
Sous les sourires froissƩs
D’un nuage ivre de mauvais gris
J’attends seul et titubant
Le vent de la page
Qui se lĆØve et me frissonne

Sous les sourires froissƩs
D’un nuage ivre de mauvais gris
J’attends seul et titubant
Le vent de la page
Qui se lĆØve et me frissonne

Dans lāeau trouble de lāautomne
Le reflet ocre dāune lumiĆØre fatiguĆ©e
Dāun si long Ć©tĆ© Ć Ć©tirer ses longues marĆ©es
Peu Ć peu lāhorizon sāefface sous la gomme
Dāune lourde brume sous le ciel abandonnĆ©

C’est inquiĆ©tant voyez vous… Le monde se fait beau et il ne pense mĆŖme pas Ć bien faire. Il sait qu’on ne le verra pas, il sait que ses couleurs ne seront pas comprises, il sait que l’humanitĆ© a la nuque courbĆ©e. Mais il essaie. Il appelle : j’existe dit-il, ouvrez les portes de votre fabrique Ć sourires !
Rien ! Le silence…Un silence mou sans le moindre espoir de rimes…

RĆ©flĆ©chir avant d’agir…
Oui bien sĆ»r, je suis d’accord, il faut rĆ©flĆ©chir avant d’agir mais ce que je voudrais savoir c’est Ć partir de quand je puis considĆ©rer qu’il ne faut plus rĆ©flĆ©chir et qu’il faut agir. Que se passe t’il si je rĆ©flĆ©chis trop, ou Ć l’inverse pas assez ? Qui me le dit et comment je le sais ? Et admettons d’une part que je rĆ©flĆ©chisse tout le temps avant d’agir et admettons que rĆ©flĆ©chir est une action, cela signifie-t’-il que je rĆ©flĆ©chis toujours avant de rĆ©flĆ©chir ? Mais alors Ć quoi faut-il que je rĆ©flĆ©chisse avant de rĆ©flĆ©chir ? A rien me dites-vous ? Mais si je ne rĆ©flĆ©chis Ć rien comment puis-je agir ?
Ouille j’ai mal Ć la tĆŖte

Je, tu, il, elle, on, vous, ils
Sur la page blanche de mes chaque matin
Je cherche
Je cherche
Qui va parler
A qui m’adresser
Que et quoi vous dire
Ce dont je ne doute pas
C’est le comment
Je choisis dans ma boîte à plumes
La fine et belle encore endormie
Je la lisse et la trempe dans les encres grises
De mes restes de nuit
Entends la qui crisse en glissant
Sur la premiĆØre ligne de ton jour qui sourit

Derrière la ligne flou de mes rêves salés
On devine une terre Ć inventer
Elle Ʃtire ses longues plaines
JusquāĆ la promesse dāun sommet oubliĆ©
Jāai pris la route sans cartes ni papier
Ou vas-tu māa-t-on demandĆ© ?
Je marche et ne sais où jāirai
Il est si beau ce bout de blanche brume
Demain peut-ĆŖtre jāy glisserai
Une fine page aux mots lĆ©gers…
29.10.2024

RĆŖvons
Ć oui rĆŖvons du risque de joie
Belle et bleue
Elle roule sur la vitre de mes oublis
Simple joie
Jaillit dans le soudain
Du tendresse matin
Regarde elle brƻle et brille
Au coin mauve
Dāun Åil qui glisse sur nos restes de larmes
Odeurs de lilas
Aux angles durs des rancÅurs de lāhiver
Rondissent en fleurant
Elle est lĆ
Sautillante
Frissonnante
Fondue dans le brise chagrin
Du lourd glaciers de nos mƩmoires pour demain

Il arrive que le temps soit Ć la contemplation
Simple inattendue fraƮche
Elle dƩbarque sans crier sur les rives des matins communs
Et les soupirs de l’impatience sont apaisĆ©s
O


