
Et toujours la mer
La mer belle
La mer aux rides qui ondulent
La mer qui frémit
Et dans tes yeux
Un reste de ce vague bleu

Et toujours la mer
La mer belle
La mer aux rides qui ondulent
La mer qui frémit
Et dans tes yeux
Un reste de ce vague bleu

C’est un matin au souffle court
Sa nuit entière à chercher le rêve bleu
A l’horizon des demains qui se ressemblent
Il respire le reste de nos espoirs

Au bout il y aura la mer
Cette lente espérance
Qui s’étire sans rien dire
Jusqu’à cet autre bout
Où tu attends le souffle frais de mon regard
O mer on te pardonne le bleu emprunté
Dans le presque soir qui apaise
Dans le lointain reflet de tes yeux
J’attrape une vague lueur
Qui chante déjà
Le doux refrain
De nos mains
Qui s’inventent un beau matin…

J’ai gardé un peu de ce silence gêné
Dans le fond de mon tiroir à paroles
J’en disperse en riant quelques pincées
Pour les tristes bavards à la nuque raidie
Leurs mots sont abîmés aplatis
Trop lourds du bruit qu’on leur impose
Les douces ailes de mes chants du matin
Rient en volant de ces rimes de presque rien…

Et nous resterons debout
Dressés
Armés de nos seuls mots
Aux lames émoustillées
Les vents gris de vos haines sans courages
S’épuiseront sur nos brises qui riment
Oh oui je vous le dis
Maniaques du clic sous X
Demain vos mots s’échapperont
Et nous les attraperons
Pour les laver de vos laideurs

Au vent humide et salé des tempêtes d’hier
La mémoire grince et se couvre en silence
De fines couches d’une belle rouille
Mots doux, rires légers, larmes perdues
Visages oubliés des lointaines rives
Tout s’accroche à l’unique anneau des temps aimés
Poussières d’acier de souvenirs effrités
Ne frotte pas
Ne polis pas
Laisse au temps une feuille pour se poser
29 août

J’ai fait le plein de beautés, de bonheurs, d’émotions…
Alors demain je reviens pour partager…

Mon blog se met en pause vacances pendant une quinzaine de jours. J’ai mes carnets avec moi pour faire le plein et vous retrouver début septembre
Bonnes vacances poétiques…

Mémoires de vieilles pierres figées
Odeur d’un vieux lichen fripé
Souvenirs d’un village endormi au creux du frêle été
Pas à pages il faut avancer dans les marges effacées
Je pioche de ci, de là dans ma mémoire, et je trouve parfois des traces, des bouts, des débuts livrés à eux mêmes, en voici un

C’était un soir graisseux, comme tant d’autres. Il était imprégné de cette odeur métallurgique, si prenante, si noble. Non, vous vous trompez, pas une odeur de saleté, pas de ces odeurs aigrelettes qui est la marque de ceux qui respirent par réflexe animal. C’est l’odeur noble du métal qu’on fond, Derrière ses yeux fatigués on sent la force de celui qui vit la matière comme un prolongement de sa douleur. Rien n’est plus beau dans notre mémoire sidérurgique que ces pas lourds ouvriers qui frappent le trottoir aux premières lueurs du jour. Rien n’est plus fort que ces rencontres au détour d’une aube blafarde avec les ceux qui font notre fierté.
Ces quelques mots écrits sur un cahier souvent ouvert à l’envers, je les retrouve ce soir, trente ans après et je souris. Je souris parce que les trottoirs sont propres, parce que les pas lourds ont disparu. J’ai l’impression d’avoir fermé définitivement Germinal…

Un nuage de pluie
Caresse le dos gris
Des mémoires perdues
De mes rires détachés.
J’ai toujours, endormies,
Au fond d’un panier bercé
Trois gouttes dorées
De vieilles histoires d’antan
Qui se roulent en chantant
Dans une flaque de soleils oubliés

Derrière la vitre d’un jour d’ici
J’attrape les gouttes de temps
Temps qui glisse
Temps qui plisse
Le regard est blotti
Entre les bras de fer
Qui s’étirent vers la mer
Sa route est si longue
Son chemin est si loin
Il se souvient
Dans le train qui coule vers le sud
Un presque homme est assoupi
Il rêve seul
Ses compagnons de nuit avalés
Regarde
Il pose le front sur le froid de la vitre
Entends ce qu’il reste d’histoire
Enfoui
Dans les plis d’acier d’une infinie nuit ferroviaire
Tu y trouveras quelques miettes sans frimes
De cette belle mémoire
Qui te souffle ses rimes…
30 juillet

