Matin léger…

Sur l’eau, quelques rides de lumières,
Le matin léger s’étire sur le fleuve.
Au loin la rumeur de la ville,
Comme un bruit qui s’éveille.
On s’étire, le silence se respire.
Il fait frais, on sourit.
Le jour se lève.
C’est beau,
La nuit s’est retirée,
Discrètement, le port l’a avalée.
Le soleil est là, on le sent.
On l’entend.
Chaque couleur s’est préparée,
Dans le matin léger,
Ses ailes lissées le fleuve a déployé.

Mes Everest, Boris Vian : « pourquoi je vis. »

Pourquoi que je vis
Pour la jambe jaune
D’une femme blonde
Appuyée au mur
Sous le plein soleil
Pour la voile ronde
D’un pointu du port
Pour l’ombre des stores
Le café glacé
Qu’on boit dans un tube
Pour toucher le sable
Voir le fond de l’eau
Qui devient si bleu
Qui descend si bas
Avec les poissons
Les calmes poissons
Ils paissent le fond
Volent au-dessus
Des algues cheveux
Comme zoizeaux lents
Comme zoizeaux bleus
Pourquoi que je vis
Parce que c’est joli

Extrait…

Un tout petit extrait de mon nouveau roman. Chantier encore en cours : les fondations ont été coulées, les murs porteurs sont en place…

…Écoute Anton, écoute ce que j’ai écrit. Marcel je ne te connaissais pas, si peu, cette semaine j’ai compris pourquoi les autres sourient quand tu parles. J’ai compris, je crois, qui tu étais Marcel. J’ai aimé quand tu as marché, presque sans rien dire, à côté de moi. Tu avais simplement envie de partager de l’existence, de cette véritable existence qui entre en vous, à la nuit tombée, quand les fenêtres se ferment, quand les rires s’éloignent. Tu avais envie de me dire que tu étais bien, là, avec moi, ce soir, et puis tu n’as rien dit, tu t’es tu, parce que c’est mieux ainsi. J’avais la même sensation que lorsque j’entre dans la forêt. Je ne parviens pas à la décrire. Marcel je crois que je comprends ce que tu veux dire lorsque tu parles de l’incroyable, de l’impossible. J’ai l’impression que je l’ai un peu touché ce soir…

Extrait…

Un tout petit extrait de mon nouveau roman. Chantier encore en cours : les fondations ont été coulées, les murs porteurs sont en place…

…Écoute Anton, écoute ce que j’ai écrit. Marcel je ne te connaissais pas, si peu, cette semaine j’ai compris pourquoi les autres sourient quand tu parles. J’ai compris, je crois, qui tu étais Marcel. J’ai aimé quand tu as marché, presque sans rien dire, à côté de moi. Tu avais simplement envie de partager de l’existence, de cette véritable existence qui entre en vous, à la nuit tombée, quand les fenêtres se ferment, quand les rires s’éloignent. Tu avais envie de me dire que tu étais bien, là, avec moi, ce soir, et puis tu n’as rien dit, tu t’es tu, parce que c’est mieux ainsi. J’avais la même sensation que lorsque j’entre dans la forêt. Je ne parviens pas à la décrire. Marcel je crois que je comprends ce que tu veux dire lorsque tu parles de l’incroyable, de l’impossible. J’ai l’impression que je l’ai un peu touché ce soir…

Mes Everest, Demain, Léo Ferré

Au premier hibou de service, à Orly, je me tire, c’est sûr. Je n’ai pas le temps de vous expliquer pourquoi, mais c’est ainsi. Moi, les oiseaux de nuit, je les mets à mon heure, les fuseaux horaires, je m’en arrange. Sur mon hibou 747 je pars en vacances, et mes vacances c’est Demain. Demain, c’est la mort aux lèvres et le sourire de la Joconde rentrée dans le poing de Vinci.
Demain c’est la seule idée valide que je vous concède. Vos constitutions, vos morales, votre café au lait du matin, vos chemises échancrées qui plissent sur le pressing, le premier à gauche, dans votre quartier, tout ce qui vous muselle, tout ce que vous adorez, tout ce qui est votre mort quotidienne, tout cela, pour moi, c’est terminé.
Sur les lacs, des chevaux mangent des fleurs fanées, et leurs photos ses reflétant dans les eaux tristes leur reviennent à leurs museaux tout embrumés. Demande-donc une douzaine de chevaux à ton fleuriste.
Demain ? Un mot, un fauteuil désossé, une chanson parlée d’une voix mesurée au métronome des grands vents du nord battant sur la chaussée d’une ville perdue, une fille extasiée dans un coin de porte et se signant à l’approche du voleur de filles, une lettre postée trop tôt et que le collecteur du courrier à Paris, à 17 h 30, ne voudra pas te rendre parce qu’il ne te connaît pas, le tube d’aspirine que tu manges en te grattant la tête et en cherchant de côté un regard fraternel, cette bouteille d’eau minérale qui ne vient même pas de la terre, cette auto qui dérape et qui engorge l’autoroute.
Demain ? Au premier hibou de service, à Orly, je me tire, je deviens moins un. Rien. Je suis Rien.
Le mec que tu regardes, ce soir, sur la scène, ce mec aux cheveux blancs, avec sa tête qui ressemble à un trapèze, n’est pas là.
Les chansons qu’il chante, tout ce qui t’arrive dans les yeux et les oreilles, tout cela a été fait, dit, et redit depuis longtemps.
Le mec que tu regardes, c’est de l’illusion.
Demain, c’est la mort figurée. On vous la vend, cette mort figurée on vous vend cet artiste pâli sous des projecteurs réglés, soumis. On vous vend par petits paquets, par petits fauteuils, à des prix acceptables, un artiste qui s’est vendu pour un prix accepté.
L’argent c’est le sourire du désespoir.
Demain ,c’est aussi le désespoir. Alors, Demain tu seras riche, mon camarade. Car ce que je te donne n’a pas de prix.
Accepte-moi comme je t’accepte.
Demain, je t’aime.