Il a mis le pied sur le quai et ce quāil a tout de suite senti, trĆØs fort, cāest lāair. Il lāa senti sur sa peau, il lāa senti entrer en lui, partout, par tous les pores. Alors il sāest arrĆŖtĆ©, et il a compris que la mer dans la ville, dans cette ville est partout. Lāair quāon respire nāest pas le mĆŖme, il est parfumĆ©, avec juste cette sensation dāhumide qui ne glace pas le sang mais qui donne le sourire. Oui, elle est lĆ la diffĆ©rence, cāest dans lāair ! Cāest un sourire qui caresse, doux comme le premier chant dāoiseau Ć la fin de lāhiver, on ouvre la fenĆŖtre, on respire : la vie est partout et on sourit. Il nāest lĆ que depuis cinq minutes. Il ouvre les yeux, son cÅur bat, trĆØs fort, les autres il ne les voit plus. Il est sorti de la gare et il avance, il sent, il reconnaĆ®t il comprend tous ces rĆ©cits de la mer qui commencent lĆ , au port. Les mouettes dāabord, leurs cris ne sont pas beaux, mais leurs cris le bouleversent. Elles lāappellent, elles le savent nouveau. Il avance. Tout est si beau : une lumiĆØre de fin dāaprĆØs-midi, un soleil dĆ©clinant qui laissent traĆ®ner quelques couleurs ; la moindre pierre est Ć©tincelle, et les flaques dāeau graisseuse belles comme des toiles de maĆ®tre. Le port est encore loin mais il le comprend dĆ©jĆ , il perƧoit les cliquetis, cocktails de bruits symphoniques. Les bruits, la lumiĆØre les odeurs qui racontent la vie qui les a faites. Il voudrait courir pour ĆŖtre au plus vite au port, mais aussi prendre le temps, entrer comme un navire, calme, glissant, apaisant, masse mĆ©tallique qui se pose le long du quai.

Il suffit je ne me lĆØve plus a dit le jour somnolent
Mais ce nāest pas possible tu es condamnĆ©
A rĆ©pondu une nuit tremblante et pressĆ©e dāengloutir
Le trou de lumière par elle creusé
Encore un effort je tāen prie
Le jour sāest tournĆ© et retournĆ©
Il a râlé
Au pied du lit de pierre a posƩ un pied puis deux
Et sāest levĆ© lāÅil mauvais
Sur un ton sec et irrité à la nuit a répondu
Cāest bon une fois encore je le fais
Je le fais pour toi
Tu me fais tant pitiƩ
23 dƩcembre

La rƩvolte Ʃtait devenue
Une autre dƩcoration de combats intellectuels
Pour le snobisme
De ceux qui flirtaient avec l’angoisse
Du pauvre
Qu’ils achetaient
Chez les bradeurs d’inhumanitĆ©
Qui vendent
Du sourire aux enchĆØres du sentiment
Et qui cultivent des jardins d’utilitĆ©
Des jardins de pitiƩ
Pour le botin du beau monde
Qui pissent leur ba ba quotidien
En rotant la nuit qu’ils ont volĆ©e
Aux autres
Aux angoissƩs
Aux vrais
L’uniforme de leur porcherie
Leur fait peur
Parce qu’ils se sentent loin
Parce qu’ils se sentent loin
Alors ils trichent
Ils se dƩguisent
Ils prostituent la vƩritƩ
En l’obligeant Ć coucher
Avec ceux qui l’ont dĆ©jĆ tuĆ©e
En l’oubliant
Ils s’Ć©cologisent le dimanche
En se confessant Ć la riviĆØre
Qu’ils assassinent Ć petites semaines
Mais y savent pas
Eux ils comptent
Eux ils produisent…
Juin 1980

Il est des matins roux
Qui emplissent de rĆŖves
Les fonds de faille
De nuits ocres aux angles droits
Ils posent lƩgers
De douces caresses
Sur nos joues creusƩes
27octobre

Dans le jardin des mƩmoires de demain
J’ai semĆ© un vieux fond de graines de rires faciles
C’est la bonne saison
Je le sais je le sens
C’est le temps
Le temps si rond si long
De la bonne raison
Il le faut on attend
Regarde
Les granges dƩbordent de molles pailles
OubliƩes de vieilles moissons
Entends les pleurs des rides sĆØches de la terre
Aux prochains soleils levƩs
Tu cueilleras ta premiĆØre fleur au sourire cĆ¢lin…