Un vol d’oiseaux fonce sur la vallée
D’une bourrasque du ciel
d’un gros orage lenticulaire
l’escadrille surgit
Il y a un énorme blanc
dessus
dessous
de côté
partout
le blanc de deuil
Des arbres affairés cherchent leurs branches arrachées qui
éclatent
des arbres affolés
des arbres comme des systèmes nerveux ensanglantés
mais pas d’êtres humains dans ce drame
l’homme modeste ne dit pas je suis malheureux
l’homme modeste ne dit pas
nous souffrons
les nôtres
les nôtres meurent
le peuple est sans abri
il dit nos arbres souffrent
Henri Michaux
À distance
Mercure de France, 1996

En bas tout au fond des bavardes vallées
Des hommes commentent le rien
Se gavent de peurs pour s’inventer le pire
Au sommet du mont silence des matins apaisés
J’entends la douce mélodie des espoirs oubliés

Souviens toi me dis-tu
Souviens toi
C’était peut-être hier
Ou bien plus loin
Ailleurs
A l’adresse flou du temps fini
Tu étais seul
Je t’observai
Tout le long de ton chemin
Je t’ai vu
Tu as semé
Treize petits mots
Oh oui si petits
Une syllabe chacun
Parfois deux
Et sans te retourner
Tu es parti
Oh tu sais
Je t’ai suivi
Chaque mot j’ai cueilli
Dans mon sac à demain
Sans rien dire les ai glissés
Et vois-tu mon ami
Prends ce bouquet
Aux rimes fleuris
Il est toi
Je te le donne
Il était temps
Je te le rend

Oubliés les enfants
Enfermés
Dans la chambre grise
Du vieux monde qui se ride
Oubliés les enfants
Aux rires légers
Accusés, condamnés
J’en sais qui tremblent
D’autres qui pleurent
Dans le coin secret
De ce pays masqué
Ou plus un rêve n’ose respirer
Oubliée la jeunesse
Aux ailes rognées
Ils rêvaient de croquer
La première bouchée de cette pomme de vie
Et la peur est là
Elle les montre du doigt
Revenez
O mes oubliés
Ouvrez grand les portes
Entrez, chantez, riez,
Respirez
Inspirez nous
Emplissez le vide de nos mémoires d’enfant
Qu’un vent mauvais a balayé
8 juillet
Premier texte sur le thème de la mémoire, déjà publié, comme la plupart qui suivront…

Ici, un bout de ce monde habité,
Terre déchiquetée,
Vagues emmêlées,
Hommes de l’intérieur
Retournez vous !
A l’ouest de vos mémoires encombrées,
Il y a le vent.
Vent qui souffle sur vos nuques.
Vent qui s’engouffre
Derrière vos yeux étonnés.
Avancez encore un peu,
Tendez votre oreille
Entendez son chant,
Il vous murmure
Toutes ces histoires oubliées
30 octobre

J’ai désormais un peu de temps, tout au moins un peu plus de temps à consacrer à mes écrits. Je veux mettre de l’ordre, repenser les catégories, envisager la constitution de recueils. Je vais commencer à vous proposer sur mon blog de découvrir ou redécouvrit ( pour les fidèles…) la republication de textes. Plusieurs thèmes se détachent nettement, ceux de la mémoire, des traces avant tout, la mer bien sûr, le ciel, les ciels, les sensations matinales etc…
Je vais débuter aujourd’hui ce travail de longue haleine. Et si le cœur vous en dit n’hésitez pas à commenter, me faire des suggestions, pourquoi « classer ».
En vous remerciant

Dans ma mémoire de papier,
Feuille blanche pleure,
Larmes de mots gris.
J’entends la tempête à l’intérieur,
Le vent coule dans mes veines.
Dans mon ordre intérieur,
Pas une ligne droite, pas un battement de cil,
Dans le désordre de mon cœur
Des sourires aux courbes bleues
Des mains qui se posent,
Les doigts qui s’effleurent,
Dans la bouillie de mes rêves Tout est joie qui se pose.

