
C’est un mardi matin du mois de novembre 2020, je crois, que tout a commencé. Ou plutôt que tout a recommencé. C’est simple. Ce matin-là, au réveil, aucun écran n’est éclairé. Et quand je ne dis aucun, ce n’est vraiment aucun !
Ecrans petits et grands,
Écrans numériques,
Écrans électroniques,
Ecrans cathodiques,
C’est le noir,
Noir sidéral,
Pas une diode,
Pas un clic,
C’est la panique
C’est impossible, il doit y avoir un hic. Chacun accuse : c’est la prise, c’est le câble, c’est le réseau électrique…. Au saut du lit, le premier geste est pour l’écran. Vite : réveiller la machine, vite regarder, on ne sait jamais…Une information importante est peut-être arrivée dans la nuit. Mais là rien, l’écran est figé, glacé, il ne réagit pas. Le doigt s’agite, le cœur palpite…
Et c’est ainsi qu’au même moment, dans tout le pays, des millions de personnes allument, rallument leur téléphone et rien ne, se passe. Ils triturent le câble, vérifient la prise, cherchent un coupable : l’époux, l’épouse, les enfants, le chat, l’état. En quelques minutes, la panique enfle, elle s’installe, partout.
En quelques minutes… Façon de parler. Le temps est difficile à estimer. L’heure aussi, n’existe que sur des écrans : l’heure est numérique, l’heure est électronique. Ce matin l’heure n’existe plus, elle s’est échappée, elle s’est enfuie.
Le jour est levé. Les pas sont lourds, les épaules sont basses. Il faut se résoudre à prendre le petit déjeuner. Tout le monde se retrouve autour de la table, les écrans vides et gris sont posés à côté du bol, petits objets inertes. Il se produit alors quelque chose d’incroyable, les visages se redressent, les lèvres remuent, et des sons sortent, au début ce ne sont que des grognements. Puis des mots se forment : tiens on avait oublié comme c’est joli un mot, même petit. Partout, on parle, on se parle. Pour commencer la météo, et incroyable on regarde par la fenêtre. Formidable cette application, on voit le temps qu’il fait. Et tout s’accélère, des mots, puis des phrases, des conversations, des sourires.
Il est huit heures,
Partout cela bourdonne,
Parfois cela ronchonne,
Il est huit heures,
Plus un clic
Numérique, électronique,
L’heure est si belle,
Vêtue de ses plus belles aiguilles….
14 novembre 2019