Ton ombre est là, sur ma
table
Et je ne saurais te dire comment
Le soleil factice des lampes s’en arrange
Je sais que tu es là et que tu
Ne m’as jamais quitté, jamais
Je t’ai dans moi, au profond
Dans le sang, et tu cours dans mes veines
Tu passes dans mon cœur et tu
Te purifies dans mes poumons
Je t’ai, je te bois, je te vis
Je t’envulve et c’est bien
Je t’apporte ce soir mon enfant de
longtemps
Celui que je me suis fait, tout seul
Qui me ressemble, qui te ressemble
Qui sort de ton ventre
De ton ventre qui est dans ma tête
Je ne vous connais pas encore. La misère vous lace les souliers, elle est gentille. Lorsque je l’insultais, je le faisais en italien : « PORCA MISERIA ». Je me sentais riche phonétiquement. Le confort dans l’injure, c’est le commencement de la Sagesse et de l’indépendance. Soyez orgueilleux. L’orgueil, c’est la cravate des marginaux. Soyez dans la marge mais, je vous en prie, ne perdez jamais de vue les TEXTES … Il vous regarde, le TEXTE, il attend le premier jour de la chasse et, tranquillisez-vous, vous serez bien en vue, la vedette… Alors, de quoi vous plaignez-vous ? Vous serez l’ennemi numéro 1… Il y en a tellement après… Tellement qui prendraient bien votre place, avec le risque… Ils meurent de n’être pas le Risque… Il vaut mieux mourir le premier. C’est ça, la mathématique sidérale : FIRST. Ne soyez pas lucide, cela vous encombrerait. Les comptables ne se pendent jamais au cou d’un cheval que l’on bat et que l’on tue. Les comptables tuent. Quand ils ne tuent pas, ils vivent dans les comptes. Laissez donc la lucidité aux entrepreneurs de travaux artistiques. Et n’oubliez jamais que vous êtes une denrée. Mais ne prenez jamais de conseil de personne. JAMAIS.
Un court extrait de cet extraordinaire texte » Eh Basta », quand je le lis, quand je l’écoute, je frissonne…
La mémoire et la mer…
Ton corps est comme un vase clos J’y pressens parfois une jarre Comme engloutie au fond des eaux Et qui attend des nageurs rares Tes bijoux, ton blé, ton vouloir Le plan de tes folles prairies Mes chevaux qui viennent te voir Au fond des mers quand tu les pries Mon organe qui fait ta voix Mon pardessus sur ta bronchite Mon alphabet pour que tu croies Que je suis là quand tu me quittes
La mémoire et la mer…
Cette mer cavaleuse, propre, cynique… Ce toit tranquille, comme disait l’autre… Ce drame mouvant comme un outrage de la nature, quand j’y plonge, de mémoire, je m’y perds, et moi, et mon courage, et ma passion, et ma musique
Le vent, y aidant, n’a qu’à bien se tenir. Il se prosterne, ce vent filou des bises, des frilures…
Un court extrait de cet extraordinaire texte » Eh Basta », quand je le lis, quand je l’écoute, je frissonne…
La mémoire et la mer…
Ton corps est comme un vase clos J’y pressens parfois une jarre Comme engloutie au fond des eaux Et qui attend des nageurs rares Tes bijoux, ton blé, ton vouloir Le plan de tes folles prairies Mes chevaux qui viennent te voir Au fond des mers quand tu les pries Mon organe qui fait ta voix Mon pardessus sur ta bronchite Mon alphabet pour que tu croies Que je suis là quand tu me quittes
La mémoire et la mer…
Cette mer cavaleuse, propre, cynique… Ce toit tranquille, comme disait l’autre… Ce drame mouvant comme un outrage de la nature, quand j’y plonge, de mémoire, je m’y perds, et moi, et mon courage, et ma passion, et ma musique
Le vent, y aidant, n’a qu’à bien se tenir. Il se prosterne, ce vent filou des bises, des frilures…
Je ne vous connais pas encore. La misère vous lace les souliers, elle est gentille. Lorsque je l’insultais, je le faisais en italien : « PORCA MISERIA ». Je me sentais riche phonétiquement. Le confort dans l’injure, c’est le commencement de la Sagesse et de l’indépendance. Soyez orgueilleux. L’orgueil, c’est la cravate des marginaux. Soyez dans la marge mais, je vous en prie, ne perdez jamais de vue les TEXTES … Il vous regarde, le TEXTE, il attend le premier jour de la chasse et, tranquillisez-vous, vous serez bien en vue, la vedette… Alors, de quoi vous plaignez-vous ? Vous serez l’ennemi numéro 1… Il y en a tellement après… Tellement qui prendraient bien votre place, avec le risque… Ils meurent de n’être pas le Risque… Il vaut mieux mourir le premier. C’est ça, la mathématique sidérale : FIRST. Ne soyez pas lucide, cela vous encombrerait. Les comptables ne se pendent jamais au cou d’un cheval que l’on bat et que l’on tue. Les comptables tuent. Quand ils ne tuent pas, ils vivent dans les comptes. Laissez donc la lucidité aux entrepreneurs de travaux artistiques. Et n’oubliez jamais que vous êtes une denrée. Mais ne prenez jamais de conseil de personne. JAMAIS.
