Ce matin le réveil est un peu difficile. Il faut dire que rares sont les nuits calmes et sereines sans tous ces mauvais rêves que pour se protéger on répugne à appeler cauchemars. Le réveil est un véritable supplice. Je me traîne jusqu’à la cuisine tout en marmonnant : « s’il faisait beau, au moins je pourrais prendre mon café dehors ». Mais bien sûr il pleut, nous sommes le trois novembre, comment peut-il en être autrement ? Et en plus pour couronner le tout, c’est mardi. Un mardi de novembre. Je marmonne : il faudrait que je me bouge…
J’allume la radio avec le petit espoir d’entendre quelque chose d’engageant, d’encourageant : une bonne nouvelle quoi ?
J’appuie sur le bouton. Grésillement. Et puis une info : un flash info comme on le dit. Et c’est vrai qu’en guise de flash on ne peut faire mieux. Je dois le dire : j’ai sursauté et me suis cru sur la station qui passe en boucle toute la journée les mêmes sketches. Je vérifie. Non pas d’erreur je suis bien sur France Imper.
« … Sur recommandation du tribunal académique et après consultation du conseil insurrectionnel, le gouvernement a décidé de présenter demain mercredi un projet de loi à l’assemblée, portant modification du calendrier, avec pour principale réforme, l’élimination pure et simple du mardi… »
Eliminé le mardi : disparu, envolé… Je n’écoute pas les commentaires qui suivent cette annonce avec notamment un premier débat opposant les défenseurs du mardis aux avocats de tous les autres jours et particulièrement celui du dimanche dont on dit qu’il a usé de toutes ses relations pour préserver ce jour sacré qui semblait lui aussi être condamné…
Et voici que je me redresse, que je bombe presque le torse de satisfaction : quel bonheur de savoir qu’on est en train de peut-être vivre son dernier mardi de novembre…
Ce matin à la une de mon journal rêvé des bonnes nouvelles :
Contre toute attente et alors que sur tous les plateaux de télévision, ont été invités les plus grand spécialistes, locaux, régionaux et nationaux en matière de zoologie, de sociologie animale, de psychologie féline, tout le monde, sans exception, après avoir observé attentivement, la photographie présentée à la une de cet article a affirmé – certes après quelques réflexions profondes (mais silencieuses) – : « oui il s’agit bien d’un chat, nous vous le confirmons sans ambiguïté ! » Il faut bien l’appeler chat, car c’est un chat !
Bien sur quelques journalistes friands de polémiques ont bien tenté d’introduire le doute.
« Oui, admettons qu’il s’agisse d’un chat, mais ne pensez-vous pas que votre rapidité inhabituelle à désigner comme chat, cet animal ne soit de nature à stigmatiser cet animal en l’enfermant dans une catégorie animalière qui disons-le, est aussi constitué d’éléments perturbants et perturbateurs.
Ce à quoi les spécialistes, sans se concerter, répondirent tous en chœur qu’il n’était quand même pas compliqué d’appeler chat, un chat…
Les mauvaises nouvelles, il y en a trop, ou ce ne sont qu’elles qu’on entend, qu’on retient, qu’on partage. Je vais donc essayer , tous les jours, autant que possible de trouver une bonne nouvelle, de la raconter, et si je n’en trouve pas, je l’inventerai, je la rêverai et je la partagerai. Pour commencer voici la ronde des bonnes nouvelles …
Italian chemist and writer Primo Levi (1919-1987).
Nous découvrons tous tôt ou tard dans la vie que le bonheur parfait n’existe pas, mais bien peu sont ceux qui s’arrêtent à cette considération inverse qu’il n’y a pas non plus de malheur absolu. Les raisons qui empêchent la réalisation de ces deux états limites sont du même ordre : elles tiennent à la nature même de l’homme, qui répugne à tout infini. Ce qui s’y oppose, c’est d’abord notre connaissance toujours imparfaite de l’avenir ; et cela s’appelle, selon le cas, espoir ou incertitude du lendemain. C’est aussi l’assurance de la mort, qui fixe un terme à la joie comme à la souffrance. Ce sont enfin les inévitables soucis matériels, qui, s’ils viennent troubler tout bonheur durable, sont aussi de continuels dérivatifs au malheur qui nous accable et, parce qu’ils le rendent intermittent, le rendent du même coup supportable.
Incroyable, ils se parlent ! Que tu dis-tu ? J’ai bien entendu ? Ils se parlent ! Tu me dis qu’ils se parlent ? Tu divagues…Ils ne peuvent pas se parler, c’est impossible ! Se parler, se parler, mais je rêve. Pour se dire quoi ? Oui, c’est ça, que se disent t’ils ? Est-ce que tu les as entendus ? C’est grave, il faut qu’on prévienne. Il va se passer quelque chose, tu te rends compte. Parce que s’ils se parlent, cela veut dire qu’ils ont levé la tête, qu’ils se regardent, qu’ils se voient…
L’aurore s’allume ; L’ombre épaisse fuit ; Le rêve et la brume Vont où va la nuit ; Paupières et roses S’ouvrent demi closes ; Du réveil des choses On entend le bruit.
