Envie de republier cette micro nouvelle… Peut-être parce qu’il y a encore de la neige…
Il neigeait fort depuis plusieurs heures. Le silence prenait de plus en plus de place, tout était étouffé, amorti, pas le moindre craquement. C’était l’empire du coton. Il n’était pas sorti, préférant la chaleur de la cheminée, à l’avance épuisé à l’idée d’enfiler chaussettes, bottes, pulls et manteau. Bref il hibernait. Parfois il tirait un peu le rideau, pour constater l’avancée du blanc. C’est tout. Tout était simple. Soudain un long craquement, comme un journal qu’on déchire. Il regarde le feu, ce n’est pas d’ici que cela vient. Cela craque de plus en plus, cela crépite même. Il y a peut-être des branches qui ployant sous le poids de cette neige lourde n’ont pas résisté. Non ce qui est curieux c’est que cela craque tout doucement, puis cela s’accélère. En fait ça grince, comme quand on est sur un port et que le vent s’engouffre dans les mâts. Comme quand on est en mer…. Il reste là, devant les braises, toujours intrigué par les ces sons qui tanguent et qui roulent. Il faudrait qu’il aille voir. Il pense à la mer et sourit. Il sourit pour se moquer de lui-même : être capable d’entendre la mer, même ici montagne… Certes ce n’est pas très haut, mais c’est la montagne quand même. Il va sortir. Pour voir, pour entendre. Il met beaucoup de temps à s’habiller, il n’est pas pressé de se confronter à ce qui ressemble de plus en plus à une tempête de neige. Il n’a pas peur. Pourquoi aurait-il peur ? Il est à l’extérieur, il fait le tour de la maison, pas très rapidement, il s’enfonce, le son des bottes quand il lève la jambe et qu’elles s’extirpent de la couche de neige fraîche est magnifique, c’est un son épais, un son qu’on pourrait écrire. Tiens s’il devait l’écrire il écrirait « onfk ». Oui c’est bien ça « Onfkkkkk ». Il a fait le tour. Derrière chez lui, c’est une forêt avec de grands sapins. Une fois on lui a dit ou il a lu quelque part que ces sapins ont le tronc si droit qu’autrefois on venait les couper pour en faire des mâts. Des mâts pour les bateaux de la marine royale… La mer, toujours la mer… Il faudrait qu’il arrête de la voir partout. Il est devant la forêt. Les mâts sont dressés. Ils sont noirs dans le soir qui tombe. Les branches si blanches font de belles voiles. Quand ils ferment les yeux, il sent les embruns qui lui fouettent le visage. Il est bien, c’est salé. « Onfkkkk », une mouette s’est envolée quand il s’est avancé. Elle a ri de tout ce blanc, il l’a regardé planer. Il est bien, il est rentré.
Au fond de mes poches, Quelques miettes de ciel. Dans le creux de ma paume pressée, J’ai pris quelques cailloux mauves. En riant les ai semés. Une à une, bulles légères Sautillent, pétillent Dans long couloir sans écume Foule sans sillage, N’entend pas le chant du large.
Ton ombre est là, sur ma
table
Et je ne saurais te dire comment
Le soleil factice des lampes s’en arrange
Je sais que tu es là et que tu
Ne m’as jamais quitté, jamais
Je t’ai dans moi, au profond
Dans le sang, et tu cours dans mes veines
Tu passes dans mon cœur et tu
Te purifies dans mes poumons
Je t’ai, je te bois, je te vis
Je t’envulve et c’est bien
Je t’apporte ce soir mon enfant de
longtemps
Celui que je me suis fait, tout seul
Qui me ressemble, qui te ressemble
Qui sort de ton ventre
De ton ventre qui est dans ma tête
Le jour se lève me dites-vous ? Était-il donc endormi ? Comment ? Assoupi, simplement… Tiens donc… Étrange, n’est-ce pas ? Je n’ai rien vu. J’ai cherché, vous dis-je. J’ai cherché sans un bruit, Me perdant Jusqu’aux bords mauves De votre trop longue nuit Et ne l’ai point rencontré. Vous doutez ? C’est tant pis : Je n’irai plus déranger Les belles couleurs de votre ennui…
Il est déjà tellement tard Plus rien n’est à commencer Tous les murs sont achevés Les regards se sont affadis Les épaules sont entrées Le visage est affalé
Pourtant
Pourtant il faudrait Il faudrait ouvrir des fenêtres Laisser entrer des éclats de rêves mauves et bleutés Et soudain redresser le menton Bomber le torse Et contempler en riant Le souvenir d’un arbre lointain
Comment tu ne trouves pas ? Explique-moi, je t’en prie… Tu prétends que tu ne trouves pas ? Admettons, je veux bien, mais cela signifie, enfin je l’espère, que tu as cherché, et probablement cherches-tu encore !