Au premier hibou de service, à Orly, je me tire, c’est sûr. Je n’ai pas le temps de vous expliquer pourquoi, mais c’est ainsi. Moi, les oiseaux de nuit, je les mets à mon heure, les fuseaux horaires, je m’en arrange. Sur mon hibou 747 je pars en vacances, et mes vacances c’est Demain. Demain, c’est la mort aux lèvres et le sourire de la Joconde rentrée dans le poing de Vinci. Demain c’est la seule idée valide que je vous concède. Vos constitutions, vos morales, votre café au lait du matin, vos chemises échancrées qui plissent sur le pressing, le premier à gauche, dans votre quartier, tout ce qui vous muselle, tout ce que vous adorez, tout ce qui est votre mort quotidienne, tout cela, pour moi, c’est terminé. Sur les lacs, des chevaux mangent des fleurs fanées, et leurs photos ses reflétant dans les eaux tristes leur reviennent à leurs museaux tout embrumés. Demande-donc une douzaine de chevaux à ton fleuriste. Demain ? Un mot, un fauteuil désossé, une chanson parlée d’une voix mesurée au métronome des grands vents du nord battant sur la chaussée d’une ville perdue, une fille extasiée dans un coin de porte et se signant à l’approche du voleur de filles, une lettre postée trop tôt et que le collecteur du courrier à Paris, à 17 h 30, ne voudra pas te rendre parce qu’il ne te connaît pas, le tube d’aspirine que tu manges en te grattant la tête et en cherchant de côté un regard fraternel, cette bouteille d’eau minérale qui ne vient même pas de la terre, cette auto qui dérape et qui engorge l’autoroute. Demain ? Au premier hibou de service, à Orly, je me tire, je deviens moins un. Rien. Je suis Rien. Le mec que tu regardes, ce soir, sur la scène, ce mec aux cheveux blancs, avec sa tête qui ressemble à un trapèze, n’est pas là. Les chansons qu’il chante, tout ce qui t’arrive dans les yeux et les oreilles, tout cela a été fait, dit, et redit depuis longtemps. Le mec que tu regardes, c’est de l’illusion. Demain, c’est la mort figurée. On vous la vend, cette mort figurée on vous vend cet artiste pâli sous des projecteurs réglés, soumis. On vous vend par petits paquets, par petits fauteuils, à des prix acceptables, un artiste qui s’est vendu pour un prix accepté. L’argent c’est le sourire du désespoir. Demain ,c’est aussi le désespoir. Alors, Demain tu seras riche, mon camarade. Car ce que je te donne n’a pas de prix. Accepte-moi comme je t’accepte. Demain, je t’aime.
Un extrait, maintes fois lu et relu de la préface à « poètes vos papiers ». Je ne m’en lasse pas
La poésie est une clameur, elle doit être entendue comme la musique. Toute poésie destinée à n’être que lue et enfermée dans sa typographie n’est pas finie ; elle ne prend son sexe qu’avec la corde vocale tout comme le violon prend le sien avec l’archet qui le touche. Il faut que l’œil écoute le chant de l’imprimerie, il faut qu’il en soit de la poésie lue comme de la lecture des sous-titres sur une bande filmée : le vers écrit ne doit être que la version originale d’une photographie, d’un tableau, d’une sculpture. Dès que le vers est libre, l’œil est égaré, il ne lit plus qu’à plat ; le relief est absent comme est absente la musique. « Enfin Malherbe vint… » et Boileau avec lui… et toutes les écoles, et toutes les communautés, et tous les phalanstères de l’imbécillité ! L’embrigadement est un signe des temps, de notre temps. Les hommes qui pensent en rond ont les idées courbes. Les sociétés littéraires sont encore la Société. La pensée mise en commun est une pensée commune. Du jour où l’abstraction, voire l’arbitraire, a remplacé la sensibilité, de ce jour-là date, non pas la décadence qui est encore de l’amour, mais la faillite de l’Art. Les poètes, exsangues, n’ont plus que du papier chiffon, les musiciens que des portées vides ou dodécaphoniques – ce qui revient au même, les peintres du fusain à bille. L’art abstrait est une ordure magique où viennent picorer les amateurs de salons louches qui ne reconnaîtront jamais Van Gogh dans la rue… Car enfin, le divin Mozart n’est divin qu’en ce bicentenaire ! Mozart est mort seul, accompagné à la fosse commune par un chien et des fantômes. Qu’importe ! Aujourd’hui le catalogue Koechel est devenu le Bottin de tout musicologue qui a fait au moins une fois le voyage à Salzbourg ! L’art est anonyme et n’aspire qu’à se dépouiller de ses contacts charnels. L’art n’est pas un bureau d’anthropométrie. Les tables des matières ne s’embarrassent jamais de fiches signalétiques… On sait que Renoir avait les doigts crochus de rhumatismes, que Beethoven était sourd, que Ravel avait une tumeur qui lui suça d’un coup toute sa musique, qu’il fallut quêter pour enterrer Bela Bartok, on sait que Rutebeuf avait faim, que Villon volait pour manger, que Baudelaire eut de lancinants soucis de blanchisseuse : cela ne représente rien qui ne soit qu’anecdotique. La lumière ne se fait que sur les tombes.
Je suis d´un autre pays que le vôtre, d´une autre quartier, d´une autre solitude. Je m´invente aujourd´hui des chemins de traverse. Je ne suis plus de chez vous. J´attends des mutants. Biologiquement, je m´arrange avec l´idée que je me fais de la biologie : je pisse, j´éjacule, je pleure. Il est de toute première instance que nous façonnions nos idées comme s´il s´agissait d´objets manufacturés. Je suis prêt à vous procurer les moules. Mais…
La solitude… La solitude…
Les moules sont d´une texture nouvelle, je vous avertis. Ils ont été coulés demain matin. Si vous n´avez pas, dès ce jour, le sentiment relatif de votre durée, il est inutile de vous transmettre, il est inutile de regarder devant vous car devant c´est derrière, la nuit c´est le jour. Et…
La solitude… La solitude… La solitude…
Il est de toute première instance que les laveries automatiques, au coin des rues, soient aussi imperturbables que les feux d´arrêt ou de voie libre. Les flics du détersif vous indiqueront la case où il vous sera loisible de laver ce que vous croyez être votre conscience et qui n´est qu´une dépendance de l´ordinateur neurophile qui vous sert de cerveau. Et pourtant…
La solitude… La solitude!
