Flash…

Il est l’heure qui navigue Ć  vue

Entre le souffle du jour qui s’affaisse

Et l’étreinte espĆ©rĆ©e d’une nuit souriante

J’aime cette douce caresse du silence

Elle me parle Ć  basse voix

De ces belles histoires

Qu’on murmure Ć  l’oreille des enfants  

Le soir glisse tout doucement…

Le soir glisse tout doucement.

 Il vient de l’ouest chargĆ© de cette douceur qui le font espoir

Le soir avance. Le lac l’attend, repu de cette journĆ©e où chaque ride de l’eau est un sourire

Un sourire pour dire Ć  la mer,  si loin, que derriĆØre les yeux qui se posent sur cette surface apaisĆ©e

Il y a comme un regard marin, quelques rides en moins.

Le soir descend des montagnes,

On respire dans l’air qui descend les fleurs des sommets

Pas un bruit de moteur, pas un cri mƩcanique, le silence est simple

Il est venu avec le soir, les yeux se ferment, le souffle est profond

Dans la tĆŖte et dans les corps le lac s’est invitĆ©

L’oiseau s’est posĆ©, le temps s’est ralenti

Maintenant il faut rentrer, les yeux vont se fermer, tout est apaisƩ

Le chant du large…

Au fond de mes poches,
Quelques miettes de ciel.
Dans le creux de ma paume pressƩe,
J’ai pris quelques cailloux mauves.
En riant les ai semƩs.
Une à une, bulles légères
Sautillent, pƩtillent
Dans long couloir sans Ʃcume
Foule sans sillage,
N’entend pas le chant du large.

Mes Everest, Richard Rognet…

Si ce poĆØme te plaĆ®t, esquive-toi, flagelle-toi et rĆ©serve tes faveurs aux silences. L’averse te rĆ©clame, tu dƩƧois ton insomnie et tu pleures en dĆ©livrant mes paresses. Tu escalades ma voix Ć  l’angle du remords et faisant fi des branches, tu reviens sans complice, plus voĆ»tĆ© que le ciel. L a richesse immĆ©diate des bourgeons dĆ©fie notre exil et se partage nos douleurs sans qu’un visage nous libĆØre. Nous ne sommes d’aucun miracle.

Flash..

EngluƩ entre les quatre murs de mon angoisse

Je voudrais sauter comme l’enfant

TĆŖte Ć  l’envers

Pieds joints dans la flaque d’un reste de bleu

Je voudrais aplanir la larme coupante

Du peut-être des demains aiguisés

A la pierre des tristes peurs

Ɣ pluie des rires arrondis

Je t’attends c’est promis…

30 mai 2023

Chuuuuint…

Anton se souvient quand ils ont pris la voiture avec Marcel son pĆØre. Il Ć©tait trĆØs tĆ“t quand ils sont entrĆ©s sur l’A7. Ils ont roulĆ© prĆØs de deux heures sans rien dire avec simplement le bruit du moteur et les chuintements des autres voitures, plus rapides, et qui vous doublent en produisant ce souffle, chuuuinnt, si caractĆ©ristique quand la vitre est lĆ©gĆØrement ouverte. Ce bruit, Marcel dit que c’est un chuintement. C’est vrai que c’est un mot qui va bien, parce que si on ouvre la vitre plus grand, c’est pas pareil Ƨa ne chuinte plus, c’est autre chose, un autre son qu’on ne retient pas, qu’on n’arrive pas Ć  capturer dans sa mĆ©moire pour en faire un joli mot.

