
Fenêtre ouverte
J’entends le chant crissant
D’un rail de métal gisant
Ville endormie
Matin vague
Sur une rive d’ocres
Empêtrés
Fenêtre ouverte
J’attrape le souffle lointain
Des océans voisins
Fenêtre ouverte
J’entends le chant crissant
D’un rail de métal gisant
Ville endormie
Matin vague
Sur une rive d’ocres
Empêtrés
Fenêtre ouverte
J’attrape le souffle lointain
Des océans voisins
Ce texte a remporté le prix des lecteurs de la micro-nouvelle « short édition »au printemps 2020 . Envie de la republier
Ce sont trois informaticiens, ou techniciens, de ces hommes qui m’impressionnent parce qu’ils arrivent à réfléchir en trois dimensions. Tout le long du trajet, dans ce « carré » que je partage avec eux, ils parlent une autre langue, presque une langue de signes. Ils rient, ils sont bien dans leurs anecdotes technologiques. Ils mettent du sourire et du bonheur dans les codes, dans les chiffres. Il y a du soleil dans leurs langages obscurs. Je ne comprends, ce n’est pas grave, je les écoute avec délice. Ils ont de la passion, elle déborde dans ce compartiment monotone et j’aime ça. Ils ne jouent pas, ils ne forcent pas, ils disent, ils racontent, et ils vivent.
Le plus près de moi est massif, il a les mains lourdes, les doigts épais. Je ne l’imagine pas devant un clavier, mais plus devant un sac de ciment, un arbre à abattre. Il est fort, sa voix résonne, il est calme, il aime la vie.
Silencieux, mais attentif, depuis le début du trajet je me décide à parler. Peut-être parce que je me sens bien, que cela me semble naturel de parler à ceux qui sont proches. Comment peut-on presque se toucher et ne rien se dire ? Il n’est jamais simple d’entrer dans une conversation, il ne faut pas donner le sentiment d’être indiscret, d’avoir écouté. Les réactions peuvent parfois être surprenantes. Tout cela je le savais, tout cela je l’avais déjà expérimenté mais tant pis, je me suis lancé.
« Euh, excusez-moi, je vous écoute depuis un petit moment, et je ne comprends rien à ce que vous dites, vous êtes dans quoi au juste ? »
Le plus jeune des trois, celui qui est en face de moi, a semblé abasourdi par cette question. Il m’a regardé avec étonnement, presque avec effroi, comme si je venais d’entrer par surprise dans sa chambre à coucher, juste au moment où il allait se glisser sous les draps. Les deux autres l’ont regardé, m’ont regardé : le plus bavard des trois, celui qui il y a quelques minutes ponctuait toutes ses explications de grands éclats de rires, s’est figé instantanément dans un silence glaçant. J’étais gêné, presque pétrifié. Le doux balancement du compartiment dans une longue courbe prise à grande vitesse, me donnait presque la nausée. J’allais ouvrir la bouche pour m’excuser, leur dire que j’étais désolé de les avoir dérangés quand le plus grand des trois, celui que j’admirais il y a quelques instants, se tourne vers moi et me dit simplement.