Tout chante et murmure, Tout parle à la fois, Fumée et verdure, Les nids et les toits ; Le vent parle aux chênes, L’eau parle aux fontaines ; Toutes les haleines Deviennent des voix !
Tout reprend son âme, L’enfant son hochet, Le foyer sa flamme, Le luth son archet ; Folie ou démence, Dans le monde immense, Chacun recommence Ce qu’il ébauchait.
Qu’on pense ou qu’on aime, Sans cesse agité, Vers un but suprême, Tout vole emporté ; L’esquif cherche un môle, L’abeille un vieux saule, La boussole un pôle, Moi la vérité !
…Des guirlandes d’étoiles descendaient du ciel noir au-dessus des palmiers et des maisons. Elle courait le long de la courte avenue, maintenant déserte, qui menait au fort. Le froid, qui n’avait plus à lutter contre le soleil, avait envahi la nuit ; l’air glacé lui brûlait les poumons. Mais elle courait, à demi aveugle dans l’obscurité. Au sommet de l’avenue, pourtant, des lumières apparurent, puis descendirent vers elle en zigzaguant. Elle s’arrêta, perçut un bruit d’élytres et, derrière les lumières qui grossissaient, vit enfin d’énormes burnous sous lesquels étincelaient des roues fragiles de bicyclettes. Les burnous la frôlèrent ; trois feux rouges surgirent dans le noir derrière elle, pour disparaître aussitôt. Elle reprit sa course vers le fort. Au milieu de l’escalier, la brûlure de l’air dans ses poumons devint si coupante qu’elle voulut s’arrêter. Un dernier élan la jeta malgré elle sur la terrasse, contre le parapet qui lui pressait maintenant le ventre. Elle haletait et tout se brouillait devant ses yeux. La course ne l’avait pas réchauffée, elle tremblait encore de tous ses membres. Mais l’air froid qu’elle avalait par saccades coula bientôt régulièrement en elle, une chaleur timide commença de naître au milieu des frissons. Ses yeux s’ouvrirent enfin sur les espaces de la nuit.
« L’histoire que tu vis, celle de chaque jour, est simple, donc incompréhensible. Aucun livre n’en fait mention, aucune lanterne de papier ne l’éclaire. Regarde. L’essentiel est dans ce que tu oublies et qui se tient devant toi. C’est par l’infime que tu trouveras l’infini, par ce calme regard sur l’ombre bleue, peinte sur une tasse de porcelaine blanche. L’âme, sans doute, est imprégnée de cette couleur, ainsi que de lambeaux de vieux français et de chants anonymes, éternels…
C’est inhabituel mais j’ai supprimé la première version de cette micro-nouvelle, que j’ai publiée ce matin, car sur des conseils éclairés, je l’ai très légèrement modifiée, et je le crois beaucoup améliorée.
Plage de Cotonou, Bénin
Comme tous les matins, Il prend le train. Comme tous les matins, il sort son livre, prend son casque et invite Léo Ferré, à l’accompagner dans sa lecture ferroviaire. Camus sous les yeux, Ferré dans les oreilles : le trajet devient voyage. Quelques minutes passent, et les compagnons de « route », tout doucement s’effacent.
Ce matin-là, il lui semble pourtant, dès le début que quelques détails ont changé. Il ne pourrait dire lesquels mais quand il a posé le pied dans le compartiment, cherchant sa place habituelle (il aime les rites, il en a besoin pour s’envoler), il lui a semblé qu’aucun des visages ne lui étaient familiers. Curieux, cela fait quinze ans qu’il fait ce trajet, sensiblement aux mêmes heures, et tout le monde se connaît, ou plutôt tout le monde se reconnait, prenant évidemment grand soin à ne rien se dire pour ne pas prendre le risque de percer toutes ces petites bulles dans lesquelles chacun s’est enfermé.
Il s’assied, sort son casque, s’énervant au passage sur les nœuds qui comme toujours ont profité de la nuit pour se former. Il sort un livre de poche. De poche parce qu’il ne faut pas trop se charger. Il commence sa lecture.
Évidemment il s’agit de Camus. C’est l’étranger qu’il a choisi ce matin dans le rayon dédié à son maître absolu. Il l’ouvre, au hasard, et de toute façon sait qu’en quelques secondes il sera transporté. Il commence sa lecture : c’est le passage où Meursault est sur la plage et le drame va se produire ….