Le désespoir est une forme supérieure de la critique. Pour le moment, nous l´appellerons « bonheur », les mots que vous employez n´étant plus « les mots » mais une sorte de conduit à travers lequel les analphabètes se font bonne conscience. Mais…
La solitude… La solitude… La solitude, la solitude, la solitude… La solitude!
Le Code Civil, nous en parlerons plus tard. Pour le moment, je voudrais codifier l´incodifiable. Je voudrais mesurer vos danaïdes démocraties. Je voudrais m´insérer dans le vide absolu et devenir le non-dit, le non-avenu, le non-vierge par manque de lucidité.
La lucidité se tient dans mon froc! Dans mon froc!
Je suis d´un autre pays que le vôtre, d´une autre quartier, d´une autre solitude. Je m´invente aujourd´hui des chemins de traverse. Je ne suis plus de chez vous. J´attends des mutants. Biologiquement, je m´arrange avec l´idée que je me fais de la biologie : je pisse, j´éjacule, je pleure. Il est de toute première instance que nous façonnions nos idées comme s´il s´agissait d´objets manufacturés. Je suis prêt à vous procurer les moules. Mais… La solitude… La solitude…
Les moules sont d´une texture nouvelle, je vous avertis. Ils ont été coulés demain matin. Si vous n´avez pas, dès ce jour, le sentiment relatif de votre durée, il est inutile de vous transmettre, il est inutile de regarder devant vous car devant c´est derrière, la nuit c´est le jour. Et… La solitude… La solitude… La solitude…
Il est de toute première instance que les laveries automatiques, au coin des rues, soient aussi imperturbables que les feux d´arrêt ou de voie libre. Les flics du détersif vous indiqueront la case où il vous sera loisible de laver ce que vous croyez être votre conscience et qui n´est qu´une dépendance de l´ordinateur neurophile qui vous sert de cerveau. Et pourtant…
La solitude… La solitude!
Le désespoir est une forme supérieure de la critique. Pour le moment, nous l´appellerons « bonheur », les mots que vous employez n´étant plus « les mots » mais une sorte de conduit à travers lequel les analphabètes se font bonne conscience. Mais… La solitude… La solitude… La solitude, la solitude, la solitude… La solitude!
Le Code Civil, nous en parlerons plus tard. Pour le moment, je voudrais codifier l´incodifiable. Je voudrais mesurer vos danaïdes démocraties. Je voudrais m´insérer dans le vide absolu et devenir le non-dit, le non-avenu, le non-vierge par manque de lucidité.
La lucidité se tient dans mon froc! Dans mon froc!
Fin mil neuf cent soixante-treize, deux condamnés à mort ont été exécutés un matin à cinq heures à Paris. Les présidents, même Nixon, ne se sont pas dérangés pour assister à cette formalité.
Le deuxième président de la cinquième République Française est mort le deux avril mil neuf cent soixante-quatorze à Paris. Les présidents, même Nixon, se sont dérangés pour assister à cette cérémonie.
Laissez ouvert… J’arrive ! De fait il arriva
Les villes sont debout la nuit dans les maisons de l’amour fou Des appareils marchent tout seuls branchés sur des soleils de volts Des enfants jouent à l’amour mort dans des ascenseurs accrochés À d’autres cieux, à d’autres vies là-bas sur les trottoirs glacés Des assassins prennent le temps de mesurer leur vie comptée
Perchés comme des oiseaux de nuit sur leur arme qu’ils vont tirer Comme on tire une carte alors qu’on sait qu’on est toujours perdant Dans le matin les coups de feu s’agitent comme des menottes
On ne les voit jamais que lorsqu’on les a pris Alors on voit leurs yeux comme des revolvers Qui se seraient éteints dans le fond de leurs yeux Alors on n’a plus peur de ces loups enchaînés Et on les fait tourner dans des cages inventées Pour faire tourner les loups devant la société Des loups endimanchés des loups bien habillés Des loups qui sont dehors pour enfermer les loups
Je les aime, ces loups qui nous tendent leur vie.
Je les aime !
Les routes sont des chiffres bleus dans la tentation du printemps Du deux cent vingt à la Centrale à deux cent vingt vers l’hôpital Des drogués sortent dans la cour faire cent pas avec le vent Et la Marie dans les poumons, ils se vendent pour trois dollars Des grues qui font le pied de nez aux maisons blêmes mal chaussées Des magazines cousus de noir ressemblent aux linges de la mort Les cathédrales de la nuit ont des cafés au fond des cours On a flingué deux anges blonds dans un café de Clignancourt
C’est eux, toujours les loups qui dérangent la nuit Qui la font se lever dans le froid du métal C’est eux qu’on chasse alors qu’il ne tiendrait à rien À peine un peu d’amour sans le Bien ni le Mal Mais on les fait dormir au bout d’un téléphone Qu’on ne décroche pas pour arrêter la mort Qui vient les visiter, la cigarette aux lèvres Et le rhum à la main tellement elle est bonne
Je les aime, ces loups qui nous tendent la patte. Je les aime !
On oublie tout et les baisers tombent comme des feuilles mortes Les amants passent comme l’or dans la mémoire des westerns
Les images s’effacent tôt dans le journal que l’on t’apporte Et les nouvelles te font mal jusqu’à la page des spectacles À la une de ce matin il y a deux loups sans queue ni tête Ils sont partis dans un panier quelque part dans un pays doux Où la musique du silence inquiète les hommes et les bêtes Ce pays d’où l’on ne revient que dans la mémoire des loups
Lorsque j’étais enfant j’avais un loup jouet Un petit loup peluche qui dormait dans mes bras {x3} Et qui me réveillait le matin vers cinq heures Chaque matin à l’heure où l’on tuait des loups
Je les aime ces loups qui m’ont rendu mon loup Je les aime !