Oui c’est cela, je cherche, je cherche… Et ne trouve rien…
Étonnant tout de même : je te connais…Il t’en faut si peu : un train qui passe, une flaque d’eau sur un quai, un rayon de lumière derrière une vitre grise, une vague qui grossit et d’un coup, d’un seul, tu as la main qui tremble et le regard qui luit…
Oui je le sais, tu as raison. Je crois comprendre ce qui m’arrive. Je ne dois plus chercher. Il faut que je sois saisi, surpris. Les trains sont loin, toutes les marées sont basses. La lumière elle-même est étonnée de toute cette lenteur, et le ciel, ce ciel tellement étonné qu’on se mette à le regarder…
Et bien tu vois, tu as trouvé, tu es inspiré…
Oui c’est vrai, mais où sont les rimes, où sont les vers, les images, les…
Mais comment tu ne les vois pas, tu ne les entends pas ?
Non je t’en prie dis-moi ?
Chut, ne dis rien, le silence est la rime d’aujourd’hui…
Voici que le silence a les seules paroles Qu’on puisse, près de vous, dire sans vous blesser ; Laissons pleuvoir sur vous les larmes des corolles ; Il ne faut que sourire à ce qui doit passer. À l’heure où fatigués nous déposons nos rôles, Au même lit secret les dormeurs vont glisser ; Par chaque doigt tremblant des herbes qui nous frôlent, Vous pouvez me bénir et moi vous caresser. C’est à votre douceur que mon sentier m’amène. De ce sol lentement imprégné d’âme humaine, L’oubli, lent jardinier, extirpe les remords. L’impérissable amour erre de veine en veine ; Je ne veux pas troubler par une plainte vaine L’éternel rendez-vous de la terre et des morts.
Contre la vitre du TGV, quelque part entre Paris et Lyon…
Front contre la vitre humide Dans un songe ferroviaire J’existe les signes des vies des ailleurs croisés La vitesse a disparu Elle s’est effacée Enfouie dans la longue trace que mes rêves arrondis Laissent sur l’écume grise D’une droite ligne aux marges de bitume Ou le si peu qui s’écrit si vite Me tire une larme aux saveurs enfouies
J’aime republier certains de mes textes, tout simplement parce que lorsque je les relis j’éprouve toujours la même émotion.
Je n’en peux plus du bruit de la peur, Je n’en veux pas de la suie grasse de vos haines, Je n’en veux plus des complaintes aux rimes dures. Parlez-moi de la mer, je vous en prie. Où sont les vagues, Où sont-elles ? Entendez le vent, Il pleure, vous dis-je, On l’oublie,
Il est seul, il appelle. J’entends son chant qui ondule, Mes yeux se ferment, Petites larmes coulent. Vagues amères, Douces et belles, Sur les rives de mes lèvres muettes Ont répondu, ô vent, à ton appel. Parlez-moi de la mer je vous en prie…
Ô souvent je voudrais que la vie éternelle Fût simplement cela : Quelques-uns réunis Dans un jardin qu’embaume encor la citronnelle, Réunis par amour dans l’été qui finit.
L’un d’entre eux serait juste arrivé de voyage. On le ferait asseoir près de la véranda Où est la lampe, afin de mieux voir son visage, Son uniforme usé, sa pâleur de soldat .
La plus jeune viendrait le tenir par sa manche, On n’oserait pas dire : » Tu es pâle… » Et lui, Devant cette douceur des très anciens dimanches Souhaite pour pouvoir pleurer, qu’il fasse nuit.