Voir le monde Ć travers une fenĆŖtre de 15 cm par 8 cm c’est la triste rĆ©alitĆ© de tant de touristes. Je suis stupĆ©fait et irritĆ© par l’incapacitĆ© qu’ont tant de personnes Ć mobiliser tous leurs sens pour emplir l’armoire Ć mĆ©moire. Pour ma part quand je dĆ©couvre un lieu nouveau j’aime ĆŖtre pĆ©nĆ©trĆ© avant de figer un tout petit bout de ce que je viens de voir…

Si peu de choses Ć dire
Il faut descendre dans la réserve à souvenirs
LĆ tout au fond des casiers sont vides
Y Ʃtaient les flacons de mƩmoires vieillies
Ils sont les premiers Ć ĆŖtre partis
Disparus Ć la table des bons amis
Tant pis
Je chercherai pour ce jour aux couleurs jolies
Un doux vin jeune et fleuri
Un inĆ©dit avec comme inspiration dĆ©clenchante cette photographie de l’Atomium prise Ć Bruxelles…
TĆŖte perdue dans une bouillie de nuages
Ivre dāun presque rien
Englouti Ć lāangle mou dāun bleu incertain
Je noie vos doutes gƩomƩtriques
Dans une orgie de courbes vagues poƩtiques
Jāentends les roulements de colĆØres inventĆ©es
Ils abƮment les velours usƩs
Par les Ʃboulis de larmes mauves
Neiges Ʃternelles de nos peines fauves
Et jāoublie les lourdes morales acadĆ©miques
Pour Ʃcrire sans freins ni lois
De longues pages de vents froissƩs

Et je prends la route qui mĆØne aux pays du hier
J’y trouve quelques cailloux que j’ai semĆ©s en silence
Tête basse, la brume du lointain passé fuit le souffle de mes mots
J’entends soudain le chant rauque des gorges serrĆ©es
25 octobre

C’est d’une plume aiguisĆ©e Ć la pierre de brume
TrempĆ©e dans de l’encre grise d’automne
Kafka que je dƩcouvre ton oeil brillant
Ton souffle court dans la ruelle du château
Page Ć page tu inspires ces quelques lignes humides
21 octobre

A l’ouest de mes mĆ©moires salĆ©es
L’Ć©cume de tes mots
Douce caresse
Rime tendresse
Ta trace est lĆ
Trait de lumiĆØre
Perce l’ombre creuse
De ton absence
Je souris et t’entends
Tu es lĆ Ć ne rien dire
Vague fleur sƩchƩe
Sur la crête de ton océan

Il faut rester liƩs
Peu importe la couleur, la matiĆØre, l’Ć¢ge, ce qui nous lie est plus fort ce qui nous sĆ©pare. La haine, les haines qui dĆ©ferlent aujourd’hui sans aucune limites, sans aucun garde fous me donnent la nausĆ©e. Les mots sont abĆ®mĆ©s. La pensĆ©e n’existe plus. Seul le rĆ©flexe compulsif domine. Je n’entends plus que des vocifĆ©rations. Il nous manque tant celles et ceux qui loin de leurs narcissiques Ć©crans Ć©clairaient les chemins noirs, ( Camus je pense Ć toi… ).
De ci de lĆ des paroles posĆ©es, qui sortent de cette permanente mĆ©lasse où tout est confondu : la politique et ses bassesses, l’histoire et ses blessures, et la haine sans limites pour des peuples errants qui souffrent en silence d’ĆŖtre les otages des apprentis sorciers qui occupent et salissent nos espaces de vie…

Il est des mots dont la rime hƩsite entre larmes et bleu
Dans les aubes grises et mauves
Aux fenĆŖtres ouvertes on entend leurs toux fauves
Les silences de la nuit ont Ʃteint le feu
Au creux de l’Ć©paule du beau matin
Ils posent la tendre joue de leurs rires malins

Lorsque l’attente frise le bitume
J’entends la lame bleue des impatiences
Qui s’aiguise Ć la pierre de ton regard
Il n’est jamais loin le doux froissement
Des Ʃtoffes de nos embrassades
Tout est dans le presque fini
Il me reste Ć refermer l’angle de nos peurs

J’ai soudain faim
Je coupe une belle tranche de rire
Dans une tourte à la croûte chatouilleuse
Je croque et craque
Le chant doux de la mie
Glisse dans le creux de mon oreille
Une rime à la miette dorée