On oublie tout et les baisers tombent comme des feuilles mortes Les amants passent comme l’or dans la mémoire des westerns Les images s’effacent tôt dans le journal que l’on t’apporte Et les nouvelles te font mal jusqu’à la page des spectacles À la une de ce matin il y a deux loups sans queue ni tête Ils sont partis dans un panier quelque part dans un pays doux Où la musique du silence inquiète les hommes et les bêtes
Ce pays d’où l’on ne revient, ce pays d’où l’on ne revient Ce pays d’où l’on ne revient que dans la mémoire des loups Des loups… des loups… des loups Je les aime ces loups qui m’ont rendu mon loup
Pour moi le plus beau texte jamais écrit sur la mer, je suis capable de l’écouter indéfiniment ou plutôt infiniment. Une merveille absolue
La marée, je l’ai dans le cœur Qui me remonte comme un signe Je meurs de ma petite sœur De mon enfant et de mon cygne Un bateau, ça dépend comment On l’arrime au port de justesse Il pleure de mon firmament Des années lumières et j’en laisse Je suis le fantôme jersey Celui qui vient les soirs de frime Te lancer la brume en baiser Et te ramasser dans ses rimes Comme le trémail de juillet Où luisait le loup solitaire Celui que je voyais briller Aux doigts du sable de la terre
Rappelle-toi ce chien de mer Que nous libérions sur parole Et qui gueule dans le désert Des goémons de nécropole Je suis sûr que la vie est là Avec ses poumons de flanelle Quand il pleure de ces temps-là Le froid tout gris qui nous appelle Je me souviens des soirs là-bas Et des sprints gagnés sur l’écume Cette bave des chevaux ras Au ras des rocs qui se consument Ô l’ange des plaisirs perdus Ô rumeurs d’une autre habitude Mes désirs dès lors ne sont plus Qu’un chagrin de ma solitude
Et le diable des soirs conquis Avec ses pâleurs de rescousse Et le squale des paradis Dans le milieu mouillé de mousse Reviens fille verte des fjords Reviens violon des violonades Dans le port fanfarent les cors Pour le retour des camarades Ô parfum rare des salants Dans le poivre feu des gerçures Quand j’allais, géométrisant Mon âme au creux de ta blessure Dans le désordre de ton cul Poissé dans Les draps d’aube fine Je voyais un vitrail de plus Et toi fille verte, mon spleen
Les coquillages figurant Sous les sunlights cassés liquides Jouent de la castagnette tant Qu’on dirait l’Espagne livide Dieux des granits, ayez pitié De leur vocation de parure Quand le couteau vient s’immiscer Dans leur castagnette figure Et je voyais ce qu’on pressent Quand on pressent l’entrevoyure Entre les persiennes du sang Et que les globules figurent Une mathématique bleue Dans cette mer jamais étale D’où me remonte peu à peu Cette mémoire des étoiles
Cette rumeur qui vient de là Sous l’arc copain où je m’aveugle Ces mains qui me font du fla-fla Ces mains ruminantes qui meuglent Cette rumeur me suit longtemps Comme un mendiant sous l’anathème Comme l’ombre qui perd son temps À dessiner mon théorème Et sous mon maquillage roux S’en vient battre comme une porte Cette rumeur qui va debout Dans la rue, aux musiques mortes C’est fini, la mer, c’est fini Sur la plage, le sable bêle Comme des moutons d’infini Quand la mer bergère m’appelle
Quand y’a la mer et puis les chevaux Qui font des tours comme au ciné Mais que dans tes bras c’est bien plus beau Quand y’a la mer et puis les chevaux
Quand la raison n’a plus raison Et que nos yeux jouent à se renverser Et qu’on ne sait plus qui est le patron Quand la raison n’a plus raison
Quand on raterait la fin du monde Et qu’on vendrait l’éternité Pour cette éternelle seconde Quand on raterait la fin du monde
Quand le diable nous voit pâlir Quand y’a plus moyen de dessiner La fleur d’amour qui va s’ouvrir Quand le diable nous voit pâlir
Quand la machine a démarré Quand on ne sait plus bien où l’on est Et qu’on attend ce qui va se passer Je t’aime
Je t’aime pour ta voix pour tes yeux sur la nuit Pour ces cris que tu cries du fond des oreillers Et pour ce mouvement de la mer pour ta vie Qui ressemble à la mer qui monte me noyer
Je t’aime pour ton ventre où je vais te chercher Quand tu cherches des yeux la nuit qui se balance A mon creux qui te creuse et d’où ma vie blessée Coule comme un torrent dans le lit du silence
Je t’aime pour ta vigne où vendangent des fées Et pour cette clairière où j’éclaire ma route Que balisent tes cris durs comme deux galets Que le flot de la nuit roule sur ma déroute
Je t’aime pour le sel qui tache ta vertu Et qui fait un champ d’ombre où ma bouche repose Pour ce que je ne sais quoi dont ma lèvre têtue S’entête à recouvrer le sens et puis la cause
Je t’aime pour ta gueule ouverte sur la nuit Quand ta sève montant comme du fond des ères Bouillonne dans son ventre et que je te maudis D’être à la fois ma soeur mon ange et ma Lumière
Quand y’a la mer et puis les chevaux Qui font des tours comme au ciné Mais que dans tes bras c’est bien plus beau Quand y’a la mer et puis les chevaux
Quand la raison n’a plus raison Et que nos yeux jouent à se renverser Et qu’on ne sait plus qui est le patron Quand la raison n’a plus raison
Quand on raterait la fin du monde Et qu’on vendrait l’éternité Pour cette éternelle seconde Quand on raterait la fin du monde
Quand le diable nous voit pâlir Quand y’a plus moyen de dessiner La fleur d’amour qui va s’ouvrir Quand le diable nous voit pâlir
Quand la machine a démarré Quand on ne sait plus bien où l’on est Et qu’on attend ce qui va se passer Je t’aime