Une voix s’élèverait alors, la musique Même de jadis au milieu d’un grand respect Et du coeur de chacun, dans le soir balsamique Disant ces mots simples : Mes enfants, c’est la paix.
Extrait de: 1964, Poèmes Choisis, (Editions Pierre Seghers)
Il y a bien longtemps que norme et beauté ne s’étaient rencontrées. Il est vrai que l’une comme l’autre avaient pris soin sur les injonctions de la police sanitaire de prendre et surtout de garder de la distance. Mais ce qui devait arriver arriva et les deux rivales ont fini par se retrouver. La norme dont on sait déjà qu’elle aime tout contrôler a donc pris la décision de convoquer la beauté.
– Gardez vos distances beauté ou alors restez masqué. En aucun cas vous ne devez me contaminer.
– Ne vous inquiétez pas je resterai masquée et ainsi vous n’aurez pas à supporter mon sourire bucolique…
– Bien, ceci étant dit chère beauté, encore une fois quel besoin aviez vous d’aller vous compromettre en ce lieu que je vous ai déjà interdit. Un parking de supermarché, et pourquoi pas un immeuble désaffecté quand on y est ?
-Voyez vous madame la norme, contrairement à vous je n »ai aucun problème avec ces lieux dont on dit, je le sais, qu’ils sont laids. Je ne les méprise pas et surtout je ne les oublie pas et quand je le peux, je veux dire quand vous êtes occupée à rédiger vos règles académiques et surtout à les contrôler, voyez vous, moi je vis : tout simplement. J’ouvre les yeux, et quand je sens que mon cœur est léger, je cherche s’il me reste un peu de ces belles couleurs que vous gardez enfermées.
-Je vous entends, l’intention est bonne et je ne nie pas que vous faites ce que vous pouvez, mais à l’avenir quand vous vous égarerez dans un supermarché, je vous en prie faites une détour au rayon beauté !
Norme : Je viens d’apprendre à l’instant, chère Beauté, qu’une fois de plus vous vous êtes égarée.
Beauté : Egarée ? Nullement, sachez chère Norme, que si je me suis posée ici, sur cette belle fleur de pissenlit, c’est parce que je le voulais, et surtout parce qu’il le fallait.
Norme : Une fleur de pissenlit ! Pourquoi pas du chiendent, ou non du trèfle, oui tiens du trèfle ! Encore une fois je me dois d’intervenir. Je vous le dis, je vous le répète : jamais, je dis bien jamais, vous ne devez prendre la liberté de vous poser où bon vous semble, sans au préalable ne m’en avoir parlé…
Beauté : Je vous entends, je vous entends chère Norme, mais sachez que je ne me pose jamais au hasard…Voyez-vous ce que j’aime par-dessus tout, c’est la légèreté, la douceur, la délicatesse et surtout la discrétion. Vous conviendrez que ce ne sont pas les premières qualités de toutes ces fleurs qu’habituellement vous m’imposez dans vos plans de vols.
Norme : Mais enfin Beauté, reprenez-vous, je ne vous demande pas de faire de la poésie, mais simplement d’ouvrir les yeux. Regardez autour de vous, ces jonquilles, ces roses qui éclosent. Vous ne me direz pas que ce vulgaire pissenlit mérite plus qu’elles qu’on leur rende les honneurs qu’elles méritent.
Beauté : Je vous écoute chère Norme et je ne vous dis pas que les fleurs que vous me citez doivent être oubliées, mais voyez-vous, il est des jours, où la beauté ne vous appartient plus. Elle s’envole, elle respire, elle est libre… Alors oui, je persiste dans ma désobéissance, et , je le sais, chère Norme vous n’aurez pas à le regretter…
Il y a bien longtemps que nous n’avions entendu les chamailleries de la norme et de la beauté. Grâce à cette magnifique photo transmise par mon ami Roland, de Martigues, elles se sont réveillées…
Plage des Laurons, Martigues
La norme et la beauté, n’en finissent jamais de se chamailler. Leurs désaccords sont profonds. Je vous laisse juger…
Beauté : Ce soir je suis heureuse, tellement heureuse, ce n’était pas simple mais j’y suis arrivée.