Parfois, euh souvent, et vous le savez bien lectrices et lecteurs de ce blog j’aime regarder la vie qui dĆ©file Ć travers une vitre ferroviaire.
A travers cette grise vitre, je vois ce prĆ©cieux temps qui s’enfuit vite, trĆØs vite. Et je reste immobile, figĆ© dans la contemplation. Immobile dans un monde qui avance…
Je retrouve un peu de cette sensation pleine de poĆ©sie de se trouver les pieds ballants au bord du monde et attendre indĆ©finiment d’ĆŖtre gagnĆ© par la sensation de la vitesse de rotation de la terre. Quarante mille kilomĆØtres en 24 heures, on finira bien par le ressentir…
Bref, je prends le temps de regarder le temps qui passe, qui pousse, qui file, qui glisse… Et j’accepte enfin de perdre du temps…
Oui depuis quelques temps j’aime cette idĆ©e, cette fausse idĆ©e de perdre du temps. Temps qui coule Ć travers mes poches trouĆ©es, temps qui fuit qui s’enfuit…
» ArrĆŖte de perdre du temps » aurais-je dit il y a peu… Et aujourd’hui je savoure cette idĆ©e de ce temps qu’on croit perdu, parce qu’on l’a rempli de quelques petits riens, petits cailloux Ć©phĆ©mĆØres.
Je ne perd plus mon temps, mieux encore je le trouve, le retrouve. Il est lĆ , par petits bouts. Je le ramasse, le garde tout contre moi, bien au chaud et me dis que je le trouverai demain ou plus tard et je passerai du bon temps…

Le voyage
Dans la station de mƩtro.
Le coude Ć coude entre les affiches
dans une lumière morte au regard égaré.
Le train arriva pour emmener
les visages et les porte-documents.
Ć la prochaine, lāobscuritĆ©. Nous Ć©tions assis
comme des statues dans ces voitures
qui dƩrapaient dans les cavernes.
Contraintes, rĆŖveries, servitudes.
On vendait les nouvelles de la nuit
aux arrêts situés sous le niveau de la mer.
Les gens Ʃtaient en mouvement, chagrins et
taciturnes sous le cadran des horloges.
Le train transportait
les pardessus et les âmes.
Dans tous les sens, des regards
lors du voyage dans la montagne.
Et nul changement en vue.
PrĆØs de la surface pourtant, les bourdons
de la libertĆ© sāĆ©taient mis Ć vrombir.
Nous sortƮmes de terre.
Une seule fois, le pays battit
des ailes avant de sāimmobiliser
Ć nos pieds, vaste et verdoyant.
Les Ʃpis de blƩ arrivaient en vol
au-dessus des quais.
Terminus! JāĆ©tais allĆ©
bien au-delĆ .
Combien Ʃtions-nous encore? Quatre,
cinq, Ć peine plus.
Et les maisons, les routes, les nuages,
les criques bleues et les montagnes
ouvrirent leurs fenĆŖtres.

Sur une rive de fausses pierres
D’une gare oubliĆ©e
Un homme seul
Un rĆŖve bleu s’est inventĆ©
Il parle sans rien dire
Au peuple des absents
Presque marins abƮmƩs
Dans le fracas d’un dernier train
Il surgissent en glissant
Sur la crête salée
D’une vague de fer

Elles sont pâles blanches les rimes en belle
Contre le mur de nos silences se brisent les ailes
Deux Ć doux elles glissent un Åil cĆ¢lin
Et les mots pour toi sāenvolent Ć tire dāaile
Ils fuient en riant la camisole de lourd papier
Et jāeffeuille de ma plume lĆ©gĆØre
Fleur en flammes
Aux ivres senteurs dāun autre Rimbaud

CourbƩ, visage fermƩ
Je portais encore sur les Ʃpaules rentrƩes
LāinfĆ¢me poids dāune nuit
Au sommeil dƩlabrƩ
Impatient, le pas traƮnant
Jāai tirĆ© le long rideau de ma lourde insomnie
Le beau matin est arrivƩ
Dans un fragile bleutƩ
De bords mauves ƩclairƩs

