
Au lendemain de l’orage les médecins ont examiné Jules et Lisa. Les mères ont tout ignoré. On n’a jamais su ce qui s’était passé dans les deux couveuses. Peut-être une décharge électrique d’une intensité exceptionnelle. Quelque chose qui brûle et laisse des traces. Comme un coup de foudre
Jules est comme une batterie qu’on aurait trop chargée. Quand le docteur a posé le stéthoscope sur la poitrine nue du nouveau né, ça a fait comme une secousse.
Lisa ne parvient pas à s’éveiller, on dirait qu’elle est plongée dans un coma pour les touts petits, un coma pour prématuré. Lisa a comme un sourire aux lèvres.
Dans les journaux, on a parlé de l’orage comme d’un phénomène très rare mais somme toute scientifiquement explicable. Dans son article le journaliste prétend que ce genre d’intempéries n’est pas rare dans les régions polaires. On parle alors d’orage magnétique et tout se dérègle les objets comme les vivants. Il dit aussi de l’orage qu’il s’agit d’une des manifestations des forces naturelles des plus mystérieuses et des plus inquiétantes.
Tout a été vite oublié par les autres. Jules et Lisa ont grandi. Ils ont grandi loin l’un de l’autre, mais n’ont pas oublié. Chaque nuit au moment de s’endormir, il y a comme un écho, l’écho de l’orage qui les poursuit.
Ils ne se sont jamais retrouvés, la ville n’est pas grande pourtant. Chaque nuit au moment de s’endormir, Lisa appelle Jules et Jules ne l’entend pas. Il n’entend pas cette voix qui ne prononce aucun des mots que tous connaissent, elle l’appelle dans un cri intérieur, un cri qui dit qu’elle est seule et qu’elle a mal, si mal. Chaque nuit Jules s’endort avec le même rêve, un rêve qu’il ne peut jamais raconter, comme si en parler avec des mots, le transformerait, l’éliminerait. Jules se tait, définitivement, il attend, il attend de poursuivre le chemin que lui indique ce rêve.