Je vais donc publier, chapitres après chapitres, mon deuxième roman, » Voyage contre la vitre ». C’est ce manuscrit qui fut « repéré » il y a un peu plus de vingt ans, par le directeur littéraire de Grasset, aujourd’hui disparu Yves Berger…

Marc a passé une partie de l’après midi à écouter Armand. Il ne l’a pas interrompu. Armand a besoin de raconter. Il a besoin d’ouvrir la cage. Il faut que les mots s’échappent, ils ne doivent plus pourrir en lui. Ces mots, Marc les saisit et les enferme sur une bande magnétique. Il les laissera reposer quelques jours et les libérera pour une autre existence.
Quand un entretien s’achève, Marc aime rester seul. Il laisse pénétrer ce qu’il vient de subir. Il travaille les paroles, les pétrit, les transforme. Aujourd’hui il ne recevra plus personne. Il doit mettre de l’ordre, se préparer à terminer le voyage. Armand est sorti. Il le verra demain et ce sera fini. Il faudra s’occuper des autres, les nouveaux qui entrent, les anciens qui partiront.
Alors Marc pleure. Sans larmes, parce que le sel pique les yeux. Il pleure en dedans parce qu’il sait qu’il a réussi. Il pleure. Armand va lui manquer.
Cette nuit il rêvera. Cette nuit l’histoire d’Armand entrera en lui, elle croisera d’autres mondes, d’autres souvenirs. Elle croisera cet enfant qu’il avait voulu être.