Oubliés…

Oubliés les enfants

Enfermés

Dans la chambre grise

Du vieux monde qui se ride

Oubliés les enfants

Aux rires légers

Accusés, condamnés

J’en sais qui tremblent

D’autres qui pleurent

Dans le coin secret

De ce pays masqué

Ou plus un rêve n’ose respirer

Oubliée la jeunesse

Aux ailes rognées

Ils rêvaient de croquer

La première bouchée de cette pomme de vie

Et la peur est là

Elle les montre du doigt

Revenez

O mes oubliés

Ouvrez grand les portes

Entrez, chantez, riez,

Respirez

Inspirez nous

Emplissez le vide de nos mémoires d’enfant

Qu’un vent mauvais a balayé

A l’ouest de vos mémoires encombrées…

Texte sur le thème de la mémoire, déjà publié, comme la plupart qui suivront…

Pointe de Pern

Ici, un bout de ce monde habité,

Terre déchiquetée,

Vagues emmêlées,

Hommes de l’intérieur

Retournez vous !

A l’ouest de vos mémoires encombrées,

Il y a le vent.

Vent qui souffle sur vos nuques.

Vent qui s’engouffre

Derrière vos yeux étonnés.

Avancez encore un peu,

Tendez votre oreille

Entendez son chant,

Il vous murmure

Toutes ces histoires oubliées

30 octobre

Rencontre avec le port…

Immobile, face au port qui lui fait les yeux doux, Maurice enregistre tout, il accumule des réserves, pour demain, quand il tirera les couvertures de son lit et qu’il fermera les yeux. Il a marché sur le quai, lentement, très lentement, vite ça fait touriste pressé qui oublie que les dalles usées ont été polies par l’impatience de toutes ces femmes qui attendaient que la mer ramène leurs hommes, leurs fils, leur frère. Maurice sent tout cela. Amarré, à quelques mètres un petit chalutier. Ils sont deux à hisser des caisses sur le bord. Maurice ne regarde pas le contenu des casiers, il ne veut pas s’ébahir à la vue des poissons luisants oubliant ceux qui sont allés les chercher. Il regarde leurs mains. Ce sont des mains qui semblent vivre seules, qui ne s’agitent pas inutilement. Les gestes sont précis, lents, définitifs. Elles plongent d’une caisse à l’autre saisissent des poissons avec respect, délicatesse. Maurice se souvient des mains du poissonnier. Ce ne sont pas les mêmes, ce sont des mains qui ont oubliés d’où vient la sole ou le bar, des mains pour découper, pour écailler, pour peser, pour rendre la monnaie. Ils les regardent, ils ne se parlent pas, c’est inutile : ils viennent de passer une journée en mer, à travailler, en plissant les yeux, à cause du soleil, du sel, de la peur, de la fatigue. Maurice comprend qu’on ne parle pas à la mer comme à n’importe qui, on ne parle pas de la mer comme s’il s’agissait simplement d’une étendue d’eau. Il est temps. Maurice doit rentrer, à l’intérieur, dans les terres. Il n’est pas triste, il reviendra. Il sait à cet instant qu’il n’est plus et ne sera plus jamais le même. Aujourd’hui tant de sensations ont accosté dans son port intérieur. Il lui faudra plusieurs jours pour décharger. Maurice reviendra, il reviendra et partira sur un bateau, sur son bateau…