Trois fois rien…

Trois fois rien

Me dites-vous ?

Oui trois fois rien,

Et c’est tout !

Cela suffit pour mon peu de bonheur…

Non vous dis-je !

Ce n’est pas assez,

Vous le regretterez…

Oh non, rien de plus,

Je vous en prie !

Pas de rose,

Plus de mauves,

Laissez les bleus en paix.

Je n’ai besoin que de terres grises

Pour écrire mes rêves bariolés.

Petite flamme bleue

Larmes au bord des yeux
Rouges braises d’une tristesse étoilée,
La pluie est à l’intérieur,
D’émotions le trop plein est empli.
Et déverse des flaques de gris.
De chaque couleur il est l’ennemi.
Tu attends le soleil qui fige la surface.
Voile de lueurs,
Apaisent ombres de l’intérieur.
Demain,
Dans le peut-être du futur apaisé
Petite flamme bleue
Danse et luit,
Douce lumière scintille,
Et rit au fond de tes yeux.

Mes Everest : Baudelaire, la musique

La musique souvent me prend comme une mer !
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile ;

La poitrine en avant et les poumons gonflés
Comme de la toile,
J’escalade le dos des flots amoncelés
Que la nuit me voile ;

Je sens vibrer en moi toutes les passions
D’un vaisseau qui souffre ;
Le bon vent, la tempête et ses convulsions

Sur l’immense gouffre
Me bercent. D’autres fois, calme plat, grand miroir
De mon désespoir !

Rêves…

J’étais las

Bras ballants

Nuque courbée

Sur le quai je marchais

Attentif aux petits riens

Qui emplissent de mauvais silences

Les derniers souffles d’une journée sans fin

Dans le fond d’une poche

Juste pour m’occuper

J’ai plongé une main

Oh ce n’était qu’un geste de rien

Et bien mes amis

Je vous l’assure

C’est un sable si fin si frais que j’ai caressé

Qu’au coin de mon œil une vague a coulé

27 septembre

Mémoires…

Vieil homme est seul

A pas lents et trainants

Du haut mur du passé

Il s’est approché

Son oreille fatiguée

Sur la pierre il a posé

Le doux murmure des rêves oubliés

Sur son vieux corps s’est écoulé

Oeil éclairé vieil homme sourit

Il le sait

Il le sent

Dans un pli de mémoire

Il entend le chant de la mer

Qui jamais ne s’oublie

27 septembre

Mes Everest : « la ville », Léo Ferré

La ville…
Qu’est-ce que tu crois ?
La ville…
J’imagine

J’imagine des coins perdus
Et qu’on ne réclame jamais…
C’est là où je vais
C’est là où je suis

La ville…
Qu’est-ce que tu crois ?

Les feux rouges… Il y en a partout
Verts… des fois quand ils donnent…
Il y a des feux rouges dans les lits aussi…
Le vert ? Je connais… dans les plaines de mon plumard à moi…

La ville…
Qu’est-ce que tu crois ?

Paris ? Milan ? Liège ? Los Angelès ? Buenos Aires ?
Avec le championnat de la torture ?
Et du foot-ball ?

La ville ?

Un théâtre… des coulisses… une loge… un robinet
Du noir dans la salle
Avec des gens beaucoup beaucoup…
Des gens de la ville bien sûr ?

Qu’est-ce que tu crois ?

Un hôtel aussi métaphysique
De préférence insonorisé
Avec simplement le silence armé ou américain…
Qu’est-ce que tu crois ?

Monaco? Las Vegas du pauvre
Des avions mordorés qui passent des fois
Au-dessus de chez nous ici en Toscane…
Ça me rappelle à ton bon souvenir…
Et des fois les avions ils crient au secours
N’importe où sur la mer sur les montagnes sur les villes…
Alors les feux rouges pâlissent…
La ville ?