Entre les longs silences
Des derniĆØres secondes qui s’Ć©tirent
J’entends les pas lourds
De fragiles impatiences
Le temps est Ć l’attente
Sur les quais des souvenirs mƩtalliques
J’entends les chÅurs des hommes blessĆ©s

Entre le fleuve et la ville
Cāest une histoire un peu floue
Une ombre se noie dans le gris dƩbordant
On entend le souffle court dāun tourment de vent
EpuisĆ© le ciel sāest affaissĆ©
Il repose sans un bruit dans le creux dāune belle nuit…
13 octobre

Au tableau noir du rĆŖve attendu
Tu Ʃcris les mots songes
Restes d’une longue et blanche nuit
La craie crisse et glisse
Au bout de cette ligne tracƩe
A l’encre grise de ton insomnie
Lettres légères rimes rondes
Se noient dans la marge profonde
D’une mĆ©moire abĆ®mĆ©e
J’ai Ć©crit ce texte il y a quarante ans, avec vraisemblablement comme fond musical, le stĆ©phanois de Bernard Lavilliers, la photo est beaucoup plus rĆ©cente….

Samedi soir
Nouveau dƩpart
Nouvelle chute
Pour une inconnue
De rires
Liquides
BĆ©quilles pour s’Ć©clater
Dans les rues
Des comme nous
Qui traƮnent leur habitude
De la petite semaine
Qu’ils ont brĆ»lĆ©e
Dans des pauvres jeux quotidiens
Qu’ils continuent encore
Parce que c’est bon
Parce que le siĆØcle s’Ć©ssouffle
Et ne veut plus d’eux
Ils sont nĆ©s pendant l’Ć©pidĆ©mie
Ils subsistent pendant l’agonie
Alors ils s’en foutent
Ils veulent aller plus vite
Parce qu’autrement
Ils n’auront plus que leur ombre cerceuil
A simuler
On les montre du doigt
Quand ils s’exagĆØrent
On les ignore quand ils se terrent
Ils traƮnent tous ensemble
A construire un monde
Qui s’Ć©croule Ć chaque aurore
Regarde les dans les villes qui s’enterrent
Regarde les dans les villes qu’ils aiment
Par la multitude des autres
Des ceux qui sont comme eux
Regarde les
T’es comme eux
Regarde les….

Ćcoutez peuple des riants
C’est la marĆ©e lasse du soir tombant
Partout le bruit des roulettes
Sur le chemin des partants
On se presse on s’attend on s’Ć©prend
Ils sont loins nos beaux rires d’enfants

La faim dāĆ©crire est forte, trĆØs forte, peut-ĆŖtre trop forte. Le garde-manger est plein, il dĆ©borde, il dĆ©gouline, de mots, de phrases dĆ©jĆ prĆŖtes, qui attendent simplement la chaude caresse de la feuille que je leur ouvrirai.
Je nāai pas besoin de les garder au frais. Ils se conservent trĆØs bien, mais sont peut-ĆŖtre trop nombreux. Je ne sais lequel choisir. Jāouvre la porte de la rĆ©serve. Jāentends dāabord comme un murmure : Ā« il est lĆ , cāest lui, il va me choisir, cāest mon tour Ā». Ils attendent patiemment tous ces mots que jāaime. Certains sont couchĆ©s, bien Ć plat, Ć lāabri des regards mauvais, ce sont mes grands crus. Je reconnais libellule, il est seul, couvert de poussiĆØre, cela fait bien longtemps quāil vieillit, peut-ĆŖtre trop ; il faudra que je me dĆ©cide Ć en faire quelque chose. Au-dessus, mes prĆ©fĆ©rĆ©s tout une rangĆ©e de flacons, de balbutiements, de mauves. Les casiers de brumes et de gris sont presque vides ; jāen ai peut-ĆŖtre trop consommĆ© ces derniers temps. Dans le placard du fond jāai stockĆ© quelques phrases, toutes faites, toutes fraĆ®ches, mais je ne lāouvre pas, je ne veux pas quāelles sāĆ©chappent, il nāest pas encore temps, je dois chercher, encore, le menu, et tous les magnifiques plats qui le composeront. Je referme la porte de ma rĆ©serve, doucement pour ne pas Ć©veiller les endormis, celles et ceux vers qui je ne vais jamais, parce que je les ai oubliĆ©s. Demain, peut-ĆŖtre je les retrouveraiā¦
Peut-ĆŖtre.