Matinales…

J’ai posé le pied sur une terre inconnue

Les rires sont longs

Les peurs sont blanches

Les aubes grises ouvrent un oeil mauve

C’est le chant bleu

De mon soleil heureux

Flash…

Et nous resterons debout

Dressés

Armés de nos seuls mots

Aux lames émoustillées

Les vents gris de vos haines sans courages

S’épuiseront sur nos brises qui riment

Oh oui je vous le dis

Maniaques du clic sous X

Demain vos mots s’échapperont

Et nous les attraperons

Pour les laver de vos laideurs

Mémoires…

Au vent humide et salé des tempêtes d’hier

La mémoire grince et se couvre en silence

De fines couches d’une belle rouille

Mots doux, rires légers, larmes perdues

Visages oubliés des lointaines rives

Tout s’accroche à l’unique anneau des temps aimés

Poussières d’acier de souvenirs effrités

Ne frotte pas

Ne polis pas

Laisse au temps une feuille pour se poser

29 août

Matinales…

Il ne reste de toi qu’une trace amputée de ses hauteurs de vue
On entend le chant rauque des nœuds fragiles de ta longue histoire
Tu racontes la douceur lointaine de ces mains qui se sont croisées
A l’ombre que tu offrais quand les cœurs se mettent à battre
Tes racines sont loin et tu attends la douce étreinte d’une prochaine marée

Flash…

Au vieux mur de nos mémoires

Perdues sur le long fil

De rires asséchés

J’ai pendu une flaque dorée

Plume légre au jaune envolé

Regarde au coin de sa rime

J’entends un beau vent d’été

Mes Everest : Jacques Roubaud, correspondance…

LETTRE 3
Je viens de lire ta première lettre (elle date du 23 novembre 1960). Tu m’as donc écrit, en moyenne, depuis cette date, une lettre toutes les six semaines deux tiers (il n’y a jamais eu d’intervalle de moins de six semaines et de plus de sept entre deux de tes lettres) et quelque chose m’a frappé. Tu m’écrivais (je te le rappelle, au cas où tu l’aurais oublié) : « As-tu reçu ma dernière lettre? Si oui (et je serais fort étonné que tu ne l’aies pas reçue encore (si c’était le cas, fais-le moi savoir)), as-tu l’intention d’y répondre ? ». Or, je n’ai aucune trace, dans mes archives, où je conserve de manière systématique et absolue, toutes les lettres que je reçois, et des doubles de toutes celles que j’envoie, je n’ai aucune trace, dis-je, d’une lettre de toi antérieure à celle du 23 novembre 1960, dont je viens de te rappeler la première phrase. Ni, d’ailleurs, ce qui est au moins aussi troublant, de cette lettre de moi à laquelle tu fais allusion au milieu de ta lettre du 23 novembre 1960 qui, dans mes archives, porte, de ma main, inscrit en haut à gauche du quart de feuille 21×27, format dont tu ne t’es jamais départi pendant toutes ces années, au crayon, le n°1. Pourtant, je me souviens on ne peut plus clairement de l’arrivée de ta lettre du 23 novembre 1960 (je venais de rentrer chez moi après une réunion de travail avec des amis). L’écriture m’était inconnue, ainsi que la signature, Q.B., (je ne connais toujours pas, après quarante ans, autre chose de ton nom que tes initiales). Je t’ai répondu immédiatement, et notre correspondance, quarante ans plus tard, dure encore. Comme tu me dis, dans cette même lettre, celle du 23 novembre 1960, que tu conserves dans tes archives des doubles de toutes les lettres que tu envoies comme de toutes celles que tu reçois (information que tu ne manques pas de répéter (je le remarque en relisant notre correspondance) dans toutes, je dis bien toutes tes lettres) tu as certainement conservé le double de celle dont tu parles au commencement de la lettre du 23 novembre 1960. Tu pourras donc éclaircir aisément ce petit mystère.

LETTRE 4
Je n’ai rien reçu de toi depuis sept semaines. Que se passe-t-il ?

LETTRE 5 (FRAGMENTS)
Je viens de recevoir (enfin!) ta dernière lettre et j’y réponds immédiatement. Tu me demandes si j’ai bien reçu ta dernière lettre et si j’ai l’intention d’y répondre.