« Tu veux savoir, dans quoi on est, et ben c’est simple là pour le moment et pour encore deux heures on est dans le train, dans ce compartiment, avec toi, mais sinon tu sais on n’est dans rien, on ne travaille pas, on ne travaille plus. On est ensemble parce qu’on va à l’enterrement d’un ami, notre ami, c’était le quatrième, celui qui était avec nous, d’habitude, là, à ta place. On était quatre, quatre techniciens, on aimait vraiment ce qu’on faisait, et puis la boîte a fermé, elle nous a virés. Lui, il n’a pas supporté, il s’est suicidé…Il s’appelait Jules. C’était la semaine dernière, alors on est tellement triste, qu’on fait comme avant, on parle, on rit, et tu vois tu nous as réveillé et là on pense à lui… »
En suivant la trace floue d’une histoire d’hier
J’ai glissé sur la flaque du doux présent
A tâtons je marche en riant vers le noir heureux
Où brille l’ombre de tes cheveux
Je souffre de l’oubli des ces presque rien
J’attends serein
J’entends chagrin
Un long soupir sec
Il étale en claquant
Des larmes au bleu coupant
Qui abîment en roulant
Les bords mous du chemin des gisants
Homme de moins que rien
Visage mou
Regard moite
Poisseux d’aigres sueur
Qui s’incruste entre les rires innocents
Homme de moins que rien
Expire le mauvais parfum
De la suffisance des quelques siens
Il était de ces bavards inutiles
Qui encombre les salons
Homme de moins que rien
Creuse en soufflant
Un gras sillon de silences aigris
Ils étaient tant à le suivre
Roses fanées à la boutonnière
Oublieux de ses arrogances
Dans ce monde aux sourires sucrés
Ignobles, infâmes
Ont repris en cœur
L’hymne gris de leurs violences cachées
Je relis ce texte que j’ai publié il y a deux ans et ma foi je me dis qu’il va bien…
Plus rien ne sera jamais comme avant, tout doit changer, le monde de demain ne doit pas ressembler au monde d’hier, il faut tirer les leçons….
J’en passe. Dans ces incantations quotidiennes, il y a le meilleur, et surtout le pire…
Alors oui d’accord, je veux bien mais à la condition que le monde de demain ne soit pas livré pieds et poings liés aux monstres numériques. Je veux bien mais à la condition que l’on se souvienne que les êtres humains que nous sommes encore, sont constitués de chair, de sang, de sueurs, de peurs, de pleurs, de rires, de regards, de sourires et que tous ces éléments ne riment pas avec « les outils numériques » aussi magiques, conviviaux, intuitifs soient-ils. Mon monde de demain n’est pas un écran.
Je suis terrifié à l’idée que partout, on soit soudain convaincu qu’efficacité, sérénité, performance sécurité ne puissent n’aller qu’avec…
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Aujourd’hui encore, dans le TGV : les mêmes sensations…
Front contre la vitre, regard à grande vitesse
Il pleut, les gouttes glissent sur le verre.
Le paysage hésite à se laisser admirer.
Les couleurs sont
absorbées,
Noyées dans les gris d’un voyage ordinaire ,
Pas un son, pas un cri d’oiseau.
C’est une traversée d’un désert endormi ,
Front contre la vitre, la buée se forme.
Pas le temps de fabriquer une histoire à rêver ,
La terre est oubliée, la vitesse l’a condamnée.
Paysages sans ambitions qui aimeraient résister.
Dans mon rêve trop bref , la vitre devient molle
L’odeur d’herbe mouillée réveille un sourire assoupi.
Et la vie qui entre partout,
Elle chante l’été qui viendra.
Les gris sont surpris,
Front contre la vitre, le voyage est fini
11 juin 2017TGV Paris
LYON: 270 km/h
Tout doucement, cargo a glissé.
Houle qui roule l’a poussé.
Sur le sable fin, abattu, s’est posé
Grand corps affalé,
Seul et désarmé,
J’ai mal pour l’animal que tous ont oublié.
Seule la rouille est restée.
Patiemment, il attend la marée
Les premières vagues assoiffées lèchent
Une coque vide et fatiguée.
Seule la rouille est restée.
Le vent cruel s’est apaisé,
Il abandonne sur la plage le navire humilié.
Tas de ferraille désemparé,
Que la mer a licencié.
L’équipage est effacé,
Seule la rouille est restée.
Blessure du métal que l’océan a rongé,
Comme une coupure que les vagues ont creusée.
Seule la rouille est restée.
Cadavre de métal sur le sable échoué,
Pour le bateau blessé,
Larmes salées j’ai versées.
