Voyage contre la vitre, suite…

Cette colonie a été semblable à celles qu’Armand a déjà connu. Armand est un habitué de ces séjours éducatifs. Il est un habitué et s’y est habitué. Comme pour les vacances vertes avec la tante Annette. Ses parents se sont rencontrés en colonie. Ils y ont vécu parmi les plus beaux moments de leur vie… Alors, pour une fois, ils ont décidé d’imposer ce type de vacances à leurs enfants.
Aujourd’hui, Armand leur reproche de vivre sur leurs souvenirs, de s’imaginer que tout sera extraordinaire parce qu’ eux l’ont vécu, parce qu’ eux l’ont voulu.
Il aurait préféré qu’on lui impose franchement plutôt que de le manipuler en lui décrivant un monde qu’il n’a jamais rencontré. Il ne détestait pas ces séjours collectifs mais n’était pas un passionné. Heureusement que cette année il y avait une dominante : une initiation à l’informatique et au réseau Internet. Le prospectus expliquait que les enfants pourraient, en plus des autres activités traditionnelles, se perfectionner dans l’utilisation de ce nouveau moyen de communication. Armand se souvenait du slogan qui l’avait attiré :  » Avec Internet, la super colo devient la cyber colo ». Avec du recul, il se dit que c’était bien un slogan de gentils animateurs dévoués. Juste ce qu’il faut de niaiserie pour bien montrer qu’on ne s’adresse qu’à des enfants. Il se souvient que sa mère n’avait pas été attiré par ce titre accrocheur. Par contre ce qui l’avait facilement convaincue, c’était la référence, quelques lignes plus bas, à la « pédagogie ». Il était expliqué que les enfants bénéficieraient de la même démarche d’apprentissage que celle appliquée dans les stages de formations d’animateurs. Toujours les souvenirs ! Les stages cette fois ci. Ces stages intensifs, où semble t’il, elle connut ses premiers émois amoureux durant les longues veillées où l’on dansait le folk au son de la pédagogie nouvelle. Armand n’eût donc pas besoin d’insister. Sa mère qui souffrait de nostalgie chronique, à la simple évocation de ses premières maladresses amoureuses, accepta tout de suite.
Evidemment, cette colonie était plus coûteuse. Trente pour cent de plus ! Mais c’est normal, il faut que les parents comprennent et acceptent que la qualité pédagogique a un prix…
Et Armand entra dans le cercle fermé des « internautes ». Ce séjour tombait bien. Ses parents avaient décidé de vivre avec leur temps, de s’installer dans la modernité. Ils s’étaient équipés d’un micro ordinateur familial. Ce ne fut pas sans réticence. Marc considérait ce nouvel outil comme l’impitoyable bourreau du papier et des émotions qu’il procure. Il avait fini par céder car il savait ses craintes considérées comme archaïques. Il n’avait pas le droit, pour rester fidèle à ses principes, d’abandonner ses enfants au bord d’une route à regarder passer les autres. Il avait confiance, espérant qu’Armand ne se transformerait pas en un prolongement organique d’une de ces machines électroniques.
Marc était amoureux des mots et s’était inquiété du jargon utilisé pour faire tourner cette planète Internet. En essayant de lire quelques brochures et articles dans la presse spécialisée il avait été surpris des possibilités offertes par ces nouvelles techniques. Mais il fut effrayé par la pauvreté de cet espèce de langage ésotérique. Il voulait bien admettre qu’il était obtus, mais il ne supportait pas ces termes artificiels, tels que web, cybercafé, e mail, modem. Ils lui rappelaient les onomatopées vociférées par les robots des mauvais dessins animés japonais. On ne savait jamais s’il s’agissait de véritables mots ou de sigles prononcés phonétiquement.

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