« C’est alors que tout a vacillé. La mer a charrié un souffle épais et ardent… » Il lève les yeux, pour reprendre son souffle : chaque mot est une vibration intérieure qui le secoue. Autour de lui les visages sont pâles, on devine l’angoisse… Il n’y prête pas attention. Il continue.
« Il m’a semblé que le ciel s’ouvrait sur toute son étendue pour laisser pleuvoir du feu. Tout mon être s’est tendu et j’ai crispé ma main sur le revolver… » Il s’arrête, le souffle court. Il comprend que ce sont des gouttes de sueur qui tombent sur la page. « La gâchette a cédé, j’ai touché le ventre poli de la crosse et c’est là, dans le bruit à la fois sec et assourdissant, que tout a commencé. »
Le train s’est arrêté, brusquement, il ne comprend pas tout de suite ce qui se passe. C’est la police ferroviaire, elle a surgi dans le compartiment. Ils se sont approchés de lui, et ont fait signe d’enlever le casque.
Que se passe-t-‘il ici monsieur ?
Il ne se passe rien, je lis c’est tout…
Mais vous ne pouvez pas, ce n’est pas possible, cela trouble le voyage des autres passagers !
Cela trouble le voyage des autres passagers. Il ne comprend pas, enfin pas tout de suite. Le policier est toujours devant lui, le regard un peu menaçant :
Vous savez lire non ?
Il pointe une petite affichette sur laquelle est écrit :
« Compartiment non-lecteur, no reading »
Il est discipliné et demande seulement une petite faveur : celle de terminer les quelques lignes qui lui restent sur cette page.
« J’ai secoué la sueur et le soleil. J’ai compris que j’avais détruit l’équilibre du jour, le silence exceptionnel d’une plage où j’avais été heureux. Alors j’ai tiré encore quatre fois sur un corps inerte où les balles s’enfonçaient sans qu’il y parût. Et c’était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur… »
Tout d’abord personne ne s’est aperçu de rien, et quand on ne dit personne, on doit vite reconnaître que de toute façon on ne parle pas de beaucoup. Certes, il ne s’agit pas, une fois de plus, d’affirmer que le nombre de lecteurs diminue, mais de reconnaître que la lecture est de plus en plus instrumentale, et de moins en moins viscérale. Et quand j’utilise le terme de viscéral, il est celui qui est le plus approprié. Il s’agit de cette lecture qui part de l’œil, puis prend le frais dans l’arrière-pays de la tête avant de descendre dans les tripes, et tout remuer. Cette lecture a besoin de ces mots qui vibrent, de ces mots qui caressent, qui chantent, qui surprennent, de ces mots qui essoufflent, qui apaisent… Pourtant ce matin, comme tous les jours Jules a commencé à feuilleter ces livres qu’il aime tant. Il a tourné quelques pages, rapidement, puis a pris son temps, et s’est arrêté gorge serrée. Partout sur la page, des trous, au début d’un vers, au milieu d’une strophe, dans un titre. Des mots se sont envolées, ils ont disparu. Il pense à une plaisanterie, un canular peut-être : qui aurait pu dans la nuit prendre le temps de lui voler des mots, des mots si beaux. Il s’attarde sur un texte d’Eluard : dans ce magnifique texte, les étoiles se sont évanouies, les fleurs se sont fanées, les paupières se sont fermées. Il poursuit ses lectures et partout des trous ont pris la place des caresses, de la douceur, de la pluie. La mer et ses vagues ont disparu, plus de vent, pas un soupir, pas un frisson. Tous les mots qu’il aiment ont été enlevés. Jules est persuadé qu’il rêve encore, il se pince pour s’éveiller. Mais rien n’y fait, les mots, ses si beaux mots se sont échappés. Où se sont-ils cachés ? Un peu déprimé, il ouvre la radio, peut-être une explication. Jules n’aime pas la radio, parce que ce sont des sons électriques, mais ce matin il se sent seul, si seul. Il écoute, il n’est pas un habitué, il écoute avec attention, avec curiosité et doucement, tout doucement il commence à sourire. Voici ce qu’il entend : « vous êtes bien sur votre radio habituelle, mais nous prions nos auditeurs de nous pardonner, ce matin pour une raison que nous ignorons encore, beaucoup de nos mots habituels ne passe plus à l’antenne, ils ne parviennent plus à sortir de la bouche de nos chroniqueurs et journalistes ». Jules écoute, il sourit, il est bien, tous ses mots sont là, ils ont pris la place des mots en ique, des mots en tion, des mots en eur, il est si bien, c’est comme une douce mélodie… »
Comme tous les matins, Jules se
lève tôt, s’habille rapidement, et visage encore barbouillé des restes de la nuit,
s’en va acheter la presse. Il ne se contente pas du seul journal régional, il aime
aussi les quotidiens nationaux. Jamais les mêmes, il butine, il n’aime s’enfermer
dans aucune camisole, encore moins de papier. Il aime ce moment ou devant le
présentoir, il hésite, il compare les unes, les titres du jour et suivant son humeur,
il en choisit un ou deux, jamais les mêmes. Il paie, les plie soigneusement et accélère
le pas, impatient de les étaler sur la table, tout en buvant un grand bol de
café.