Norme : De quoi me parles-tu ? De ce gribouillis fumeux que tu es allée me poser sur cette horrible plage que je me tue à dissimuler.
Beauté : Gribouillis fumeux, horrible plage…Chère norme, as-tu bien regardé ? Mais je m’égare…Comment la norme peut-elle simplement regarder ? Tu n’es là que pour mesurer…
Norme : Quelle impertinente ! Beauté, mais as-tu simplement regardé, ces traces que tu as laissées ? Que va-t-on dire ? Où sont tes limites ? Quatre cheminées ! Et pourquoi pas un pétrolier !
Beauté : Un pétrolier, quelle bonne idée, et j’y ajouterai aussi un amandier, un parolier, un cabanon, un réservoir, et surtout, surtout, norme engourdie, un peu d’espoir…
Norme : Il suffit beauté, je ne peux tolérer de tels écarts, tu le sais !
Beauté : Je te comprends norme, je le sais, tu n’y es pour rien. Je te demande une simple petite faveur…
Norme : Je t’écoute beauté.
Beauté : Ferme les yeux. Pendant quelques instants, oublie ce qu’on t’a raconté. Attends bien quelques minutes et doucement, tout doucement, soulève tes lourdes paupières et là, je te promets, tu verras. Et tu vivras…
Beauté : Je vais partir,
je veux partir. Je veux qu’on m’oublie. Quelques temps peut-être, ou quelques
instants, je ne sais pas, mais je veux partir. Alors on se souviendra, on me
réclamera. Je les entends déjà : reviens, reviens…
Norme : Je ne
comprends pas ce que tu gémis. Tu veux partir c’est bien cela ?
Norme : Je ne te
comprends pas, je ne te comprends plus. Tu parles comme une enfant gâtée. Regarde,
tout est ici : regarde autour de toi, tout est là : pour réussir, pour t’imposer. Ressaisis-toi,
il faut que tu poses, il faut que tu oses.
Beauté : Tu prétends
que j’ai tout, ici, tout ce qu’il me faut, mais je ne vois rien, je ne sens rien.
Je m’ennuie à mourir. Tout est tracé, tout est formaté : tu choisis, tu élimines,
tu décides, tu juges, tu convoques, tu condamnes. Quand il faut que j’apparaisse,
les couleurs sont au garde à vous, elles sont pétrifiées, ma lumière les a abandonnés,
tes paysages sont figés. Pire ils sont coagulés ! Tes visages sont communs,
tes regards sont vides. C’en est trop, je n’en peux plus, je reprends ma
liberté.
Norme : Voilà que tu
recommences avec tes délires, tes envies de gris, de flaques poisseuses. Mais que
veux-tu ? Tu le sais pourtant : ce que je décide n’est pas pour t’embêter
ou t’humilier. Ce n’est pas une lubie. Ce sont les autres : ils me tiennent
la main, me dictent ma conduite. Tu le sais, je suis une norme, je suis LA NORME,
et ne suis pas née toute seule. Moi aussi, comme toi j’ai été convoquée, moi
aussi je n’ai pas de liberté.
Beauté : Eh bien, échappe-toi
aussi et laisse-moi m’envoler. Les autres finiront par s’habituer.
Norme : Mais que
diront-ils ces autres si plus rien de ce qu’ils attendent n’est beau. Que diront-ils,
que deviendront-ils, que ressentiront-ils ?
Beauté : Ils feront comme nous, il faut qu’ils
sortent eux aussi, il faut qu’ils bougent. Il faut qu’ils changent, que leurs
regards souffrent un peu, juste un peu, pour ensuite pouvoir s’étonner…
Norme : Impossible,
nous ne pouvons pas, nous n’avons pas le droit….
Beauté : C’est fini,
je vous quitte, je vous abandonne, je vous laisse à vos paysages lisses et glacées,
Norme : Nous quitter,
nous abandonner, pauvre folle mais pour qui te prends tu ?
Beauté : Je suis la beauté,
celle dont on rêve, celle qu’on attend, celle qu’on ressent quand on est vivant,
là, à l’intérieur, celle qui explose pour tos nos sens quand on espère, quand
on aime….