Qu’est-ce que tu crois ?

Un train est entré…

N’avez-vous jamais vibré pour du simple
Pour ce presque rien
Qu’on cache sous le tapis
D’une mémoire aux rimes rondes
Rondes et fleuries
N’avez-vous jamais vibré pour du simple
Ce quelque chose
Que le peuple des autres
Abandonne sur le quai
Pour un voyage sans détours
N’avez-vous jamais vibré pour du simple
Celui qu’on oublie tout de suite
Pour ne pas avoir à l’apprivoiser
Sentez-vous l’odeur que la peur avait enterrée
Entendez -vous le cri du métal
Il est frappé de soleil.
C’est un beau soir qui sent le hier
Dans la salle d’attente de mes souvenirs ferroviaires
Un train vient d’entrer…

30 juin 2020

Mes Everest, Louis Aragon : il n’aurait fallu…

Il n’ aurait fallu
Qu’ un moment de plus
Pour que la mort vienne
Mais une main nue
Alors est venue
Qui a pris la mienne

Qui donc a rendu
Leurs couleurs perdues
Aux jours aux semaines
Sa réalité
À l’ immense été
Des choses humaines

Moi qui frémissais
Toujours je ne sais
De quelle colère
Deux bras ont suffi
Pour faire de ma vie
Un grand collier d’air

Rien qu’ un mouvement
Ce geste en dormant
Léger qui me frôle
Un souffle posé
Moins Une rosée
Contre mon épaule

Un front qui s’ appuie
À moi dans la nuit
Deux grands yeux ouverts
Et tout m’ a semblé
Comme un champ de blé
Dans cet univers

Un tendre jardin
Dans l’ herbe où soudain
La verveine pousse
Et mon coeur défunt
Renaît au parfum
Qui fait l’ ombre douce

Silence pluvieux…

Silence pluvieux,
J’ai la mer au bord des yeux.
Dans le loin bleu
De mes mémoires salées,
Deux ailes se sont envolées.
Vent d’hier,
Sur les vagues les a posées.
Explose l’écume,
S’envolent perles de brume.
Regarde la mer belle.
Sur la plume de tes mots
A la feuille amarrée,
Mer a chanté,
Mer a soufflé.

Cours, vole, rêve, espère…

Un texte que je pense avoir déjà publié mais que j’illustre autrement…

Quand le monde est si bruyant,
Qu’il couvre même le vent,
Quand les regards sont de travers
Que les yeux se noient dans le triste amer
N’entre pas dans l’arène,
N’aiguise pas tes lames numériques
Fais comme tes pères
Et rêve d’Amérique
Il faut que tu marches jusqu’au bout
Là-bas, si loin
Ou l’île se blottit
Dans les bras de l’océan
Si tu ne peux pas partir,
Tête haute
Marche jusqu’aux souvenirs
Prends le chemin le plus malin
Cours, vole, rêve, espère,
Souris de cet air qui te fouette

Mais ne laisse pas gagner
La fanfare des maudits
Laisse-les s’agiter, vociférer,
Demain tu verras
Ils seront oubliés

Ciels…

Je commence aujourd’hui une petite série de textes mettant en scène des ciels habités…

Regarde petit homme

Il est l’heure d’être heureux

Oh oui je le veux

Regarde petit homme

Prends le temps

Il est si loin

Le long jour où s’abîment

Tous ces souffles de « je »

Ouvre et lève les yeux

Ne t’arrête pas au ciel si bleu

Regarde petit homme

Je suis là tout en haut

Je t’attends empli de beau

Sur les hauteurs d’une mémoire pour deux.

Mémoires…

En suivant la trace floue d’une histoire d’hier
J’ai glissé sur la flaque du doux présent
A tâtons je marche en riant vers le noir heureux
Où brille l’ombre de tes cheveux
Je souffre de l’oubli des ces presque rien
J’attends serein
J’entends chagrin
Un long soupir sec
Il étale en claquant
Des larmes au bleu coupant
Qui abîment en roulant
Les bords mous du chemin des gisants

Sous le choc…

Comme je l’ai déjà indiqué, j’écris beaucoup en ce moment, à l’ancienne, sur un carnet, avec un bon vieux stylo Bic, dont les arêtes abîment mes phalanges. Mais l’écriture est une souffrance. Je le sais. J’écris mais je prends aussi le temps de lire, et je ne résiste pas au besoin de partager sur ce blog le choc que j’ai ressenti en lisant ce roman de Rebecca Lighieri.

Je ne suis pas doué pour les notes de lecture, les critiques de livre, je ne peux simplement vous dire que j’ai été secoué comme rarement. Ce roman est exceptionnel, bouleversant, éblouissant il m’a marqué, et je sens déjà qu’il laissera des traces. A ne rater sous aucun prétexte. Vraiment…