PS – tu me demandes comment je répondrai à ta prochaine lettre s’il n’y a pas de prochaine lettre. Gros malin, va ! Rien n’est plus facile …
FIN

Mes Everest : Jacques Roubaud, correspondance

Je publie en deux parties cette correspondance succulente qui nous est proposé par le non moins succulent Jacques Roubaud, membre notoire des « oulipiens »…

LETTRE 1
Je viens de recevoir ta dernière lettre et j’y réponds immédiatement. Tu me demandes si j’ai bien reçu ta dernière lettre et si j’ai l’intention d’y répondre. Je me permets de te faire remarquer que l’envoi de ta dernière lettre fait que la lettre que tu m’as envoyée précédemment n’est plus désormais ta dernière lettre et que si je réponds comme je suis en train de le faire à ta dernière lettre, je ne réponds pas à celle qui est maintenant ton avant-dernière lettre. Je ne peux donc satisfaire à la demande que tu me fais dans ta dernière lettre. J’observerai par ailleurs que ta dernière lettre ne répond pas, contrairement à ce que tu affirmes (je te cite : « J’ai bien reçu ta dernière lettre et j’y réponds immédiatement ») à la lettre où je te demandais, si je m’abuse (mais je ne m’abuse pas, j’ai les doubles) si tu avais bien reçu ma dernière lettre et si tu avais l’intention d’y répondre. En l’absence d’éclaircissements et de réponses de ta part sur ces deux points auxquels j’attache (à bon droit je pense) une certaine importance, je me verrai, à mon regret, obligé d’interrompre notre correspondance.

LETTRE 2
Je n’ai pas encore reçu ta prochaine lettre mais j’y réponds immédiatement. Tu m’y demandes si j’ai bien reçu ta dernière lettre et si j’ai l’intention d’y répondre. Tu te demanderas peut-être comment, n’ayant pas encore reçu ta prochaine lettre, je peux savoir que tu m’y demandes si j’ai bien reçu ta dernière lettre et si j’ai l’intention d’y répondre. La réponse est simple : toutes tes lettres, et celle-ci sera la trois-cent-dix-septième (je les ai toutes, ainsi que les doubles de toutes mes lettres) commencent par : « As-tu reçu ma dernière lettre ? Si oui (et je serais fort étonné que tu ne l’aies pas reçue encore (si c’était le cas, fais-le moi savoir)), as-tu l’intention d’y répondre ? ». C’est ainsi que commençait la première lettre que j’ai reçue de toi. C’est ainsi que commençait la deuxième, la troisième, et ainsi de suite jusqu’à ta dernière lettre, la trois-cent-seizième. Raisonnant donc par induction, j’en déduis que ta prochaine lettre commencera comme les précédentes. Je me considère en conséquence autorisé à y répondre comme si je l’avais dès maintenant reçue. Et je te réponds comme suit : Je viens de recevoir ta dernière lettre et j’y réponds immédiatement. Tu me demandes si j’ai bien reçu ta dernière lettre et si j’ai l’intention d’y répondre. Je me permets de te faire remarquer que l’envoi de ta dernière lettre fait que la lettre que tu m’as envoyée précédemment n’est plus désormais ta dernière lettre et que si je réponds comme je suis en train de le faire à ta dernière lettre, je ne réponds pas à celle qui est maintenant ton avant-dernière lettre. Je ne peux donc satisfaire à la demande que tu me fais dans ta dernière lettre. J’observerai par ailleurs que ta dernière lettre ne répond pas, contrairement à ce que tu affirmes (je te cite : « J’ai bien reçu ta dernière lettre et j’y réponds immédiatement «) à la lettre où je te demandais, si je ne m’abuse (mais je ne m’abuse pas, j’ai les doubles) si tu avais bien reçu ma dernière lettre et si tu avais l’intention d’y répondre. En l’absence d’éclaircissements et de réponses de ta part sur ces deux points auxquels j’attache (à bon droit je pense) une certaine importance, je me verrai, à mon regret, obligé d’interrompre notre correspondance.