Où l’on découvre que norme et beauté ont parfois un peu de mal à s’entendre, à se comprendre. Aujourd’hui nous retrouvons une norme « étonnée » pour ne pas dire irritée. Elle a convoqué une beauté libérée et l’interroge sur ses mauvaises fréquentations.
Norme : Que fais-tu
ici ? Regarde autour de toi, ouvre les yeux, tu le vois bien, ici il n’y a
rien que tu puisses regarder.
Beauté : Ce que je
fais ici ? Mais je ne fais rien, je suis, je sens, je ressens. Et toi tu
ne vois rien ? Ici je suis bien, ici je suis invitée. Alors tu vois, même
pour quelques instants je vais m’installer…
Norme : Invitée ?
Invitée ? Toi la beauté ? Mais regarde, ici tout est laid, qui t’aurait
donc invité ?
Beauté : Du laid, du
laid ? Suis-je à ce point aveuglée, que je n’ai rien vu de tout ce laid
que tu as décidé de m’inventer. Moi je n’ai rien vu, et ici, tout, oui tout me
plait. Toi tu restes enfermée entre les murs lisses de tes lignes droites. Regarde
la douceur de ces courbes, c’est si simple, ici je suis bien.
Norme : Tu n’as rien
vu et moi je n’ai rien su. Tu le sais, tu ne peux l’ignorer, jamais tu ne dois
distribuer de la beauté sans que j’en sois informée. La beauté m’appartient, tu
n’es que messagère.
Beauté : Oui je le sais,
et je l’ai voulu, je suis venu et je ne t’ai rien dit. Peut-être pour que tu ne
puisses rien abîmer. Ici vit un gris, un si beau gris oublié, il s’est souvenu
de qui il était, alors il m’a appelé et sans hésiter je suis venue.
Norme : Un gris oublié ?
Mais tu t’égares ma pauvre beauté. Regarde autour de toi, regarde ce que je
vois, ce n’est que du terne, avec un gris qui nous désespère. Ici tout est sale,
et si plein de triste.
Beauté : Mais ce que
tu vois, ma pauvre, ce n’est que ce que tu crois. Ouvre les portes, aère-toi,
regarde avec l’arrière de tes yeux et alors tu comprendras.
Norme : Cela suffit !
Je te le rappelle une dernière fois, tu ne peux pas décider n’importe quoi.
Remballe tes couleurs, range ton gris oublié et rentre chez toi.
Beauté : Moi tu vois,
c’est ce qui me plait, ici. A cette table je me sens vivante. Ici tout est
riant. Regarde, ouvre-toi, tout est surprenant. Ici personne ne m’attend.
Norme : Je veux bien,
mais juste quelques instants, je ne veux pas d’incidents.
J’ai lu la dernière page de ta mémoire gravée Au recto de ta longue vie Tant de fois racontée Je vois un champ de rires Au rose si léger Une à une Les fleurs de papier se sont envolées Au verso quelques lignes ont noirci Et pleurent en glissant Tes derniers mots aux rimes inachevées
J’ai un trou de mémoire… Curieuse non cette expression ? Pour ma part, j’ai plutôt l’impression quand je suis confronté à ce problème de trou qu’il s’agit plutôt d’un trou DANS la mémoire. Comme s’il s’agissait d’un panier percé. Et au bout du compte si on réfléchit un peu un trou ce n’est rien ou plutôt ce n’est que du rien, qu’un peu de vide autour de tout, d’un tout ou du plein pour ne pas dire du pain parce qu’un trou dans le pain ce n’est rien ou trois fois rien. Mais revenons à nos moutons : un trou de mémoire ne serait finalement rien ou presque rien. Et le presque est ici important : il rappelle que très souvent au bord du trou il y a un tas : le tas composé de ce qui a été extrait du trou avant qu’il ne devienne trou. Si je poursuis mon raisonnement je me dis que finalement tout est là, au bord, et qu’il suffit de chercher, de trier et alors on retrouvera bien quelque chose, pour combler le trou.