Il reste des miettes de nuit
A la table des croqueurs du levant
Le regard se plisse
Les ombres froissées glissent
Il est l’heure du regard brillant

Il voyageait parce qu’un chemin d’impatience
Lui grattait la mémoire
Aux vues de la crasse géographique
Pour empailler le regard officiel
Des touristes canonisés
Il aimait une de celles
Que les autres haïssaient
Parce qu’elle ne ressemblait
A personne
Sinon à l’ombre qui s’accrochait à elle
Comme sa misère
Il aimait sans définitions
Il aimait sans projets
Il aimait
Et c’était vrai
Et tant pis pour les ceux qui restaient
A attendre qu’il craque
Et il haïssait les égoutiers de l’amour
Il voulait oublier les romantiques d’imitation
Anachroniques
Il était de ceux qui découvrait
Il était de ceux qui attendaient…
Un jour il m’a semblé plus vieux que jamais
Deux béquilles lui tenaient la main
Il ne rencontrait plus personne…

Il traversait les rues
Comme on entonne un cantique
De travers
Et ça les faisait rire
Il avait choisi de ne pas se déguiser
Et les autres le sifflaient
Manequin
Il nourrissait son désespoir
A grands coups de musique qui crient
Qu’elles ont peur de ne pas être entendues
Il avait rencontré des gens
D’un jour
Qui lui promettaient la gratuité
Des regards
Et qui se firent bagnards
Dans les supermarchés
Où sont empilées des plaques d’hypocrisie
Pour isoler leurs murs de solitude
Egoïstes
Il parlait des autres comme je parle de toi
Avec des mots lames de rasoir
Qui tranchaient la peur
Des ceux qui subsistent
Dans les ombres des encapés
Du verbe
Il lançait des signes
A ceux qui attendaient
Comme lui
Le quelque chose qui aura toujours
Un retard d’habitude
Il ne voyageait pas pour
S’encylopédiser
Il était trop triste
Pour apprendre le faux
Qui enrichit
Les amputés du verbe
Il voyageait parce qu’un chemin d’impatience
Lui grattait la mémoire

…Et on t’a dit que les morts étaient tranquilles
Et toi t’as vu qu’ils pleuraient
Et toi t’as dit
Il n’y a plus rien à rater
Tous les murs sont debout
On t’a dit de ne plus regarder
Que les silhouettes de similitude
Et toi tu as scié des arbres de vérité
On t’a dit de ne plus regarder les autres
Et toi tu l’as rencontré
Il avait le ciel au niveau du front
Des yeux lui servaient de nuages
Pour barrer la route à la lumière
Atomique
Qui dispersait la poussière
De son reste d’apparence
Ses mains lui pendaient aux bras
Comme deux points d’interrogation
Il avait enveloppé sa tristesse dans un drap de dégoût
Et les autres lui vomissaient de la mauvaise haine
Qui les avaient attachés dans l’antiquité de leurs regards
Paroissiaux
Il était habillé de l’indifférence similitude
Qui le faisait ressembler
A ceux qui passent leur route pour n’y plus revenir
Sa barbe datait de la dernière guerre
Celle qui n’avait pas eu lieu
Parce qu’il l’avait rêvée
Le jour où tous parlaient de paix
Il avait voulu se faire baptiser
Par les enfants de la rue aux rats niés
Qui s’en foutaient
De leurs pères et de ceux des autres
Parce qu’ils n’en avaient qu’un
La misère qui ne les guidait même plus
Et il est devenu le fou du village
L’amazonien du caniveau

…Ceux qui rêvaient
Dans l’ailleurs d’un autre pays…
Déjà une vague de désespoir
Toujours une marée de misère
Neige éternelle
Calaminée par le crachat d’une ville tuberculeuse
Où s’ennuient par milliers
Par grappes d’angoissés
Des vendeurs d’horizons
Au rabais
A l’étalage de leur mort
Grappe d’avenirs
Ils se comptent par solitude
Déjà…
On sent le regard d’une foule
Qui se meurtrit de bizarreries
Regards placardés
Sur les singes aux bouquins
Cacahuètes culturelles
Cage de mots
D’où on entend toujours une musique
Qui vrillerait le souffle
Des bouffeurs de chrono
Tout vacille
Quille…
Ton camarade suivant est mort
D’avoir été trop jeune
Pour savoir qu’il fallait vivre
Un pied devant l’autre
Qui suit
Indifférent
Et on t’a dit de regarder ta route
Qui mène tout droit
Où elle est toujours allée
Comme les autres
Et toi t’as vu
Et toi tu savais
Alors t’as trouvé
Encore…
Un autre de mes textes, très long aussi, écrit en 1980 que je publie en quatre ou cinq parties….