Dans les plaines sèches
De mon pays de l’en dedans
Vent malin s’est engouffré
Longues et grises
Ailes d’acier
Dans le ciel déchiré
Sous le souffle ont tremblé
Vent câlin les caresse et dit
Tourne moulin
Tourne sans fin
Aime le chant de mes chagrins
29 juin
Ce que j’aime, c’est surprendre le lecteur ou le regardeur ( je ne sais pas si le mot existe réellement, mais peu importe ) et me dire avec un brin d’ironie que certains chercheront peut-être un rapport entre le texte et l’image. Et bien je vous l’assure il n’y a en a pas tout le temps. L’image est parfois la source de mon inspiration ou elle est en l’illustration mais le plus souvent le seul rapport qu’il y entre les deux c’est un rapport émotionnel. J’ai éprouvé une émotion, une sensation en regardant et c’est alors qu’une couleur, une atmosphère réveille alors un mot, un rythme et la poésie est là, elle entre par les deux portes que je lui ai ouvertes, celle de mes yeux et celle de mon cœur.
Je republie cet extrait d’un de mes romans, parce qu’il me parle, parce qu’il nous parle…
Jules ne s’y retrouve plus dans ses souvenirs. C’est comme un puzzle. Plusieurs milliers de pièces: on agite, on manipule, on remue et chaque essai pour retrouver le sens se termine par un échec. Jules déteste les puzzles. Il déteste tout ce qu’il faut classer, trier, regrouper par catégories.
Jules aime ce qui dérange l’ordre des autres. Jules aime ce qui n’a ni début, ni fin.
Jules aime ce qu’il appelle la beauté du désordre poétique. Les objets sont heureux des espaces qu’on leur laisse. Jules aime les objets quand ils vivent, quand ils sont libérés des contraintes du rangement où la seule règle admise est la perpendicularité.
Jules a mal à la mémoire. Depuis le plus jeune âge, il essaie de trouver le fil, remonter au début, là où tout a commencé. Il cherche l’endroit mystérieux, magique où la première histoire s’est enregistrée: son histoire, le commencement de son…
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Derrière la vitre de mon regard heureux
J’ai suivi cette trace de triste pluie
Jusqu’au au pli de cette page
Emplie de gouttes d’oubli
Du bout de mes doigts chagrins
J’ai posé une belle fleur du matin
Je suis à la fenêtre
Du si simple rêve
Qui se pose au matin
Sur la palette de mes envies
Le temps est au sourire
Douce main du peintre endormi
Caresse du bout des doigts éblouis
Blanche toile d’un soleil assagi
Viens l’ami,
Prends place,
Ton couvert est mis.
Et le verre me dis-tu ?
Tu es un ingrat vois-tu..
Je te le dis,
Le vert est mis.
Mais oui je te l’accorde,
Il est en sursis,
Car rouge attend
Et je te préviens,
Il est impatient…
27 avril
J’illustre ce texte écrit il y a une vingtaine d’années par un tableau peint par mon père, qui nous a quittés le 13 avril dernier…
C’était la guerre froide entre la brume et le port. On ne se souvenait même plus de quand datait le dernier rayon de fausse lumière. On ne devinait le jour qu’à une impression générale qui flottait à la surface des eaux. Les chalutiers étaient contraints d’utiliser leurs couleurs comme des signes particuliers, accrochés à leur identité d’embarcation. Toutes les berges, toutes les coques avaient le teint blafard, piqués de bruns et d’embruns, indices d’une angoisse qui se lève avec le jour. Le bout du port, gueule ouverte, crachait périodiquement ses coquilles de noix. Il avait l’attrait d’un goulot de bouteille où toutes les lèvres salées des compagnons de port se seraient posées.
Cette flaque d’eau était posée au milieu de la ville, comme une cicatrice sur un visage burinée de soleil et de siècles. La ville n’était pas un port, la ville était un empiècement de croûte sombre qui s’étendait autour. Les rues n’avaient point d’origine, elles étaient là, pour marquer l’appartenance à un système urbain. Mais ces associations de réalités qu’on aurait cru naturelles ne parvenait à donner à ce paysage que l’apparence lointaine d’une ville. La brume elle-même ne parvenait pas à adoucir les traits d’une ou deux maisons à la lourdeur extrême.