Trois unes l’ont attiré ce matin : la première « Ecoute l’automne », la seconde : « Le monde : une île ! » et la troisième « Elle aime la lune ». Surprenants ces titres, on ne dirait pas de l’actualité se dit-il sur le chemin du retour. Mais il n’ouvre pas les journaux, il aime ce rite matinal, qu’il ne veut pas transgresser sous prétexte de curiosité.
Jules est dans sa cuisine, le
café est prêt. Il s’installe. Comme d’habitude, son bol est légèrement sur la gauche
pour qu’il puisse étaler les journaux et il commence sa revue de presse. Il débute
par « Elle aime la lune ». Il lit rapidement les quelques lignes qui
accompagnent la photo de la une. C’est vrai que cela lui semble léger, plus doux
que d’habitude. Il ouvre le journal, poursuit sa lecture : « mais qui
est-elle celle qui aime la lune ? »
Bref il lit et l’impression se confirme. Sa lecture est agréable ! Il ne parvient pas à en expliquer les raisons, mais il se sent bien. Il ouvre son deuxième quotidien, « Ecoute l’automne » : mêmes impressions, douceur, bonheur, sourires. D’ailleurs il le sent parfaitement qu’il sourit. Il est bien, tellement bien qu’il s’empresse d’ouvrir le troisième : « Le monde : une île ! ». Et là, comment dire c’est l’apothéose : c’est comme le premier stade de l’ivresse, il se sent gai, insouciant avec l’envie de s’étirer en souriant. C’est ce qu’il fait d’ailleurs !
C’est dans ce mouvement qu’il aperçoit le gros titre du quotidien régional : « Catastrophe dans le monde de la presse nationale : les lettres R et les lettres S ont totalement disparu des rédactions ! ».
Une nouvelle rubrique : « mes rêves éveillé, et je précise que bien sûr celui qui est éveillé, c’est moi, je rêve et j’écris : voici le premier de cette petite série
C’est un mardi matin du mois de novembre 2020, je crois, que tout a commencé. Ou plutôt que tout a recommencé. C’est simple. Ce matin-là, au réveil, aucun écran n’est éclairé. Et quand je dis aucun, c’est vraiment aucun !
Ecrans petits et grands, Écrans numériques, Écrans électroniques, Ecrans cathodiques, C’est le noir, Noir sidéral, Pas une diode, Pas un clic, C’est la panique
C’est impossible, il doit y avoir un hic. Chacun accuse : c’est la prise, c’est le câble, c’est le réseau électrique…. Au saut du lit, le premier geste est pour l’écran. Vite : réveiller la machine, vite regarder, on ne sait jamais…Une information importante est peut-être arrivée dans la nuit. Mais là rien, l’écran est figé, glacé, il ne réagit pas. Le doigt s’agite, le cœur palpite… Et c’est ainsi qu’au même moment, dans tout le pays, des millions de personnes allument, rallument leur téléphone et rien ne ,se passe. Ils triturent le câble, vérifient la prise, cherchent un coupable : l’époux, l’épouse, les enfants, le chat, l’état. En quelques minutes, la panique enfle, elle s’installe, partout. En quelques minutes… Façon de parler. Le temps est difficile à estimer. L’heure aussi, n’existe que sur des écrans : l’heure est numérique, l’heure est électronique. Ce matin l’heure n’existe plus, elle s’est échappée, elle s’est enfuie. Le jour est levé. Les pas sont lourds, les épaules sont basses. Il faut se résoudre à prendre le petit déjeuner. Tout le monde se retrouve autour de la table, les écrans vides et gris sont posés à côté du bol, petits objets inertes. Il se produit alors quelque chose d’incroyable, les visages se redressent, les lèvres remuent, et des sons sortent, au début ce ne sont que des grognements. Puis des mots se forment : tiens on avait oublié comme c’est joli un mot, même petit. Partout, on parle, on se parle. Pour commencer la météo, et incroyable on regarde par la fenêtre. Formidable cette application, on voit le temps qu’il fait. Et tout s’accélère, des mots, puis des phrases, des conversations, des sourires.
Il est huit heures, Partout cela bourdonne, Parfois cela ronchonne, Il est huit heures, Plus un clic Numérique, électronique, L’heure est si belle, Vêtue de ses plus belles aiguilles….
Elle les
écoute avec respect et attention et sans même s’étonner de ce qu’ils font là au
creux de sa main elle leur répond qu’elle est bien d’accord, que ça fait
longtemps que tout cela elle le dit, elle, elle le pense.