Comme une fleur venue d’on ne sait où petit Fané déjà pour moi pour toi dans les vitrines Dans un texte impossible à se carrer au lit Ces fleurs du mal dit-on que tes courbes dessinent
On dit dans ton quartier que tu as froid aux yeux Que t’y mets des fichus de bandes dessinées Et que les gens te lisent un peu comme tu veux Tu leur fais avaler tes monts et tes vallées
Tu es aux carrefours avec le rouge mis On y attend du vert de tes vertes prairies Alors que j’ai fauché ce matin dans ton lit De quoi nourrir l’hiver et ma mélancolie
Mélancolie mélancolie la mer revient Je t’attends sur le quai avec tes bateaux blêmes Tes poissons d’argent bleu tes paniers ton destin Et mes mouettes dans tes cris comme une traîne
Je connais une femme lubrique à Paris Qui mange mes syllabes et me les rend indemnes Avec de la musique autour qui me sourit Demain je lui dirai des hiboux qui s’envolent J’en connais dans ma nuit qui n’ont pas de fourrure Qui crèvent doucement de froid dans l’antarctique De cette négation d’aimer au bout de l’ombre Mes oiseaux font de l’ombre en plein minuit néon Sous les verts plébiscites
Tu connais une femme lubrique à Moscou Qui mange tes syllabes et les met dans ton bortsch Il connaît une femme lubrique à Pékin Qui mange sa muraille et la donne au Parti Demain nous leur dirons des hiboux qui s’envolent J’en connais dans leur nuit qui n’ont plus de jaquette Qui crèvent doucement de froid sous leur casquette Avec leurs beaux yeux d’or mêlés du Palomar là-bas Vers les voix de la nuit des étoiles perdues J’entends des sons lointains qui cherchent des caresses Et dans les faits divers là-bas ça s’exaspère Et ça tue le chagrin comme on tue la flicaille Au coin d’un vieux soleil exténué des glaces
Mélancolie Mélancolie la mer se calme Je vois monter partout des filles et des palmes Avec des fruits huilés dans la fente alanguie Les matelots me font des signes de fortune Ils se noient dans le sang du soleil descendant Vers l’Ouest toujours à l’Ouest Western de carton-pâte Le dentifrice dans la nuit se tient au rose Un néon de misère emprunté à tes yeux
Je relis régulièrement le texte intégral de la préface à « Poète… vos papiers! », écrite par Ferré en 1956. A chaque fois, même s’il peut y avoir de cet excessif qui caractérise Léo Ferré, je suis remué, bouleversé, interrogé… Bref je vibre ; et je la publie en deux parties
La poésie contemporaine ne chante plus. Elle rampe. Elle a cependant le privilège de la distinction, elle ne fréquente pas les mots mal famés, elle les ignore. Cela arrange bien des esthètes que François Villon ait été un voyou. On ne prend les mots qu’avec des gants: à « menstruel » on préfère « périodique », et l’on va répétant qu’il est des termes médicaux qui ne doivent pas sortir des laboratoires ou du codex. Le snobisme scolaire qui consiste à n’employer en poésie que certains mots déterminés, à la priver de certains autres, qu’ils soient techniques, médicaux, populaires ou argotiques, me fait penser au prestige du rince-doigts et du baise-main. Ce n’est pas le rince-doigts qui fait les mains propres ni le baise-main qui fait la tendresse. Ce n’est pas le mot qui fait la poésie, c’est la poésie qui illustre le mot.
L’alexandrin est un moule à pieds. On n’admet pas qu’il soit mal chaussé, traînant dans la rue des semelles ajourées de musique. La poésie contemporaine qui fait de la prose en le sachant, brandit le spectre de l’alexandrin comme une forme pressurée et intouchable. Les écrivains qui ont recours à leurs doigts pour savoir s’ils ont leur compte de pieds ne sont pas des poètes: ce sont des dactylographes. Le vers est musique; le vers sans musique est littérature. Le poème en prose c’est de la prose poétique. Le vers libre n’est plus le vers puisque le propre du vers est de n’être point libre. La syntaxe du vers est une syntaxe harmonique – toutes licences comprises. Il n’y a point de fautes d’harmonie en art; il n’y a que des fautes de goût. L’harmonie peut s’apprendre à l’école. Le goût est le sourire de l’âme; il y a des âmes qui ont un vilain rictus, c’est ce qui fait le mauvais goût. Le Concerto de Bela Bartok vaut celui de Beethoven. Qu’importe si l’alexandrin de Bartok a les pieds mal chaussés, puisqu’il nous traîne dans les étoiles! La Lumière d’où qu’elle vienne EST la Lumière…
En France, la poésie est concentrationnaire. Elle n’a d’yeux que pour les fleurs; le contexte d’humus et de fermentation qui fait la vie n’est pas dans le texte. On a rogné les ailes à l’albatros en lui laissant juste ce qu’il faut de moignons pour s’ébattre dans la basse-cour littéraire. Le poète est devenu son propre réducteur d’ailes, il s’habille en confection avec du kapok dans le style et de la fibranne dans l’idée, il habite le palier au-dessus du reportage hebdomadaire. Il n’y a plus rien à attendre du poète muselé, accroupi et content dans notre monde, il n’y a plus rien à espérer de l’homme parqué, fiché et souriant à l’aventure du vedettariat. Le poète d’aujourd’hui doit être d’une caste, d’un parti ou du Tout-Paris. Le poète qui ne se soumet pas est un homme mutilé. Enfin, pour être poète, je veux dire reconnu, il faut « aller à la ligne ». Le poète n’a plus rien à dire, il s’est lui-même sabordé depuis qu’il a soumis le vers français aux diktats de l’hermétisme et de l’écriture dite « automatique ». L’écriture automatique ne donne pas le talent. Le poète automatique est devenu un cruciverbiste dont le chemin de croix est un damier avec des chicanes et des clôtures: le five o’clock de l’abstraction collective.