Derrière chacune de ces façades épuisées d’être fouettées par les vents salés, il y avait des symptômes de vie, d’imperceptibles indices de société. A quelques fenêtres se tenaient en berne quelques bouts de chiffons. Des cheminées sortes des bouffées de vapeur. Les maisons se touchent très forts, on les croirait enlacées, pour se tenir chaud, pour oublier la peur, le vide de ceux qui ne reviennent pas. Parfois on aperçoit une ombre ou deux, elles se faufilent, et disparaissent aux angles ronds des rues noyées des brumes océanes.
Derrière la vitre crasseuse, que ce bout de port qui se prend pour un tableau de peintre mélancolique, ses yeux ne parviennent plus à fixer le paysage. C’est le paysage qui est en lui et qui donne à ses yeux cette lueur intérieure. On dirait qu’il scrute une terre, une terre qui ne viendra plus. Ses yeux ont été cloués à l’envers. Il voit de l’intérieur, l’intérieur de ce pourquoi il est né…
Sur l’aride terre de mon inspiration retrouvée
Les yeux pleurant je remonte essoufflé
Le lit froissé d’une mémoire asséchée
Une à une mes larmes murmurent en glissant
Le chant salé d’un reste d’océan
Ecoute
Le doux refrain du regard bleu disparu
Sur les rives grises de son absence
Regarde
Les longues vagues à l’écume épuisée
Sur la plage des cœurs brisés
Il y a un trou de mémoire bleue
Dans le ciel chargé des souvenirs gris
De tous ceux qui furent tant heureux
C’était hier
Oh je le sais
C’est si vieux
Et si peu
Mais ne dis rien je t’en prie
Lève toi et ouvre les yeux
Relire mes anciens textes pour stimuler l’inspiration…
Comme il pleut, j’en profite pour ranger, je fouille dans mes vieux cahiers qui sentent l’humidité. Et là je tombe sur le début de quelque chose, un texte visiblement écrit d’un seul jet, très vite, ( j’ai souffert pour le déchiffrer ) et je suis agréablement surpris. Je pense l’avoir écrit au début de l’année 1982… Je le publierai en deux ou trois fois..
Tout avait commencé par une boule au fond de la gorge. Avec cette désagréable impression de ne plus être capable de déglutir…
Le silence qui accompagne cette angoisse physique, est un voile de brume qui enveloppe l’être tout entier.
L’angoisse n’existe pas, elle est l’existence même, et le regard acquiert cette autre faculté qu’on évite de lui reconnaître. Celle de voir l’en dedans, l’envers du chaos, comme une preuve qui s’est tapie dans un repli de toutes les mémoires.
Enfant déjà, j’avais peur: peur comme tout…
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La dernière page est tournée
Au bout de la ligne essoufflée
J’entends le souffle
De nos larmes salées
C’était hier
Dans le fleuve gris
De ses jeunes années
Une tache d’encre s’est retirée
Au soir tombant,
Seul sur un chemin,
Petit mot doux se promenait.
Sois prudent!
Avaient prévenu père et mère
Le temps est à l’orage
Tu pourrais faire de mauvaises rencontres,
Aux gros mots tu ne répondras pas,
Aux grands mots tu souriras,
Les majuscules tu salueras.
Petit mot doux est un gentil,
Il a marché et n’a rien dit…
14 mai
Un an après, l’inspiration endormie depuis quelques semaines frappe à nouveau aux carreaux de la fenêtre des mes émotions…
Fenêtre ouverte
Sur le rond silence bleu
Du matin frileux
J’attends les mots blancs
Qui frappent sur les vitres endormies
J’entends la pointe dure du stylo
Elle crisse et glisse
Sur ma belle feuille fripée
De sa longue nuit agitée
6 mai