« Moi je
vous crois, moi je suis comme vous ». Vous savez ce qu’il faut faire c’est
continuer à ne pas douter, à ne pas douter de vous, il faut continuer à poser
toutes les questions que vous avez dans la tête parce que si vous ne posez plus
de questions les autres ils croiront qu’ils ont gagné, ils croiront que vous
êtes devenus comme eux, fades, tristes, avec que des réponses toutes faites,
des réponses toutes simples, des réponses pour être comme les autres comme tous
les autres, mais vous comme moi on n’est pas comme les autres, nous on veut
encore et toujours s’émerveiller, on veut encore et toujours dire que rien
n’est sûr, que ce qui est vrai ça
n’existe pas ou pas longtemps, parce qu’on se trompe toujours »
Vous le savez bien avant il
fallait pour être bien, pour être comme les autres, dire que la terre était
plate, et quand on disait autrement on mourrait et ben maintenant moi je vous
le dis il faut continuer à douter, à douter de tout même de ce qui semble être
sur et il faut rêver, il faut voir le possible partout.
Tenez moi par exemple j’ai envie
de croire qu’un jour pour aller à l’autre bout du monde il n’y aura plus besoin
d’avions il suffira de prendre un ascenseur pour l’espace et d’attendre là dans
une espèce de cabine, d’attendre que la terre tourne et alors quand juste en
dessous il y aura la ville, on descendra c’est simple non, et bien vous savez
j’ai envie d’y croire.
« J’ai envie aussi de dire
qu’un jour on ira dans une école où on a apprendra à poser des questions, à
tout remettre en question plutôt qu’à ingurgiter les réponses des autres, de
tous les autres. Vous savez il faut que vous reteniez une chose, il n’y a
qu’une chose qui vous appartient ce sont les questions que vous posez, que vous
vous posez, les réponses elles ne vous appartiennent pas, les réponses elles
sont toujours la propriété de quelqu’un d’autre de quelqu’un que vous ne connaitrez
jamais ».
Elle avait toujours la main tendue
devant elle et plus elle parlait plus elle entendait sa voix comme si elle
venait d’ailleurs, le groupe d’enfants qu’elle avait dans la main grandissait, elle le sentait, elle le sentait, pas parce
qu’ils devenaient plus lourds, mais parce qu’elle les voyait sourire, parce
qu’elle les voyait exister.
Ils existaient et ils étaient en
train de le comprendre.
Le rêve c’est beau, le rêve on
devrait pouvoir l’enregistrer, on devrait pouvoir se brancher le matin pour
revoir le merveilleux de la nuit. C’est ce qu’elle se dit ce matin en ouvrant
la fenêtre elle a encore plein d’images de la nuit dans la tête derrière les
yeux. Quand elle a posé le pied sur la terrasse elle s’attendait presque à
trouver le sable, de ce sable si fin, de ce sable qui ressemble tant à de
l’eau. Le sable, l’eau, les grains, les gouttes, elle sourit en s’étirant, elle
va appeler ses frères pour leur donner la réponse. Ce matin elle est heureuse
elle sait qu’elle est dans le vrai, elle sait que c’est comme cela qu’on
l’aime, que c’est comme cela qu’on l’admire.
Elle ferme les yeux juste une
seconde et là dans son écran intérieur, il y a un coucher de sommeil, un
coucher de sommeil, tiens donc, pourquoi
pas après tout, quand la nuit est terminée quand elle a été belle, que les
couleurs que le rêve a fabriqué n’existent pas encore, quand les enfants sont
si petits qu’ils tiennent au creux d’une main, quand les autres, les
bien-pensants ne sont que des figurants alors on a bien le droit de parler d’un
coucher de sommeil.
De l’eau, il y en a au robinet
mais ce n’est pas celle-ci qui l’intéresse. Elle va descendre pour s’approcher
de la mer, de cette mer.
Elle entre dans l’appartement son
compagnon dort encore, elle s’habille pour aller au bord de l’eau. En même
temps elle se dit qu’il ne faut pas qu’elle oublie de téléphoner à ses frères
pour leur dire que dans une petite poignée de sable il y a presque 12000 grains
de sable. Ils vont lui demander comment elle peut le savoir et elle va leur
expliquer. Mais elle se dit qu’ils ne la
croiront pas, qu’ils lui diront qu’elle a fumé.
Qu’elle a fumé ! N’importe
quoi, jamais elle ne s’amusera à cela mais alors : qui pour la croire ? Là tout de suite
maintenant, elle va voir si ce truc-là ne marche que pour le sable, elle s’est
approchée de ce qui ressemble à la mer, même si derrière elle distingue encore
les montagnes.
Elle recueille entre ces deux
mains un peu de cette eau, c’est presque la même sensation que le sable, elle
ferme les yeux 18 546. Ca y est, cette fois elle a la réponse, elle s’en
doutait de toute façon, il y a plus de gouttes d’eau c’est sûr.