Je me relis et je me dis que tout cela n’est peut-être pas si clair, qu’il manque quelque chose, qu’il y a comme on le dit parfois un trou dans la raquette. Tout cela est bien complexe et plus j’avance plus je me dis que la solution est probablement au fond du trou.
que ferais-je sans ce monde sans visage sans questions où être ne dure qu’un instant où chaque instant verse dans le vide dans l’oubli d’avoir été sans cette onde où à la fin corps et ombre ensemble s’engloutissent que ferais-je sans ce silence gouffre des murmures haletant furieux vers le secours vers l’amour sans ce ciel qui s’élève sur la poussière de ses lests que ferais-je je ferais comme hier comme aujourd’hui regardant par mon hublot si je ne suis pas seul à errer et à virer loin de toute vie dans un espace pantin sans voix parmi les voix enfermées avec moi
Sous la peau des ténèbres Tous les matins je dois Recomposer un homme Avec tout ce mélange De mes jours précédents Et le peu qui me reste De mes jours à venir. Me voici tout entier, Je vais vers la fenêtre. Lumière de ce jour, Je viens du fond des temps, Respecte avec douceur Mes minutes obscures, Épargne encore un peu Ce que j’ai de nocturne, D’étoilé en dedans Et de prêt à mourir Sous le soleil montant Qui ne sait que grandir.
C’était une bien drôle de semaine… Lorsque j’ai repris le travail ce lundi matin j’ai eu soudain cette sensation étrange : celle de l’effacement progressif. J’ai en effet atteint la dernière ligne droite, celle au bout de laquelle je peux distinguer de plus en plus nettement l’autre ligne : celle d’arrivée. Dans six mois ma vie professionnelle connaîtra son terme. Sensation étrange assez difficile à décrire ou à expliquer. A commencer par ces images un peu impropres que celles de la ligne droite ou de la ligne d’arrivée. Je ne crois ni à l’une ni à l’autre et surtout elles ne correspondent ni à ce que je suis, ni à ce que je crois. Quelle tristesse, même pour une brève durée, qu’une vie (qu’elle soit professionnelle ou personnelle) soit droite. Non, je vous en prie vous toutes et tous qui m’accompagnez pour ces derniers mois trouvez moi des virages, des sursauts, des imprévus, des étonnements. Car la vie, celle que j’aime et continuerai d’aimer doit être ronde, sinueuse, pleine de courbes. Et surtout surtout pas de ligne d’arrivée pour s’entendre dire que c’est fini…
Je vous assure, il m’a lancé un regard, franchement je m’en remets difficilement. Lancer un regard, ce ne doit quand même pas être des plus simples, il faut évidemment savoir viser, car lancer un regard sans savoir vers qui l’envoyer c’est un peu comme un coup d’épée dans l’eau. Encore qu’un coup d’épée dans l’eau a au moins deux vertus celle de faire de provoquer des remous (même si on ne veut pas dans ce cas précis faire de vague) et celle de trancher dans le vif, surtout s’il s’agit d’eau courante. Mais revenons à nos moutons, revenons à ce regard lancé, et qui semble t’il a atteint sa cible (puisque la personne victime du jet prétend qu’on lui a lancé un regard), est ce que ce regard est vif, acéré, aiguisé, perçant même. Imaginons les dégâts provoqués par un regard qui en plus d’avoir été lancé est aussi perçant. La personne, appelons-là la victime, risque de se retrouver comme le disait Corneille « percée jusqu’au fond du cœur d’une atteinte imprévue » …. En conclusion, ce que je crois c’est qu’un regard n’est jamais lancé au hasard, à l’aveugle dirions-nous car il faut être clair une fois lancé le regard ne peut revenir en arrière, ce n’est pas un boomerang et le lanceur doit autant que possible avoir les yeux en face des trous s’il ne veut pas rater sa cible.
Ce soir sur mon trajet passant dans une allée bordée d’arbres j’ai entendu des oiseaux chanter. Étaient-ils gais, impatients, affamés je ne saurai le dire mais ce qui est certain c’est qu’ils m’ont poussé à lever la tête, à ralentir le pas et finalement à sourire. C’est déjà bien ! Quel beau métier que celui d’oiseau !