Je l’aurai rencontré un jour de mensonge
Un jour comme tant d’autres
Je l’aurai rencontré le jour où l’on pouvait partir
Pour d’autres villes
Je l’aurai rencontré dans ce port sans bateau
Dans ce port sans eau
Dans ce trop long canal où coulent des compromis
Pour rêver
Rêver
Où l’on traîne le regard
Avec une liasse de souvenirs identiques
Avec une liasse de remords
A imprimer
Avec l’énergie du cafard
Enjoliveur de mode
Pour les mélancoliques du soir sans muses…
Déjà des caves aux fenêtres de l’ombre
Enfumées
Vident leurs morts
Vivent leur mort
Banale
Hivernale
Pleins à craquer des affreux qui comptent
Sur leurs doigts seringues
Les intervalles de leurs soupirs
Mécaniques
Pour minuter
Leur éternel motif d’impatience
Pour le trop bref retour de ceux qu’ils rêvaient…
Mars 1980

Un instant
Un instant seulement
On se dit que tout ira bien
Les couleurs existent
Éternelles pied de nez
A l’escroquerie numérique
Le vent souffle en riant
Sur des nuages chatouilleux
Un instant
Un instant seulement
On respire en souriant

Avant que ne s’entendent les victoires écorchées
Avant que ne meurent les discours du hasard
Toi t’entends déjà
Les pas de la ville
Qui résonnent aux fenêtres
Des fils sans drapeaux
Le pas fasciste de la ville
Le pas creux de ceux qui t’étouffent
En vainqueur
Alors t’as peur
T’as peur parce-qu’on t’a dit
Que tu étais foutu
T’as peur et pourtant tu disais que tu voulais pas finir
Ainsi
Comme les autres
Ceux qui sont en bas
Et toi tu dis que ça ne recommencera pas
Qu’on y reviendra
Mais ils t’ont bouffé ton présent
Alors n’y crois plus
Parce que les autres ont réussi
T’étais tant sûr de toi
Quand tu leur disais qu’ils avaient tort
Mais toi tu travaillais sans filet
Et les autres ils sont en bas
Ils attendent que tu te casses la gueule
Déjà tu commences à te lamenter
Dans le musée de ton angoisse
Aïeul de ton soupir de haine
Tes yeux ne sont plus des fenêtres
Ils sont déjà des barreaux sanglants
Sur des fentes qui se ferment
Tes mains ne sont plus des amies pour celles des autres
Ce sont déjà des armes pour ceux qu’ont les bottes
Tu sens déjà ta bouche pourrir
A s’attarder sur leurs mots de pierre
Que leur construisent des temples d’enfer…
Avant que ne meurent les victoires écorchées
Avant que ne s’entendent les discours du hasard
Tu regardes
Pour savoir
Pour l’espoir
Dans la foule pas un qui ne bouge
Pas un qui ne songe à remuer son poids de graisse
Alphabétique
Pas un qui n’oublie son anonymat
Pas un qui n’épèle son nom
Pas un pour croire qu’il y autre chose
Au dessus d’eux
Pas un qui n’ait un visage qui se reconnaît
Parce que tous attendent le lendemain
Qui suivra leur journée d’adoption
Qui passe en les tuant
Par paquets de minutes
Qu’ils ont volés à la pendule de ceux qui veulent pas
Mais qui sont morts
Pour l’instant ils ne marchent pas
Ils avancent
Mécaniques amnésiques
D’un mot qui revient
Sur toutes les lèvres pincées
Des ceux qu’on dit gagnants
Alors toi t’as plus que tes amis
Derrière d’autres fenêtres
Alors tu te dis que les leurs vont s’ouvrir
Et t’entends déjà le frémissement d’une autre foule
La foule aux visages ouverts
Alors tu joues une dernière fois à perdre l’espoir
Pour accroître ta haine
Pour que ton amour pousse
Au rythme des humains
Tu t’en fous que les fusils
Soient les croix des cimetières
Parce que toi tu veux te mettre à la fenêtre
Sans avoir la face éclaboussée
Par une flaque de calamité
Parce que toi tu veux revenir de ton voyage
Avec pour tout bagage
Le seul mot que tu auras rencontré
Parce que toi tu veux voir ce que tu as choisi
Voir deux amis se rencontrer
Voir deux années se raconter
Voir ou les hommes pleurent de joie
Voir où les enfants rient
D’avoir trop pleuré
Ailleurs
Voir les chefs mourir
Voir la beauté sans miroir
Voir des sourires sans bénéfices
Voir
Tout voir
Te voir
Novembre 1979