Un jour je te dirai pourquoi j’écris. La poésie s’arrange toujours ; il suffit d’être là, truelle en main et sueur suintant au soir, devant la soupe, comme un maçon. Tu es maçon, je suis maçon avec au bout de ma plume des tonnes de ciment gueulant de soif dans le désert de mon « inspiration ». J’ai une muse suspecte qui a des bas de châtaigniers toujours verts, des avoines à Mercedes et de l’eau claire qu’elle pompe à longueur de minutes séchées dans ma gourde frileuse. Et je musarde malgré ça !
J’ai le culte d’un certain désordre, une porte mat ouverte sur un assemblage imbécile où flirtent, maladroitement, une vieille page de garde d’un livre ancien, roux d’ennui, une grosse boîte d’allumettes, une paire de bretelles, une boîte à mauvais violon acheté pour rien chez un mauvais chineur, un tube de produit pharmaceutique, un emballage de film. J’ai le culte des mares où volettent des moustiques, des mouches, toute une floraison de veinules griffées d’ongles. Dans le désordre de ma maison, dans celui de la mare, je projette de m’aliéner, bêtement, fumant cigarette sur cigarette, grattant, ressassant dans le pénible crépuscule de la soixantaine des souvenirs que je voudrais bien équivoques pour mieux les immoler aux terreurs bourgeoises que je détecte jour après jour autour de moi. Je m’aliène dans les mots. Quand je dis : « Je vous méprise ». je me donne à vous quand même sous le couvert d’un mot, d’une injure. Vous m’avez à portée de mépris, vous aussi. Je boite. Rien n’égale en ivresse cette attente au bout de l’ennui quand bâillent les violettes, quand plongent les lourds nuages de Baudelaire, Ici-bas, vers les météorologies secrètes et dont jamais aucun météorologue ne pourra dire l‘exacte définition. Tout est dans tout. Mon âme ainsi, pareille aux désordres qui m’assaillent se trouve toujours aux confins des miettes, du regain, du déjà fait. J’arrive toujours en retard car je ne pars jamais. Et pourtant, je vis dans d’autres cas. Je me décline secrètement à l’aide de suffixes bien à moi. Je suis un langage fermé.
Les mots, voilà votre misère et ce par quoi vous êtes aux fers, irrémédiablement. Aucun espoir, aucune ouverture au-delà des pièges à sots. J’ai la vertu qu’il faut pour ne m’encanailler jamais qu’en connaissance de cause et de Code Pénal. Il est beau ce monument grave dans la mémoire des coups-de jatte.
On ne fait pas la poésie avec des tracts. On la fait avec sa gueule bien ouverte sur les verbes habituels et de préférence actifs. C’est par le style, où qu’il loge, que je me déshumanise et grimpe aux cimes du non-dit, de l’incontrôlé. Le style, c’est cette personnalité du doute enfin traqué. C’est une ombre en détresse qui cherche à se lover sous le soleil de l’admis, du tout fait, du symbolisme courant.
…La solitude est une configuration particulière du mec : une large tache d’ombre pour un soleil littéraire La solitude c’est encore de l’imagination C’est le bruit d’une machine à écrire J’aimerais autant écrire sur des oiseaux chantant dans les matins d’hiver J’ai rendez-vous avec les fantômes de la merde Les jours de fête, je les maudis, cette façon de sucre d’orge donné à sucer aux pauvres gens, et qui sont d’accord avec ça et on retournera lundi pointer Je vois des oranges dans ce ciel d’hiver à peine levé Le soleil, quand ça se lève, ça ne fait même pas de bruit en descendant de son lit. Ça ne va pas à son bureau, ni traîner Faubourg Saint-Honoré et quand ça y traîne, dans le Faubourg, tout le monde s’en rengorge. Tu parles ! Ni rien de ces choses banales que les hommes font qu’ils soient de la haute ou qu’ils croupissent dans le syndicat. Le soleil, quand ça se lève, ça fait drôlement chier les gens qui se couchent tôt le matin Quant à ceux qui se lèvent, ils portent leur soleil avec eux, dans leur transistor. Le chien dort sous ma machine à écrire. Son soleil, c’est moi Son soleil ne se couche jamais… Alors il ne dort que d’un œil C’est pour ça que les loups crient à la lune. Ils se trompent de jour Les plantes ? Les putes ? Les voitures ? Cette voiture aussi qui débordait… C’était terrible… Qu’est-ce qu’on riait ! Et je rêve aujourd’hui d’une voiture monoplace Et ce bois de chauffage qui s’est gelé des tas d’hivers en attendant mon incendie Je vous apporterai des animaux sauvés, l’innocence leur dégoulinant des babines ou de leurs yeux Je mangerai avec eux, de tout, de rien Je boirai avec eux le coup de l’amitié et puis partirai seul vers un pays barré aux importuns Presque tous Je suis un oiseau de la nuit qui mange des souris Je suis un bateau éventré par un hibou-Boeing Je suis un pétrolier, pétroleur de guirlandes et de marée plutôt noire comme mes habits, et un peu rouge aussi, comme mon cœur J’aime la multitude, la multitude, les chiens, les hiboux, les horreurs ! La multitude, les chiens, les hiboux, les horreurs !..
