
Ce dimanche 22 novembre, le tribunal académique s’est réuni. Sur le bureau du président une impressionnante pile de dossiers. Des décisions à prendre, des avis à donner, des jugements à prononcer. Pas de quoi être mis aux arrêts, ce qui serait le comble pour un tribunal qu’il soit académique, comique, bucolique, ou sarcastique. Tout en haut de cette pile, une chemise verte, que le président, depuis plusieurs semaines, saisit en soupirant. Il la saisit, l’ouvre, feuillette les différents documents, et généralement la referme pour la glisser, l’air de rien, au milieu de ladite pile. Et sur cette chemise verte, on peut lire « Avis de disparition : espoir ».
Et aujourd’hui dimanche 22 novembre, le président juge qu’il n’est plus possible de reculer. Il faut prendre le taureau par les cornes. Il décide donc, tôt ce matin, de convoquer en urgence le tribunal académique.
Le président ouvre cette session extraordinaire qui se tient, comme le veut l’usage, à huis clos. Seuls sont présents les jurés qui ont été appelés ce matin aux aurores et que nous retrouvons, encore un peu endormis, autour de cette longue table au bout de laquelle se tient le président.
« Mesdames et Messieurs les jurés, j’ai pris tôt ce matin la décision de vous réunir. Nous allons devoir nous prononcer sur cet avis de disparition qui traîne sur mon bureau depuis plusieurs mois. C’est simple il y a maintenant près de 250 jours que l’on nous a signalé la disparition de l’espoir. Des décisions doivent être prises, car je ne vous cache pas que chaque jour mon inquiétude grandit un peu plus, et je dois dire, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle vous êtes ici avec moi, je crois que je commence à perdre espoir. »
Les sept jurés, bien qu’ébouriffés et chiffonnés, se regardent avec une certaine appréhension. Ils comprennent toutes et tous à cet instant que le moment est grave.
Autour de la table, aujourd’hui nous avons une voyante désespérée, un informaticien branché, une poseuse de tubes, un jardinier d’intérieur, une conductrice de chariots révélateurs, un mineur émancipé et une navigatrice en eau plate.
Le président expose brièvement les faits, que tout le monde connaît. Chacune et chacun donne son avis, formule des hypothèses sur cette disparition. Pourquoi est-il parti, était-il seul, ou a-t-il pu se réfugier, qui le cache, etc. ? Le président écoute attentivement, se racle la gorge, se lève de son fauteuil et lit la décision qu’il vient de prendre après cette consultation.
« Mesdames et Messieurs les jurés, voici la décision que j’ai prise et qui si vous l’acceptez sera applicable immédiatement. L’espoir a disparu depuis 249 jours. Depuis la déclaration de cette disparition que j’ai prise au début pour une simple fugue, l’espoir n’a plus été revu, il n’a laissé aucune trace, et malgré tous les efforts déployés aucun indice ne laisse supposer qu’il reviendra. En conséquence et parce qu’il est impossible de vivre sans l’espoir j’ai pris la décision d’ordonner l’arrestation immédiate avec incarcération du désespoir, du pessimisme, du fatalisme, et surtout de tous les oiseaux de mauvais augure qui occupent tous les espaces qui appartenaient autrefois à l’espoir. »
« Et mes chers amis j’ai bon espoir qu’il revienne ! »