Avant que ne s’entendent les victoires écorchées
Avant que ne meurent les discours du hasard
Tu devrais réapprendre le regard
Qui fait avouer le vrai
Pour partir loin d’ici
Dans un rêve qui ne finit jamais
Partir sans visage
Amnésique
Voyager dans le creux de la vague
Que forment les désespoirs
De ceux qui restent
Parce qu’ils veulent pas
Voyager sur le trottoir d’en face
Où l’histoire s’est faite avec ces foutus
Que t’as failli rencontrer
Tu devrais voyager avec ceux que les autres oublient
Parce qu’ils sont habillés de refus
Tu devrais connaître le paysage de leur mort
Le labyrinthe de leur vie
Pour qu’eux aussi ils sachent
Que t’as peur
Que t’as peur quand t’es suivi
Par ceux qui fusillent
Les habitués de l’ombre de l’histoire
Mais il est trop tard
Avant que ne s’entendent les victoires écorchées
Avant que ne meurent les discours du hasard
Toi t’entends déjà
Les pas de la ville
Qui résonnent aux fenêtres
Des fils sans drapeaux
Le pas fasciste de la ville
Le pas creux de ceux qui t’étouffent
En vainqueur
Alors t’as peur
T’as peur parce qu’on t’a dit
Que t’étais foutu
T’as peur et pourtant tu disais que tu voulais pas finir
Ainsi
Comme les autres
Ceux qui sont en bas
Et toi tu te dis que ça ne recommencera pas
Qu’on y reviendra
Mais ils t’ont bouffé ton présent
Alors n’y crois plus
Parce que les autres ont réussi
T’étais tant sûr de toi
Quand tu leur disais qu’ils avaient tort
Mais toi tu travaillais sans filet
Et les autres ils sont en bas
Ils attendent que tu te casses la gueule
Déjà tu commences à te lamenter
Dans le musée de ton angoisse
Aïeul de ton soupir de haine
Tes yeux ne sont plus des fenêtres
Ils sont déjà des barreaux sanglants
Sur des fentes qui se ferment

Avant que ne s’entendent les victoires écorchées
Avant que ne meurent les discours du hasard
Tu te dis que ça fait déjà longtemps
Que tu ne sais plus lui parler
T’as fini par croire que tu t’étais trompé
T’as fini par vouloir accepter
Que c’était un jeu perdu d’avance pour toi
Et puis t’as reculé
T’as refusé d’y croire
T’as recommencé
Et on dirait que t’as plus peur
Et déjà t’attends
T’attends la proclamation d’une mort générale
Pour ceux qui obéissent
Et qui disent qu’ils sont seuls
T’écoutes la plainte du nombre
De ceux qui pourrissent de honte
Parce qu’ils ont perdu la force d’aimer
Et de recommencer
Avant que ne s’entendent les victoires écorchées
Avant que ne meurent les discours du hasard
T’aurais voulu te raconter
Parce que t’as entendu dire
Que quelqu’un finirait par parler
De ceux que tu détestais
T’aurais voulu leur parler
Pour leur dire qu’ils existent
Pour leur dire qu’ils subsistent
T’aurais voulu la mort
Qui tuera les blessures de ta croûte sénile
Parce qu’à force de vouloir t’éviter
Tu finiras par te condamner
Au repos ahurissant
Des travaux forcés
Du bagne de la ville qui étouffe
Les ceux qu’on dit poète