Cette antichambre du tombeau Où froissent comme des drapeaux Les draps glacés par la tempête Ce tabernacle du plaisir Avec la porte du désir Battant sur l´ennui de la fête Cette horizontale façon De mettre le cœur à raison Et le reste dans l´habitude Et cette pâleur qu´on lui doit Dès que l´on emmêle nos doigts Pour la dernière solitude
Le lit Fait de toile ou de plume Le lit Quand le rêve s´allume
Cette maison du rêve clos Sur le grabat, dans le berceau Au point du jour ou de Venise Cette fraternité de nuit Qui peut assembler dans un lit L´intelligence et la bêtise Qu´il soit de paille ou bien de soie Pour le soldat ou pour le roi Pour la putain ou la misère Qu´il soit carré, qu´il soit défait Qu´importe lorsque l´on y fait Autre chose que la prière
Le lit Enfer pavé de roses Le lit Quand la mort se repose
Qu´il soit de marbre ou de sapin Quant au lit qui sera le mien Dans le néant ou la lumière Je veux qu´on ne le fasse point Et qu´on y laisse un petit coin Pour un ami que j´ai sur Terre Cet ami que je laisserai Quand il me faudra dételer Pour l´aventure ou la poussière Ce frère de mes longues nuits Et que l´on appelle l´ennui Au fond du lit des solitaires
Le lit Quand s´endort le mystère Sans bruit Dans la vie passagère
La mer en vous comme un cadeau Et dans vos vagues enveloppée Tandis que de vos doigts glacés Vous m’inventez sur un seul mot O ma frégate des hauts-fonds Petite frangine du mal Remettez-vous de la passion Venez que je vous fasse mal Je vous dirai des mots d’amour Des mots de rien de tous les jours Les mots du pire et du meilleur Et puis des mots venus d’ailleurs Je vous dirai que je t’aimais Tu me diras que vous m’aimez Vous me ferez ce que tu peux Je vous dirai ce que tu veux Je vous dirai ce que tu veuxJe vous aime d’amour
… Les départs sont des répétitions de la mort : Quand, au bout du quai le train roulant déjà vite, on perd de vue l’être qui agite son fanion mouchoir, il se passe quelque chose, comme un bris de l’âme, et l’on entre dans le coma de l’absence qui est une mort figurée. A l’enterrement de l’exilé, l’exilé marche devant. C’est un mort debout, alimenté en instance. Je n’aime pas les ports, ni les gares, ces antichambres du néant. Le partir n’implique pas la distance. Le partir c’est de l’imagination…
Cela fait bien longtemps, trop à mon goût, que je n’avais mis Léo, le plus grand parmi les grands, à l’honneur…
Ce sont de drôl’s de typ’s qui vivent de leur plume Ou qui ne vivent pas c’est selon la saison Ce sont de drôl’s de typ’s qui traversent la brume Avec des pas d’oiseaux sous l’aile des chansons
Leur âme est en carafe sous les ponts de la Seine Leurs sous dans les bouquins qu’ils n’ont jamais vendus Leur femm’ est quelque part au bout d’une rengaine Qui nous parle d’amour et de fruit défendu
Ils mettent des couleurs sur le gris des pavés Quand ils marchent dessus ils se croient sur la mer Ils mettent des rubans autour de l’alphabet Et sortent dans la rue leurs mots pour prendre l’air
Ils ont des chiens parfois compagnons de misère Et qui lèchent leurs mains de plume et d’amitié Avec dans le museau la fidèle lumière Qui les conduit vers les pays d’absurdité
Ce sont de drôl’s de typ’s qui regardent les fleurs Et qui voient dans leurs plis des sourires de femme Ce sont de drôl’s de typ’s qui chantent le malheur Sur les pianos du coeur et les violons de l’âme
Leurs bras tout déplumés se souviennent des ailes Que la littérature accrochera plus tard A leur spectre gelé au-dessus des poubelles Où remourront leurs vers comme un effet de l’Art
lls marchent dans l’azur la tête dans les villes Et savent s’arrêter pour bénir les chevaux Ils marchent dans l’horreur la tête dans des îles Où n’abordent jamais les âmes des bourreaux
Ils ont des paradis que l’on dit d’artifice Et l’on met en prison leurs quatrains de dix sous Comme si l’on mettait aux fers un édifice Sous prétexte que les bourgeois sont dans l’égout…
La mer en vous comme un
cadeau
Et dans vos vagues enveloppée
Tandis que de vos doigts glacés
Vous m’inventez sur un seul mot
O Ma Frégate des hauts-fonds
Petite frangine du mal
Remettez-vous de la passion
Venez que je vous fasse mal
Je vous dirai des mots d’amour
Des mots de rien de tous les jours
Les mots du pire et du meilleur
Et puis des mots venus d’ailleurs
Je vous dirai que je t’aimais
Tu me diras que vous m’aimez
Vous me ferez ce que tu peux
Je vous dirai ce que tu veux
Je vous dirai ce que tu veux
Je vous aime d’amour
Si t’as seize ans et des poussières
A nous deux ça fait des années
Que je prépare ma galère
A te ramer à t’affoler
Voilà que tu cherches ton bien
Dans les vitrines de ma nuit
Achète-moi je ne vaux rien
Puisque L’amour n’a pas de prix
Comme une louve sous son loup
Quand je vous ferai des petits
Vous banderez vos yeux jaloux
Avec un loup de satin gris
Tout comme est gris le jour qui va
Petite sÅâ ur écoutez-moi
Comme un bateau entre mes doigts
Vous coulerez je vous le dois
Vous coulerez je vous le dois
Je vous aime d’amour
Si la mort avait ton regard
Je meurs ce soir sans regarder
Et te demanderai ma part
Au bord du vide et des baisers
L’amour ça ne meurt que la nuit
Alors habille-toi en moi
Avec un peu de rouge aussi
J’aurai ta mort entre mes bras
Lorsque vous me mettrez en croix
Dans votre forêt bien apprise
Et que je boirai tout en bas
La sève tant et tant promise
Je vous engouffrerai de sang
Pendant que vous serez charmée
Et je vous donnerai l’enfant
Que vous n’avez jamais été
Que vous n’avez jamais été
Je vous aime d’amour
Pour terminer une journée placée sous le signe des mots… retour à mon maître absolu , Léo, et cet incroyable texte, eh basta, j’en publie ici un extrait…. Mais tout est magnifique
La solitude est une
configuration particulière du mec : une large tache d’ombre pour un soleil
littéraire
La solitude c’est encore de l’imagination
C’est le bruit d’une machine à écrire
J’aimerais autant écrire sur des oiseaux chantant dans les
matins d’hiver
J’ai rendez-vous avec les fantômes de la merde
Les jours de fête, je les maudis, cette façon de sucre d’orge
donné à sucer aux pauvres gens, et qui sont d’accord avec ça et on retournera
lundi pointer
Je vois des oranges dans ce ciel d’hiver à peine levé
Le soleil, quand ça se lève, ça ne fait même pas de bruit en
descendant de son lit. Ça ne va pas à son bureau, ni traîner Faubourg
Saint-Honoré et quand ça y traîne, dans le Faubourg, tout le monde s’en
rengorge. Tu parles ! Ni rien de ces choses banales que les hommes font qu’ils
soient de la haute ou qu’ils croupissent dans le syndicat. Le soleil, quand ça
se lève, ça fait drôlement chier les gens qui se couchent tôt le matin
Quant à ceux qui se lèvent, ils portent leur soleil avec eux,
dans leur transistor.
