
Ce matin, une fois encore, j’ai une furieuse envie de bonnes nouvelles. Je dirai même qu’une seule me suffirait. Par réflexe, ou dans un sursaut d’espoir j’ouvre ma boîte aux lettres. Elle est presque vide… Je dis presque, en effet, parce que perdu tout au fond, plié en quatre, un simple papier. Ce n’est même pas un prospectus, non une simple feuille arrachée à un cahier à spirales. Curieux, je la déplie.
En gros caractères manuscrits, voici ce que je lis :
Aujourd’hui sur la place du village entre 10 h 00 et 13 h 00 ouverture d’une boutique éphémère ! Tristes, déprimés, pessimistes, venez à nous, nous vous rendrons le sourire !
Curieux vraiment. Une boutique éphémère, ici dans mon village…Je ne sais pas encore si c’est une bonne nouvelle, mais ça au moins le mérite d’être un peu « excitant » …
Evidemment à dix heures sonnantes et trébuchantes je suis sur la place. En guise de boutique éphémère je reconnais le stand de l’autre jour, celui derrière lequel toujours aussi pétillant trône le petit homme sans âge au regard bleu vif. Je suis seul et tranquille : j’entame la conversation.
- Vous n’avez toujours rien à vendre ?
- Rien à vendre, ça n’a pas changé, mais cependant j’ai beaucoup de choses à donner.
- Par exemple ?
- Tout dépend de ce que vous voudriez ?
- Vous le savez, je ne veux qu’une chose, c’est que vous me donniez une bonne nouvelle.
- Je dois avoir cela mais il faut d’abord que vous me fassiez une promesse.
- ?
- Oui si je vous donne une bonne nouvelle, je veux absolument que vous la gardiez pour vous, pour vous seul. Ne la partagez pas !
- Mais si je ne la partage pas ce ne sera plus une bonne nouvelle, car je serai le seul à la connaître.
- C’est justement cela que je veux, car si vous en parlez, elle sera commentée, discutée, amendée, mise en doute et de bonne nouvelle cela deviendra une source de conflits. Et ça c’est toujours une mauvais nouvelle.
- Bien je promets !
- Approchez, je vais la dire dans le creux de votre oreille.
Je m’approche, tendant l’oreille au plus près du visage du petit homme. - Fermez les yeux !
Je ferme les yeux. Il chuchote. - La seule bonne nouvelle que je veux vous donner c’est que demain le monde ira mieux parce qu’il reste encore des femmes et des hommes comme vous qui déplient des feuilles de papier et qui les lisent avec la main qui tremble et de la lumière dans les yeux…