Flash…

Au bout il y aura la mer

Cette lente espérance

Qui s’étire sans rien dire

Jusqu’à cet autre bout

Où tu attends le souffle frais de mon regard

O mer on te pardonne le bleu emprunté

Dans le presque soir qui apaise

Dans le lointain reflet de tes yeux

J’attrape une vague lueur

Qui chante déjà

Le doux refrain

De nos mains

Qui s’inventent un beau matin…

A toi…

A toi qui me lira peut-être

Entre ces si courts silences

Qu’il reste quand on s’emplit de ce presque rien

Je voudrais que tu reposes tes yeux

Regarde

Ils suivent les cailloux mauves de mes mots doux

Ils affûtent leurs larmes émoussées

Ils apprennent ce lent refrain à la rime ronde

Écoute

Je t’offre un bouquet de murmures fleuris

Matinales,

Je pose un œil tapissé de poussières de nuit

Sur la vitre aux odeurs de tragique voyage

Humide caresse dérape dans une courbe de sourire

Il est l’heure du matin gris

Carnets…

J’ai toujours beaucoup aimé que les angles puissent être ronds. Histoire qu’une fois au moins dans sa triste et droite vie aux figures imposées la géométrie se permette un rond de jambe, ou mieux encore une pirouette. Une belle et ronde pirouette. Ce serait chouette d’étudier la pirouette, d’en connaître toutes les formules, celle du périmètre, de la surface.

Mais revenons à notre angle qui défie par son rondeur la sévérité pointue de toutes les équerres. Il s’en moque et il est même fier tous les matins de me proposer de suivre le chemin qu’il me propose, tout en douceur.

Et par dessus tout il y a ces fameux angles morts qu’on vous signale, on vous met en garde : « attention aux angles morts ». Je me questionne, mais de quoi sont-ils morts, qui sont les vils auteurs de ce crime géométrique ? Et s’ils sont morts, ils ne sont plus, ils n’existent pas alors pourquoi nous dire de faire attention, que nous réserve t’ils ?

Mystère…

Regards…

Ils sont beaux les regards d’enfants

Ils se posent en douceur

Sans les amers jugements

Sans les plissements sévères

Sans les les verres déformants des idéologies apprises

Ils ajoutent de jolis  frissons

A nos envies de rire

24 juillet

Regards…

Ils sont beaux les regards d’enfant

Ils se posent en douceur

Sans les amers jugements

Sans les plissements sévères

Sans les les verres déformants des idéologies apprises

Ils ajoutent de jolis  frissons

A nos envies de rire

24 juillet

Regards…

Volerie du Forez

Et nous rêverons d’être oiseau

Du triste monde d’en bas

Nous sifflerons la lente fin

Sur les pages blanches d’un ciel apaisé

Du bout de nos ailes aux plumes inspirées

Nous conjuguerons le verbe aimer

A tous les temps des rires retrouvés

23 juillet

Flash…

Dans l’ivresse blanche des sommets

Il arrive que le regard glisse

Sur une plaque de mémoire

Posée là sur la pente raide de nos souvenirs

On plisse les yeux et les sourires enfouies

Ouvrent grand leurs ailes oubliées…

Flash…

Au bout il y aura la mer

Cette lente espérance

Qui s’étire sans rien dire

Jusqu’à cet autre bout

Où tu attends le souffle frais de mon regard

O mer on te pardonne le bleu emprunté

Dans le presque soir qui apaise

Dans le lointain reflet de tes yeux

J’attrape une vague lueur

Qui chante déjà

Le doux refrain

De nos mains

Qui s’inventent un beau matin…

Matinales : il y a juste deux ans…

C’est la dernière ligne droite,
Le dernier jour,
Des tant de petits cailloux semés
Ici et là
Quelques marques blanches
Des traces anciennes de douleurs enfouies
C’est un doux petit matin apaisé
Il pose sur le long chemin de mes mémoires à construire
Tous les mots fleurs
Tous les mots rires
Que j’aime offrir
Compagnes de la belle amitié
La vraie
Celle qui dure, vous serre dans ses bras
Vous fait comme un frisson
Délicates vibrations
Venus de nos printemps intérieurs
Surpris dans l’encore
De se retrouver, se rencontrer, s’aimer
Je saute d’un pied léger
Dans cette douce flaque des belles humanités
Oh oui
Les gouttes des hier tant de fois contées
Eclaboussent
On rit, on pleure, on s’ébroue et s’embrasse
Je marche et trouve sur le long chemin
Les restes parfumés de nos belles histoires à finir…

13 juillet 2023, dernier jour avant la retraite…

Orages de juillet…

…La lumière est plus basse, les premiers nuages naissent, ils se forment. On sent des trous de fraîcheurs qui s’installent au-dessus des têtes. Des oiseaux effrayés s’éparpillent sans réfléchir. Puis  les nuages n’enflent plus, ne s’élèvent plus. Ils ont éliminés l’horizon. Ils  s’étirent,  s’étalent. Plus rien ne les empêche de se rassembler aux quatre coins, là où le regard peut se poser.