Penser à
téléphoner à ses frères, à son père et leur dire qu’il y a plus de gouttes
d’eau que de grains de sable.
Elle allait remonter chez elle
quand soudain elle a entendu que quelqu’un l’appelait par son prénom, d’abord
elle n’a vu personne et puis en baissant les yeux presque devant ses pieds nus,
elle a vu tout un groupe de gens, minuscules, à peine plus grand qu’un ongle.
Elle s’est baissée et avec la main droite elle les a ramenés dans le creux de
sa main gauche, avec un peu de sable humide ; elle a porté la main à
hauteur des yeux et elle a vu tout un groupe. Qui ils étaient, elle ne savait
pas, ce qu’ils faisaient là elle ne savait pas non plus mais en prêtant bien
l’oreille et parce que la mer était calme elle distinguait bien quelques
paroles, cela semblait être des paroles de colère. Ils étaient bien une dizaine,
des enfants là au creux de sa main.
« On en a marre, personne ne nous croit, personne ne nous croit jamais, on est toujours à nous dire qu’on est trop petit, qu’on verra, qu’on comprendra plus tard quand on sera plus grand, on n’en peut plus de ne plus exister, nous ce qu’on sait c’est qu’un jour on rencontrera quelqu’un qui nous écoutera qui nous croira qui nous verra et alors on existera ».
Alors elle s’est assise là par
terre, enfin plutôt par sable parce que quand on est au bord de la mer on
oublie la terre, même si la terre elle porte le sable sur elle et la mer aussi
mais ça aussi c’est une autre question.
« Pourquoi on nous dit qu’il
ne faut pas jouer avec la terre, que c’est sale, et quand on est à la mer on nous oblige à
jouer avec le sable : c’est compliqué les mots, nous on voudrait qu’on
nous laisse comprendre ce qu’on veut ».
« Pourquoi on nous dit qu’il
faut être sage à l’école et en même temps si on parle trop à table on nous dit :
sois sage, parle pas à table ! Et après à l’école on nous dit que si on ne
dit rien, si on ne parle pas c’est qu’on ne s’intéresse pas ! »
« Et pourquoi on dit des
vieux qui ne disent pas grand-chose mais que tout le monde écoute quand il
récitent une phrase qui ne veut rien dire qu’ils sont des sages. On y comprend
rien on ne veut pas être des sages on veut pouvoir parler quand on a envie de
dire quelque chose ».
« Pourquoi quand les grands,
les adultes parlent de nous, ils cherchent à savoir ce qu’on pense ce qu’on
ressent, alors qu’ils ne nous le demandent jamais pourquoi ils disent à notre
place ce qu’on pas envie de dire. »
Elle les écoute, en silence parce
que le moindre bruit risque de couvrir leur voix elle les écoute et elle sait
qu’ils ont raison ? Ils continuent leur liste de pourquoi.
« Pourquoi quand on est tout
petit on nous oblige à embrasser des vieilles tantes fripées à l’odeur de
naphtaline en nous disant que ça lui fera plaisir que c’est une vieille tante,
qu’elle a jamais eu d’enfants et que quand on est grand, un peu plus grand on nous dit que c’est pas
bien d’embrasser le premier venu même si
il est jeune, même s’il est beau, même si on l’aime. »
« Pourquoi on nous dit, à
longueur de journée : tu ne peux pas comprendre quand on pose des
questions sur ce qui nous intéresse, nous rend curieux et par contre on nous
dit d’essayer de comprendre de faire des efforts quand on est à l’école ? »
Et puis
soudain alors que la liste ne cessait de s’allonger, elle a poussé un petit cri,
à peine de l’étonnement car rien ne l’étonne et un rien l’étonne c’est
d’ailleurs ce qui fait qu’elle est si étonnante et que tout le monde aime quand
elle est là.
Là, dehors à
la place de l’immense terrasse, il y avait la plage, et plus loin à la place du grand pré qui
bordait le bâtiment, de l’eau, de l’eau bien bleue. En fait ce qu’elle voyait
devant elle ce n’était rien d’autre que la mer, de la mer et de la plage. On ne
dit pas comme cela d’habitude ? De la mer et de la plage ? Incorrect,
cette formulation et bien tant pis se dit-elle moi ça me plait, ça a plus de
sens !
Tant d’autres
auraient hurlé de terreur, ou seraient partis se recoucher certains d’être
encore en plein sommeil ou sous l’emprise de quelques substances
hallucinogènes. Mais elle, il lui en
fallait plus pour la déstabiliser, elle n’a pas mis longtemps à réagir et à
chercher puis trouver une réponse, une réponse que pourtant elle garde bien au
chaud dans une de ses boîtes à
explications.