Avant que ne s’entendent les victoires écorchées
Avant que ne meurent les discours du hasard…
Tu pourrais écrire des tragédies larmoyantes
Symptômes de vie
Paresseux mensonges d’une fausse mélancolie
Tu te portes au secours d’une angoisse
Qui s’agglutine
Par plaques de paumés
Sur les regards de ceux qui naviguent
Sans tickets
Tu devrais partir sans clefs
Pour nulle part
Et pour que si tu te perds
Tu saches où aller
Tu devrais être l’instant présent
Et qui passe plus vite qu’on l’oublie
Tu devrais écrire un poème
Où la rime qui s’entend
Est un baiser qu’on espère
Tu devrais oublier les autres
Parce qu’ils ont leur ombre
Parce que tu as la tienne
On t’a dit que tu étais né
Comme les autres
Et toi tu joues au différent
Parce que tu sais que tu n’es rien
Parce que tu connais la mort
Tu l’as découverte
En l’église des paumés de l’angoisse
Où l’on ne prie pas
Mais où l’on crie qu’on a peur
Dans ce bal costumé qui n’en finit jamais
Il faut que tu assistes à la messe
Des ceux qui sont condamnés à attendre le verbe
Pour soupçonner le vrai
Ils te rajeuniront de ceux que tu ignores
Parce qu’ils savent eux aussi
Que tu les as trouvés

Avant que ne s’entendent les victoires écorchées
Avant que ne meurent les discours du hasard
Sois sûr que t’as aimé
Pour que le jour où tu animeras ton absence
Les suicidés de l’ennui
N’oublient pas que tu étais avec eux..
…Apprends à attendre
L’heure qui passe et qui suit l’autre
Sans lui ressembler
Parce qu’elle est encore plus leste
Je crois que t’as peur de finir comme les autres
Tu voudrais tant que deux plus deux
Puissent s’étonner
Tu voudrais que les indifférents brûlent
Chaque fois que tu prononces le mot
Aimer
Tu voudrais dire à ceux qui partent
Que de toute façon ils ne renoncent à rien
Parce qu’ils rencontreront des gens là-bas
Qui veulent partir ailleurs
Pour ne pas mourir d’une overdose de solitude
Tu voudrais prendre le train
Qui va vers une gare où la pendule
Est sans aiguilles
Parce que le chef de gare est souriant

Avant que ne s’entendent les victoires écorchées
Avant que ne meurent les discours du hasard
Sois sûr que t’as aimé
Pour que le jour où tu animeras ton absence
Les suicidés de l’ennui
N’oublient pas que tu étais avec eux..
…Apprends à attendre
L’heure qui passe et qui suit l’autre
Sans lui ressembler
Parce qu’elle est encore plus leste
Je crois que t’as peur de finir comme les autres
Tu voudrais tant que deux plus deux
Puissent s’étonner
Tu voudrais que les indifférents brûlent
Chaque fois que tu prononces le mot
Aimer
Tu voudrais dire à ceux qui partent
Que de toute façon ils ne renoncent à rien
Parce qu’ils rencontreront des gens là-bas
Qui veulent partir ailleurs
Pour ne pas mourir d’une overdose de solitude
Tu voudrais prendre le train
Qui va vers une gare où la pendule
Est sans aiguilles
Parce que le chef de gare est souriant

Avant que ne s’entendent les victoires écorchées
Avant que ne meurent les discours du hasard
Tu t’inventes une bouche
Fleur pleine
D’assoiffés aux peurs qui survivent…
…Tu te surprends
Pleurant l’attente
Du troubadour jouant le désir
Sans aumône
T’entends déjà le fourmillement d’une foule
Qui arrive par paquets de bottes
Tu te soulignes à grands traits de rencontres
Avec des fossoyeurs d’esprit littéraire
Alors tu crois oublier les bottes
Parce qu’elles sont derrière la porte
De celui qui t’ouvre les yeux
Un très long texte déjà publié, écrit en 1979, je vous le propose en plusieurs parties tout au long de cette journée…

Avant que ne s’entendent les victoires écorchées,
Avant que ne meurent les discours du hasard,
Tu t’inocules dans les veines un poison qui n’existe pas
Sinon pour ceux qui peuvent en souffrir.
Tu vois des chefs piétinant des pelouses d’enfants
Avec un artiste à leur trousse,
Pour que leurs morts s’ajoutent.
Tu insultes la silhouette d’un muscle
D’institutions barbelées
Qui sert d’ombre à des gladiateurs de cirques kakis.
T’ajoutes ta larme à celle du clown au chômage.
Tu espères toujours la parole à ceux qui ont peur,
Parce qu’elle les trompe,
De sourires en sourires,
Passés à boucher des trous d’obscurité.
A grands coups d’épithètes vainqueurs des armateurs du silence
T’as vendu ta folie à un colporteur de passage
Qui soufflait des mensonges
Il ne te reste plus que ta citoyenneté ombilicale
Pour motif de mort
A force de vouloir subsister tu t’es pendu
Avec une corde de similitude
T’as pris au piège de ton histoire un mot de ton invention
Et il est devenu compagnon d’une dernière passion qui te dispersera.