Dans un long tremblement de ciel
Tu as plongƩ le feu de ton regard
Au bout de ce qui te reste de terre noire
Claque le drap plissƩ du sombre agonisant
La bataille du rĆŖve sāest achevĆ©e
Dans la raideur du corps qui sāĆ©tire
Ils sont si beaux les retours qui se suivent
Que ton encore premiĆØre marche
Est souple comme une naissance

Une ville Ƨa bouge
Une ville Ƨa vit
Ville mƩmoire
Ville histoire
Ća cahote
Ća secoue
Ća grince
Sous chaque pavƩ
Un peu de sable
Trace muette
De ce lointain printemps
11 octobre

Je cherche dans le fond humide de ma rĆ©serve Ć mots, un verbe qui pourrait survivre sans complĆ©ment, sans adverbe, sans tous ces parasites qui au mieux affadissent au pire empoisonnent lāessence premiĆØre du mot, cette saveur originelle qui lorsquāelle fut la premiĆØre fois utilisĆ©e suffisait, exprimait Ć elle seule ce qui Ć©tait ressenti, cāest-Ć -dire vu, entendu, touchĆ©, goĆ»tĆ©.
Ces mots verbes existent je le sais, je les cherche, je les traque. Mais il y a aussi ceux que la grammaire a dĆ©cidĆ© dāentrer dans la catĆ©gorie des noms communs. A-t-on pris le temps de sāinterroger sur la signification de ce commun, quāon ajouter pour dĆ©signer ce qui pourtant dĆ©signe Ć lui seul lāessentiel. Peut-ĆŖtre sāagit-il dāune juste opposition au qualificatif propre. Serait-ce la propretĆ© ou la propriĆ©tĆ© quāon veut opposer au commun, au collectif. Il y aurait donc le mot qui appartient Ć un seul et ce qui est Ć tous ; pourquoi pas ! Mais le commun peut aussi ĆŖtre vu comme le banal, comme le courant, qui nāa aucune aspĆ©ritĆ©, aucune singularitĆ©. Ne dit-on pas dāun vin quāil est commun pour Ć©viter de dire quāil nāest pas bonā¦
Le vin, le ciel, le vent, la brume, le mauve, lāamour, que de noms communs qui dans ma rĆ©serve occupent une place singuliĆØreā¦

Jāai dĆ» rattraper un reste du bel Ć©tĆ©
Palette lisse et sĆØche sous le bras
Il sāenfuyait pour le long sommeil
De la triste saison
Ne tāen vas-pas dresseur de sauvages soleils
Ne nous laisse-pas Ć nos seuls frissons
Il nous reste tant de rires en rayon

Au soir bruinant
On attend
Sur la pointe des pieds
Cou tendu
Pour voir le loin
On attend
Tram ou tramway
Cāest le chant de la ville
On lāattend, on lāentend, on lāĆ©coute
Bruit mƩcanique
EspƩranto du vacarme
On croirait un presque train
Il faut rentrer
Il faut revenir
Il faut se retrouver
Les artĆØres pavĆ©es sāemplissent de silences fatiguĆ©s
De joies contenues
De rencontres imprƩvues
Les lumières glissent en grinçant
Et cherchent le bel accord
Avec une longue note dāacier

Voir la vie en rose !
Il faut, ou faudrait, nous dit-on voir la vie en rose. Enfin je commets peut-ĆŖtre une erreur, il est possible quāil soit conseillĆ© de voir la vie en roses. Encore une fois tout est une affaire de nature, voire de genre, puisquāon peut parler dāune rose, on peut aussi Ć©voquer le rose, et enfin on peut enrichir un autre mot en le gratifiant gĆ©nĆ©reusement du qualificatif rose. On pourra ainsi parler dāune rose dont le rose est si rose quāon pourrait y voir Ć travers comme sāil Ć©tait blanc, on dirait alors quāil est rosĆ©, Ć ne pas confondre avec le rosĆ© quāil faut Ć©viter avant de cueillir quelques belles roses, Ć offrir Ć sa promise afin de la faire rougir. Certes la couleur rose, tout comme la fleur, incite Ć lāoptimisme voire Ć la gaietĆ© mais reconnaissons quand mĆŖme que certaines roses aprĆØs avoir Ć©tĆ© piquantes (comme un mauvais rosĆ©) sont dĆ©sormais fanĆ©es. Et il y a des roses au rose si clair quāelles en sont un peu transparentes. La vie de toute faƧon nāest ni une fleur, ni une couleur, et toutes ces injonctions ont le don de me faire monter le rouge au frontā¦