Son souci
pour le moment c’est le sable, juste au bord de la porte fenêtre, il ne
faudrait pas qu’il entre, elle n’aime pas le sable quand il s’insinue là où il
n’est pas fait pour aller. Elle n’a pas fait de bruit pour ne pas réveiller son
compagnon et s’est dit qu’il faudrait chercher le parasol et des serviettes de
plage, c’est quand même mieux pour le sable, surtout qu’ils annoncent le beau
pour les prochains jours. Elle sort sur la terrasse, enfin sur la plage, tout
en se disant qu’il faudrait qu’elle ajoute deux ou trois choses dans sa liste
Téléphoner
à sa mère pour lui demander où sont les rabanes
Ajouter à
la liste de course de la crème solaire
Regarder
les horaires des marées
Elle est dehors les pieds nus
dans le sable. Le sable il est encore plein de fraîcheur, ça lui fait comme un
gazouillis sous les pieds. Alors machinalement elle se baisse et prend une
poignée de sable dans le creux de la main.
C’est un sable comme elle n’en a
jamais touché, d’une douceur incroyable, elle ferme les yeux presque
machinalement, et là soudain comme une diapositive qui se projette sur son
écran intérieur, elle lit 1239, elle ne comprend pas immédiatement, mais
elle a un pressentiment. Alors elle
jette sa poignée de sable et elle en prend une autre, plus grosse celle-ci, elle ferme les yeux et
elle lit 12763.
Incroyable elle vient de
comprendre : tout en gardant les yeux fermés elle laisse couler comme un
filet de sable et elle voit les chiffres qui défilent, elles referment les
mains et c’est le chiffre 9734 qui s’affiche. Super, ce truc ça lui plaît, elle
va pouvoir enfin savoir : plus de gouttes d’eau ou plus de grain de
sables ?
Une nouvelle écrite il y a quelques années, je la publierai en 4 parties ….
Un matin elle
s’était levée plus rapidement que d’habitude avait tiré les rideaux d’un geste
précis, ouvert la fenêtre et en quelques secondes avait décidé que cette
journée ne serait pas comme les autres. Pas comme les autres parce que tout le
lui disait, partout, ce qu’elle voyait, ce qu’elle sentait, ce qu’elle
ressentait, ce qu’elle entendait lui confirmait sa certitude de la nuit,
aujourd’hui serait la journée des réponses, la journée ou tout s’éclairerait.
Cette nuit comme souvent, comme parfois des questions avaient tourné en boucle
dans sa tête des questions sur la vie, sur la mort, sur l’amour, sur les
autres, des questions sur l’absurde, sur la bêtise, sur l’indifférence, des
questions sur l’insuffisance, sur le mépris, sur les fausses idées, sur le
temps, pas sur le temps des nuages, pas sur le temps du soleil, non sur le
temps qui s’accroche aux pendules, aux aiguilles ce temps qui vous pique.
Cette nuit
elle avait eu 25 ans et comme elle est quelqu’un d’organisé contrairement à ce
que certains croyaient autrefois parce qu’on s’attache trop aux détails aux
apparences elle a décidé cette nuit de chasser toutes ces questions et demain
de chercher les réponses, toutes les réponses.
Elle n’a pas
tout de suite remarqué le changement dans le paysage, concentrée qu’elle était
à cette nouvelle journée qui s’ouvrait, les yeux grands ouverts, il y avait
comme une liste qui se déroulait derrière son regard rieur, elle n’aimait pas
être prise au dépourvu et aimait organiser ses journées.
Aujourd’hui,
c’était entre autres.
Finir ses courses sur internet
Choisir un cadeau pour sa sœur
Téléphoner à sa mère pour lui dire qu’elle avait
choisi un cadeau pour sa sœur
Choisir un cadeau pour sa mère avec ses frères
Téléphoner à ses frères pour leur dire qu’elle allait
choisir un cadeau pour leur mère
Faire un gâteau pour ce soir
Prévenir par téléphone ses amis qu’elle ferait un
gâteau pour ce soir
Finir les courses pour faire un gâteau pour ce soir
Téléphoner à sa mère pour lui demander ce qu’elle
aimerait comme cadeau pour Noël
Dire à son compagnon de changer la litière du chat
Téléphoner à ses autres amis pour dire qu’elle ferait
un gâteau pour ce soir
Et plein d’autres choses encore
Et puis
soudain alors que la liste ne cessait de s’allonger, elle a poussé un petit cri,
à peine de l’étonnement car rien ne l’étonne et un rien l’étonne c’est
d’ailleurs ce qui fait qu’elle est si étonnante et que tout le monde aime quand
elle est là.