Et maintenant
Maintenant tu réévalues ta dose de présent
A la bourse du verbe aimer
Et tu te sens mieux
T’avais peur que le désespoir
Rattrape la réalité qui te minait
Et en face d’elle
T’as brisé le cercueil
Tes deux bras te servaient d’alibi
Pour te tenir sur le fil de honte
Qui surplombait le désespoir
Venu d’en bas
Et maintenant
Tes deux bras lui servent
De parenthèses
T’avais mal dedans le corps
Tant le hasard t’avait fait crier
Tant le hasard t’avait fait vaincu
Et maintenant
Tu passes
Seul avec celle qui te regarde
Et t’as dévalisé la consigne
Et tu tires sur tes lèvres
Comme l’intoxiqué tire sur sa clope
T’avales le vrai et tu vomis ta peur
T’avais un trou dans la tête
Qui guettait la sortie de ta folie
Pour lui passer des menottes de rêve
Et maintenant le temps qui te pue
Est un éternel motif d’impatience
Pour celle dont tu rêves
Angoissé dans les murs de ton bar
D’artiste sans symétrie
Et il te faut trouver
Un dictionnaire
De mots nouveaux
Promesses de vocabulaire
A grammairiser
Pour les joies que tu lui inventeras
Il te fallait tant de choses
Pour être sûr
Dans ton royaume de deux
Que maintenant tu t’en fous
Tu poétises
Et tu sais que ça transpire
Peut-être l’indifférence d’habitude
Mais cela ne fait rien tu continues
Et ce soir t’as encore envie d’écrire
Parce que ça fait un jour de plus
Et t’as une boule dans la tête
Une boule odeur de lassitude
Qui explose à chaque sourire
Qu’elle enterre en toi
Chaque fois qu’elle commence
Le « il était une fois »
De ma soif d’impatience
Avec une corde au cou, au mois elle m’a remarqué
Dans cette foule de pendus
Qui rêvent d’évasion
En se remarquant
Identique
Et t’as mal dans la tête
Quand elle t’observe
T’as mal dans sa peur
Qui vibre d’incertitude
T’as mal dans sa peau qui fait
Pleurer un violoniste
Et quand tu la serres contre toi
Tu hais encore plus
Les silhouettes bureaucratisées
Qui sentent déjà le dossier
Qui n’est pas fini
Ou qu’on va jeter….

Ce soir t’as envie d’écrire
Ce soir t’es encore plus près d’elle
Parce que cela fait un jour de plus
Parce que cela fait un jour de
Mieux
Alors tu souris
A ces murs si nus
Qui te racontent
L’histoire de ce reflet
Dont l’insuffisance suinte
Ce regard que tu connais
C’était une semaine qui comme
Toutes les autres
Sentait la potence
Mais le nœud ne coulait plus
Il s’était ouvert
Et toi tu fermais les yeux
C’était une semaine
Qui comme toutes les autres
Transpirait l’ennui
Entre les rires d’enfants
Trop rares
Mais que tu supposais déjà
Sur ses lèvres en fête
C’était une semaine
Dure
Dans ton journal de désespoir
Il ne te restait plus d’aventures
Antidotes
A tous leurs regards accrochés
Au porte manteau de leur haine
Et toi tu les voyais
Tu voyais une tâche de pleurs
Sur une bouche gardée
Un œil mouillé de souvenirs
Qui s’en iront
Une voix qui a peur des mots
Des mots qui cherchent l’horizon du mal
Et ne le trouvent pas
Un regard qui attend
Plutôt qu’il ne voit
Et toi qui observe
L’espoir en bandouillère

Sur une ronde palette de couleurs oubliées
Qu’un gris hiver sans joie ni fin a endormi
J’ai trouvé une goutte bleue d’été au rire joli
Au bord de l’eau d’un vert voilé
J’ai tissé le lent demain du si bel été

Aux angles flous du soir tombant
La trace d’un sourire sur les lointaines crêtes
Il pose sa fraîche caresse
Sur les regards brûlés par le gris monde plat
Des écrans qui étouffent le rêve
Un instant
Un instant seulement
Aime cette fleur éphémère
1 août