Au premier pas du jeune matin
Les essoufflƩs des courtes nuits
Replient les draps fripƩs de rides noircies
Ils sourient au timide soleil
Retrouvent une promesse de douce lumiĆØre
Dans une flaque de sourires
Pendue au cou raide dāun jour au rose attendu
10 octobre

La ville bouge et brille
La pierre des pavƩs est luisante
De longs rails irriguent les rues
Dāun acier trempĆ© Ć la sueur des fondeurs
Des lourds palais endormis sāenvolent le murmure
De lointaines mƩlodies aux notes arrondies
Les regards qui attendent se croisent en silence
Ils parlent la belle langue des frĆØres humains…
9 octobre

Je vous assure, il māa lancĆ© un regard, franchement je māen remets difficilement. Lancer un regard, ce ne doit quand mĆŖme pas ĆŖtre des plus simples, il faut Ć©videmment savoir viser, car lancer un regard sans savoir vers qui lāenvoyer cāest un peu comme un coup dāĆ©pĆ©e dans lāeau. Encore quāun coup dāĆ©pĆ©e dans lāeau a au moins deux vertus celle de faire de provoquer des remous (mĆŖme si on ne veut pas dans ce cas prĆ©cis faire de vague) et celle de trancher dans le vif, surtout sāil sāagit dāeau courante. Mais revenons Ć nos moutons, revenons Ć ce regard lancĆ©, et qui semble tāil a atteint sa cible (puisque la personne victime du jet prĆ©tend quāon lui a lancĆ© un regard), est ce que ce regard est vif, acĆ©rĆ©, aiguisĆ©, perƧant mĆŖme. Imaginons les dĆ©gĆ¢ts provoquĆ©s par un regard qui en plus dāavoir Ć©tĆ© lancĆ© est aussi perƧant. La personne, appelons-lĆ la victime, risque de se retrouver comme le disait Corneille Ā« percĆ©e jusquāau fond du cÅur dāune atteinte imprĆ©vue Ā» ā¦. En conclusion, ce que je crois cāest quāun regard nāest jamais lancĆ© au hasard, Ć lāaveugle dirions-nous car il faut ĆŖtre clair une fois lancĆ© le regard ne peut revenir en arriĆØre, ce nāest pas un boomerang et le lanceur doit autant que possible avoir les yeux en face des trous sāil ne veut pas rater sa cible.
ā

LāÅil du presque matin sāouvre doucement
Paupière lourde raidie du rêve inachevé
Dans un souffle teintƩ de mauve
Lāaube bleue rabote les restes de nuit
9 octobre…

Il est des rencontres qui pƩtillent
Dāautres qui bouillonnent
De sāenfuir rĆŖve la riviĆØre
Mais sage elle se retient
De tant de larmes elle se souvient
Aux hommes qui lāaiment
Elle raconte son cheminā¦
8 octobre

Je cherche une rime au rouge
Et ne trouve rien
Pas un mot ne bouge
Rime rame
Rouge drame
Rires louches
Au bout des lĆØvres
Roule le rouge

DerriĆØre le souffle court du matin qui danse
Jāentends la mitraille des gouttes pressĆ©es
Elles houspillent le morne silence
Les pluies dāautomne ont commencĆ©
Il faudra rentrer les rires insouciants
Les bonnes nouvelles ont perdu leurs couleurs dāĆ©tĆ©
Il est lāheure des Ć©paules rentrĆ©es et des regards fuyants
Il pleut partout dans ce monde fatiguƩ
8 octobre 2024

Il y a dans le vif roulement de cette riviĆØre
Les tourbillons dāune histoire
Qui laisse ses traces sur les rives des mƩmoires
On entend des cris des mouettes en mal de mer
Elles ajoutent des vagues de bleus au gris du ciel…Ā
7 octobre