Le chien dort sous ma machine à écrire. Son soleil, c’est moi
Son soleil ne se couche jamais… Alors il ne dort que d’un
œil
C’est pour ça que les loups crient à la lune. Ils se trompent
de jour
Les souvenirs, d’ailleurs, c’est du présent discutable. On est hier, toujours Moi, je vivais demain et ça fabriquait les malentendus Un artiste vit toujours demain, sinon il est fait pour l’usine À l’usine, le présent, c’est un cadeau quotidien, incessant, fatigant, dégueulasse
La Tristesse a jeté ses feux rue d’ Amsterdam Dans les yeux d’une fille accrochée aux pavés Les gens qui s’en allaient dans ce Paris de flamme Ne la regardaient plus, elle s’était pavée La Tristesse a changé d’hôtel et vit en face Et la rue renversée dans ses yeux du malheur Ne sait plus par quel bout se prendre et puis se casse Au bout du boulevard comme un delta majeur
La Tristesse…
C’est un chat étendu comme un drap sur la route C’est ce vieux qui s’en va doucement se casser C’est la peur de t’ entendre aux frontières du doute C’est la mélancolie qu’a pris quelques années C’est le chant du silence emprunté à l’automne C’est les feuilles chaussant leurs lunettes d’hiver C’est un chagrin passé qui prend le téléphone C’est une flaque d’eau qui se prend pour la mer
La Tristesse…
La Tristesse a passé la main et court encore On la voit quelquefois traîner dans le quartier Ou prendre ses quartiers de joie dans le drugstore Où meurent des idées découpées en quartiers La Tristesse a planqué tes yeux dans les étoiles Et te mêle au silence étoilé des années Dont le regard lumière est voilé de ces voiles Dont tu t’en vas drapant ton destin constellé
La Tristesse…
C’est cet enfant perdu au bout de mes caresses C’est le sang de la terre avorté cette nuit C’est le bruit de mes pas quand marche ta détresse Et c’est l’imaginaire au coin de la folie C’est ta gorge en allée de ce foulard de soie C’est un soleil bâtard bon pour les rayons » X « C’est la pension pour Un dans un caveau pour trois C’est un espoir perdu qui se cherche un préfixe
Ton ombre est là, sur ma
table
Et je ne saurais te dire comment
Le soleil factice des lampes s’en arrange
Je sais que tu es là et que tu
Ne m’as jamais quitté, jamais
Je t’ai dans moi, au profond
Dans le sang, et tu cours dans mes veines
Tu passes dans mon cœur et tu
Te purifies dans mes poumons
Je t’ai, je te bois, je te vis
Je t’envulve et c’est bien
Je t’apporte ce soir mon enfant de
longtemps
Celui que je me suis fait, tout seul
Qui me ressemble, qui te ressemble
Qui sort de ton ventre
De ton ventre qui est dans ma tête
Comme une fleur venue d’on ne sait où petit
Fané déjà pour moi pour toi dans les vitrines
Dans un texte impossible à se carrer au lit
Ces fleurs du mal dit-on que tes courbes dessinent
On dit dans ton quartier que tu as froid aux yeux
Que t’y mets des fichus de bandes
dessinées
Et que les gens te lisent un peu comme tu veux
Tu leur fais avaler tes monts et tes vallées
Tu es aux carrefours avec le rouge mis
On y attend du vert de tes vertes prairies
Alors que j’ai fauché ce matin dans ton lit
De quoi nourrir l’hiver et ma mélancolie
Mélancolie mélancolie la mer revient
Je t’attends sur le quai avec tes bateaux blêmes
Tes poissons d’argent bleu tes paniers ton
destin
Et mes mouettes dans tes cris comme une traîne
Je ne
vais tout de même pas te raconter comment et pourquoi j’écris des chansons, non
?
C’est comme ça ! Ma
main sur le clavier de mon piano est reliée à un fil et ça marche. Je suis
« dicté ». J’ai un magnétophone dans le désespoir qui me ronge et qui
tourne et qui tourne et qui n’arrête pas. Alors je copie cette voix qui
m’arrive de là-bas, je ne sais, qui m’arrive, en tout cas, et je la reconnais
chaque fois. Ça fait comme un déclic et ça se déclenche.
Je suis le
porte-parole d’un monde perdu, présent pour moi, d’un monde auquel vous n’avez
pas entrée parce que si tu y entres, dans ce monde, tu perds pied et deviens
inédit. Ton foie, tes poumons, ton sexe, tout ça est à toi. Ta tête non. Si tu
es fou, alors viens dans mes bras. Je t’aime.