqué le raidillon. Le ciel était moins foncé : dans la nuit, la neige avait cessé de tomber. Le matin s’était levé sur une lumière sale qui s’était à peine renforcée à mesure que le plafond de nuage remontait. A deux heures de l’après-midi, on eût dit que la journée commençait seulement.

Larmes de vitres…

C’était l’année dernière, il pleuvait à travers les vitres du train…

Les mots d'Eric

Vitre grise est en sanglot,

Petites gouttes s’enfuient.

Tout va si vite.

C’est le train qui traverse.

C’est le train qui transperce.

C’est le train qui oublie.

Pas un visage contre la vitre,

Pas un regard pour la terre meurtrie,

La pluie est seule,

Elle s’ennuie.

Homme pressé

Ecoute-là, je t’en prie,

Quelques larmes

Sur la vitre elle essuie…

30 janvier 2020

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Mes voeux

Il faut bien sacrifier à la tradition, alors je le fais à ma façon

« Dans le rêve pour demain que nous avons ouvert en 2021, cherchons ! Cherchons ensemble ! Cherchez avec moi ! Oui, cherchons ces douces rimes qui nous relieront et que nous relirons. Rimes pour se rencontrer, rimes pour se rapprocher, rimes pour espérer. »

Première inspiration…

C’est ma toute première inspiration depuis un long silence, ma première inspiration de l’année

Photo de Pixabay sur Pexels.com

Page blanche et dure

Allongée sur le sol gris et mou

D’une fin de nuit

Epaisse

Gluante

J’entends le cri plaintif des articulations

Rouillées à l’humide des dernières pluies

Le muscle des voyelles est douloureux

Celui des consonnes est contracté

Allongé

Les yeux fermés

J’attends la marée des mots bleus

Mardi 5 janvier 2021

Dans le bout de nuit…

Un texte déjà publié, enfin je crois, mais qui convient bien, enfin je trouve…

Dans le bout de nuit

Qu’il te reste à inventer,

Tu te cognes aux angles secs

D’ombres épaisses.

Elles avalent le son de feutre

De ton pas glissant.

Pas un chant, pas un souffle,

C’est le matin qui siffle.

Le silence est lourd

Des mots doux qu’il retient ;

Il traîne avec lui

Des restes de rêves,

Images brèves d’un monde enfoui

Au fond du ciel sombre

D’une mémoire endormie.  

Tu avances, à tâtons,

Ta main se pose,

Longue caresse,

Sur la peau de papier.

Ton cahier est là,

Il est seul,

Sourires

Il attend. 

Monde bleu…

J’essaie, tout doucement, après une longue léthargie, de revenir dans le monde des « écrivant ». Un texte que j’ai déjà publié mais que j’ai légèrement, très légèrement modifié, pour qu’il soit encore plus en harmonie avec la mélodie qui se joue en moi en ce moment…

Monde bleu s’est effacé
Au soir tombant
Tremblant, il s’est retiré
Tête basse,
Dans un long bout de vide
Seul et triste
Il s’est retiré
Entends la plainte de monde bleu,
Quelques larmes
Sur ses rides ont coulé
Entends-le qui appelle :
Oh mots, oh mes mots
Vous m’avez abandonné…
Oh mots, oh mes mots,
Que vous a-t-on fait,
Qui vous a sali,
Que vous a-t-on promis ?
Homme sans haine,
Tu es seul aussi,
Réponds à monde bleu,
Dis-lui que tu reviens,
Dis-lui que tu restes,
Dis-lui que tu résistes…