Au sol, il y a  ce noir qui tombe par plaques lourdes de ce sombre qui repousse les derniers éclats d’un soleil qui en a trop fait aujourd’hui.

En quelques heures, la chaleur est oubliée. L’angoisse monte. Une angoisse emplie des respirations qui se retiennent. C’est la crainte de ceux qui ont peur, de ceux qui ont appris l’orage comme une colère, comme une punition. Ils attendent. Ils regrettent les brûlures du soleil qu’ils maudissaient après déjeuner. Ils auraient pu patienter, supporter.

Vu d’en haut, c’est comme une étendue de silence, on dirait une mer d’huile qui se prépare aux déchaînements. Il y a des yeux qui cherchent le premier éclair, le signe du départ, du début. Les portes se ferment, les rideaux se tirent, les lèvres se pincent, les mâchoires se crispent. C’est la peur qui déroule, qui enfle…

Mes Everest : Albert Camus , l’exil et le royaume…

…Des guirlandes d’étoiles descendaient du ciel noir au-dessus des palmiers et des maisons. Elle courait le long de la courte avenue, maintenant déserte, qui menait au fort. Le froid, qui n’avait plus à lutter contre le soleil, avait envahi la nuit ; l’air glacé lui brûlait les poumons. Mais elle courait, à demi aveugle dans l’obscurité. Au sommet de l’avenue, pourtant, des lumières apparurent, puis descendirent vers elle en zigzaguant. Elle s’arrêta, perçut un bruit d’élytres et, derrière les lumières qui grossissaient, vit enfin d’énormes burnous sous lesquels étincelaient des roues fragiles de bicyclettes. Les burnous la frôlèrent ; trois feux rouges surgirent dans le noir derrière elle, pour disparaître aussitôt. Elle reprit sa course vers le fort. Au milieu de l’escalier, la brûlure de l’air dans ses poumons devint si coupante qu’elle voulut s’arrêter. Un dernier élan la jeta malgré elle sur la terrasse, contre le parapet qui lui pressait maintenant le ventre. Elle haletait et tout se brouillait devant ses yeux. La course ne l’avait pas réchauffée, elle tremblait encore de tous ses membres. Mais l’air froid qu’elle avalait par saccades coula bientôt régulièrement en elle, une chaleur timide commença de naître au milieu des frissons. Ses yeux s’ouvrirent enfin sur les espaces de la nuit.

Mes Everest : Albertine Sarrazin…

Albertine, encore et toujours : un nouvel extrait de la traversière…

…Peut-être ne plongerons-nous jamais du haut du pont du Gard, ne ferons-nous pas le tour du monde et ne reverrons-nous que bien plus tard, ou pas du tout, ces gens auxquels, du fond de la paillasse, bien au noir, on rêvait de tordre le cou, dont on sentait le cou tiède sous les mains ; nous n’avons pas encore réalisé les ébauches, les projets fous, les inventions, les vengeances : nous avons oublié l’impatience, nous ne sommes pas pressés.

Nous laissons les lendemains venir à la rencontre du présent, notre présent oasis entre le froid et l’été où se reposent les démons. Nouveaux remariés, nous passons du temps frileux et ébloui à nous réapprendre l’amour, blottis entre le plaid mince et le matelas galette où des auréoles pisseuses correspondent aux infiltrations pluvieuses du plafond, cependant que le mistral claque comme rideaux, se plaque aux murs, tirebouchonne la cheminée ; nous sommes allés une fois à la rivière, une fois à la piscine, une fois au cinéma, une fois aux courses de taureaux, tout une fois et ça nous suffit.