Ce qui est triste et surtout dangereux dans ce monde qui n’est déjà plus celui du demain mais celui du jamais c’est qu’on ne parle plus, on ne se parle plus. On ne se parle plus parce qu’on ne sait plus on ne veut plus s’écouter. Les mots qui sortent de votre bouche et qui essaient alors avec cette fière humilité de s’assembler pour former une pensée, de formuler un avis, un point de vue voire même d’exprimer une conviction ne sont plus écoutés, ils sont simplement entendus comme un bruit de plus dans cette monstrueuse cacophonie médiatique. Ils sont alors immédiatement passés au gros tamis des réactions claniques qui s’estiment supérieures parce qu’elles sont persuadées d’être nourries d’idéologies qui ne sont rien d’autres que des dogmes. On ne cherche pas qui tu es lorsque tu parles mais on s’intéresse à ce que tu es pour t’enfermer dans une cage ou une pensée différente devient la preuve d’une trahison. On cherche à te dire à qui tu appartiens où à qui tu dois désormais appartenir. C’est ainsi qu’aujourd’hui se construit le soit disant débat politique. Lorsque je formule des idées lorsque j’exprime des convictions que j’ai pris le temps de construire avec exigence et respect je suis immédiatement renvoyé dans des périmètres idéologiques que je combat pourtant de la même manière depuis toujours. C’est par exemple ce qui se produit lorsque je parle de ma vision de la laïcité. En conséquence et ce post est une rare exception je me tais et je m’épanouis dans l’expression poétique qui pour quelques temps est préservée…
Un souffle De vie. Pour longtemps. Deux sourires, Soudain. En format souvenir. Une joie, Qui cogne Aux fenêtres d’un civilisé du retard. Rapide, Un regard qui dure. Deux regards qui tremblent Et ils comptent Sur leurs échiquiers intérieurs Les fous qui leur jouent Un hymne de mots Pour un soir Qui dure Et ils trouvent ensemble La route des autres Et ils s’aiment Vite
Ecoute petit homme, Ecoute. Il est si beau ce monde qui ne dit rien. Il est si beau ce monde, Il te parle, c’est le tien.
Regarde petit homme heureux, Regarde ces furieux, Fanatiques, frénétiques, Ils ont le cœur électrique.
Ils préparent la prière, Hymne cathodique Aux rimes numériques, C’est le matin du malin.
Nuques raides, regards vides, Les impatients sont livides, Epuisés, lessivés, Un long sommeil les a lavés.
Ô Nuit blanche et câline, Ne t’épuise plus à blanchir Ces haines rances à mourir. Semées sur l’écran creux De leurs rêves sans bleu.
La nuit les a libérés. Il est l’heure, Affamés, ils attendent La victime par eux condamnée. Leurs mots sont prêts Ils vibrent, affutés, aiguisés, Ils vont frapper !
Pas un regard pour ton monde qui sourit. Ils attendent leurs matins numériques.
Rien ne brille, rien ne bouge
Hystériques ils cliquent, ils cliquent Ils cliquent, Et ce matin, petit homme, C’est une claque, Une claque pour les creux. Les écrans sont lisses et vides.
Les nouvelles du jour ? Parties, envolées, manipulées, falsifiées ? Que va-t-on devenir, on est seul, isolés…
Le monde les voit Il pleure de cette embolie Il rit de cette folie
Mais cette nuit, petit homme, Le monde a agi. Le monde ne regrette rien Il le fallait, il l’a fait.
C’est si simple, Petit homme La poubelle était pleine, Le monde l’a vidée, Et dehors l’a laissée.
Pourquoi tant de trains, de rails, de gares sombres, de lumières au jaune blafard. Et bien je vais être sincère : j’aime ça, profondément, intensément. C’est tout et simplement déjà beaucoup. Ô vous pourriez répondre que c’est un peu facile que j’ai besoin de fabriquer de la mélancolie ou de pousser celle que je peux parfois avoir en moi. Et après tout, pourquoi pas ? Je l’assume. Il serait certes plus facile de se contenter de ces images à l’académisme convenu et surtout confortable. Mais non, à cela je ne parviens pas. Mes inspirations doivent prendre le chemin de l’émotion. Pour surgir, pour picoter le bord des yeux, oui, elles attendent le train, elles aiment le métal qui gémit, les odeurs que fabrique la vitesse électrique.
Et quand la gorge commence à serrer, quand on comprend que les larmes sont sur le chemin, on se dit alors qu’il faut y aller, se laisser porter et dériver sur ce long fleuve ferré…
Non, décidément je ne parviens pas à rester sans écrire. Ô bien sûr, il m’arrive de traverser un long désert poétique. Ma boussole s’affole à chercher l’oasis des rimes. Les rives mauves tapissées de mots aux ombres courbes se sont éloignées. Alors je ne cherche plus, je marche sur cette longue feuille sèche où mes pas glissent en crissant. Je tourne alors les yeux vers tous les arrières pays de mes rêves inachevés. Je souris en entendant coulis, clapotis et cliquetis qui emplissent en dansant ce bel et blond flacon…