
Il n’est pas du genre à rêver que de couleurs exotiques aux senteurs de vanille. Ce matin il a l’émotion facile, et il s’emplit de ces odeurs de vrai, de ces bruits qui hésitent à dépasser le silence. Il se met alors à aimer cette salle lugubre au carrelage rafraîchi par l’air vif qui transperce les corps. Il se délecte de ce paysage humain qui raconte que la vie c’est aussi le muscle qui souffre, il aime ce quotidien qui rend ridicule les sornettes de ceux qui imaginent un monde devenu uniquement fluorescent. Là, il y a du gris, de ce gris noble et parlant qui creuse les regards et serre les gorges. Et il pense à tous ces discours qu’on dit beau, de ceux qui parlent des autres sans ne les avoir jamais croisés. Il pense à ceux qui affirment, à ceux qui concluent, à ceux qui cherchent à mettre en mot, ce qui ne peut être que vu, que ressenti.
Il se dit : « oui messieurs les penseurs, les décideurs, les chercheurs du matin tiède, quand vous rêvez, quand vous rêvez dans vos vies au relief pastel, il y en a des qui se tassent les uns contre les autres pour avoir moins froid, pour mieux se comprendre, pour mieux s’aider. Il y en a qui mettent de l’amour dans des gestes que vous analysez avec mépris, avec arrogance en les affublant du nom de compétences. Oui messieurs, il y en a qui rêve plus fort que vous, plus vrai que vous. Et quand vous retournerez dans votre confort nocturne ou que votre esprit se reposera des efforts de la veille à imaginer ce qui se passe lorsque vous n’y êtes plus, il y en a qui prendront un train un peu plus gris que le vôtre, pour vous construire un monde que vous avez oublié de comprendre.