Matinales…

Sur la longue et terne table à la nappe froissée

Quelques miettes de nuits aux terreurs agitées

Racontent les laides peurs en jaune pointillé

Des ceux qui oublient que le ciel les a aimés…

8 juillet

Oui mais…

Ce qu’il faudrait c’est dénoncer l’invasion russe

Oui mais

Ce qu’il faudrait c’est dénoncer les massacres du sept octobre

Oui mais

Ce qu’il faudrait c’est dénoncer la folie meurtrière de Netanyahou

Oui mais

Ce qu’il faudrait c’est dénoncer les guerres impérialistes

Oui mais

Ce qu’il faudrait c’est dénoncer les fanatismes

Oui mais

Ce qu’il faudrait c’est dénoncer les terrorismes

Oui mais

Ce qu’il faudrait c’est dénoncer l’enfermement de Boualem Sansal

Oui mais

Ce qu’il faudrait c’est s’écouter

Ce qu’il faudrait c’est ne pas instrumentaliser les souffrances

Ce qu’il faudrait c’est ne pas sélectionner ses indignations

Ce qu’il faudrait c’est écouter

Ce qu’il faudrait c’est entendre

Ce qu’il faudrait c’est se battre pour la paix

Et refuser le oui mais…

7 juillet 2025

Petit matin d’été…

Lever de soleil sur le Pilat : juillet 2018

C’est un tout petit matin ordinaire,

Dans la douce lumière qui s’éveille,

De rimes en rimes le soleil me tire du sommeil.

C’est un tout petit matin d’ici ,

Les premiers rayons au jaune si  pâle

Sur la crête s’étalent.

Plus loin , la nuit qui s’étire  a résisté.

Dans l’ombre fraîche du matin,

La pénombre s’est noyée.

Pas un bruit, pas un souffle ,

La chaleur a tout figé.

C’est un petit matin d’été ,

Timidement aux portes de la beauté, il a frappé.

C’est un matin d’été,

Sans parler je l’ai regardé,

Dans un sourire je l’ai aimé.

J’attends

Je suis d’une grammaire oubliée 

Je conjugue le verbe attendre

A tous les temps de l’impatience

J’écoute aux portes des sourires croisées

J’y entends le chant secret des absents

Je cherche des traces d’amitiés

Les arrime aux belles et rondes rimes

Sur la rive mauve de mes basses marées

Ô vous qui ne me voyez

J’attends

Oui j’attends vous le savez

Un signe de la main

A ceux qui se baissent pour pleurer

Cri…

Le deuxième texte que j’ai écrit il y a longtemps déjà et que nous avons à lui à deux voix, dans les deux langues de nos pays respectifs

Sur les fragiles rives de notre humanité en souffrance
Déferlent des torrents de haines
Le vent mauvais qui les pousse est une insulte à la mer et ses vagues
Sur le chemin défoncé de nos restes d’espérance
J’avance en pleurant les grands absents
La force d’aimer a quitté les amputés du sourire
Les mots crépitent sur les écrans tâchés de sang
Chacun se fige dans une morale glacée
Les soirs où j’ai honte de cette agonisante humanité
Je rêve que l’oiseau des océans qui sommeille
Dans l’arrière-pays de ma lourde tête
S’envole en riant

3 novembre 2023

Rêve de paix…

Nous avons accueilli pendant une semaine des familles ukrainiennes pour une semaine de répit, il s’agissait pour la plupart de mamans avec leurs enfants dont le papa a été tué sur le front. Ce fut une semaine chargée d’émotions intense, la guerre qui paraît toujours lointaine et étrangére est soudain entrée dans nos maisons… Voici le texte que j’ai lu après traduction avec mon ami Volodymir, à l’issue de cette semaine si particulière…

Après les pluies de moites haines

On s’envase dans les marais de l’ignoble

Les pas sont si lourds que les visages se courbent

Vers les bas-fonds des ragots numériques

Mais il viendra le temps où les mots rouleront en paix

Entre les lignes ils se parleront d’une voix basse

Ils déposeront leurs armes sans rimes dans les marges

Il viendra le temps des brumes mauves

Qui inventent des sourires de papier

Au bas des pages de nos histoires d’aimer.