Il se souvient. Ils se sont arrĆŖtĆ©s sur une aire, il faisait chaud, il y avait le bruit des camions et on entendait les premiĆØres cigales. L’A7 c’est le sud et le sud c’est les cigales. Le sud : l’air est sec, les cigales vibrent, les chuintements se gravent dans la mĆ©moire, les camions rugissent au loin. Anton regarde Marcel qui s’étire dans un sourire. Ils sont sortis de la voiture, sans rien dire, parce que dans ces moments-lĆ , il ne faut rien dire pour ne pas prendre le risque d’abĆ®mer ce qui va entrer en vous. Ils sont sortis et il y a eu le claquement simultanĆ© des deux portiĆØres, bruit de mĆ©tal et de cuir, enfin il pense que le cuir c’est ce bruit lĆ  que Ƨa fait. Ils ont marchĆ© quelques dizaines de mĆØtres et maintenant les odeurs prennent toute la place dans la machine Ć  Ć©motions.

Les odeurs sur une aire d’autoroute : il y a l’essence bien sĆ»r, le caoutchouc un peu chaud aussi, un mĆ©lange qui se marie avec les bruits qu’on entend. Marcel et Anton sont bien mais ne le disent pas, ils le savent, le comprennent sans se regarder, c’est Ć©crit dans le silence tranquille qui s’est posĆ© entre eux. Anton a quand mĆŖme levĆ© la tĆŖte, son regard a croisĆ© celui de Marcel, et aujourd’hui Anton se souvient. C’est ce jour-lĆ , il avait une dizaine d’annĆ©es, qu’il a commencĆ© Ć  comprendre ce que c’était qu’être un autre, ĆŖtre diffĆ©rent, il a compris que c’est accepter de se jeter dans les bras de l’émotion, entiĆØrement, sans rĆ©flĆ©chir, sans s’interdire, y compris dans ces moments et ces lieux que tous ceux qui discourent sur le bonheur, sur le beau rejettent et abandonnent sur les rives bleues de leur vie. 

Ces marcheurs de rĆŖve vous vendent des plages blanches, des couchers de soleil et soudain vous ĆŖtes lĆ  sur une aire d’autoroute, un peu aprĆØs MontĆ©limar. Votre voiture n’a pas d’acajou, les siĆØges sentent la chaleur, mais quand vous sortez, lĆ , avec votre pĆØre, votre pĆØre cet incroyable personne qui vous a ditĀ : « pas d’interdit, ne retiens pas, laisse-toi aller, ne trie pas tes Ć©motionsĀ Ā». Et les Ć©motions entrent Ć  plein bouillons. Bien sĆ»r une voix bien-pensante est lĆ  pour vous rappeler que ce n’est pas normal, ridicule mĆŖme. Mais vous vous moquez, vous laissez entrer et Ƨa fait comme une vague et c’est la premiĆØre fois que Anton s’est ditĀ : « ça y est j’ai compris, je suis un autre… »

Extrait de mon quatriĆØme manuscrit en cours d’Ć©criture

Le temps est au sourire…

Je suis Ć  la fenĆŖtre

Du si simple rĆŖve

Qui se pose au matin

Sur la palette de mes envies

Le temps est au sourire

Douce main du peintre endormi

Caresse du bout des doigts Ʃblouis

Blanche toile d’un soleil assagi

Mes Everest, Pierre Dalle Nogare…

RƩcit du seul

Tu es saturƩ de toi,

De la horde des mots

Que nul cri ne dƩchire,

Tu dialogues avec les vitres

Et dedans tu vois le chemin noir,

Les soleils aveugles,

Le fracas qui germe en ta poitrine :

Tu divises

L’alliance et la lumiĆØre

Pour que les murs

Regardent celui qui passe :

Autrefois ce ciel coupƩ de blanc

Etait ta demeure

Où tu cherchais

L’ombre que tu es :

Aujourd’hui

Seuls tes doigts parlent

Vers le lierre et la mer.

Flash, inĆ©dit…

Chaque jour le monde se blesse
Seuls deux aimants se regardent pleurer
Pas une main pour rassurer les tremblants
Pas un rire d’enfant pour souffler
Pas une rime en aile pour espƩrer
Le monde est abattu
On ne l’entend plus rĆŖver
Il saigne de tristes larmes sans sel
Aux quatre coins du ring des haineux

28 avril

Homme de moins que rien…

Homme de moins que rien
Visage mou
Regard moite
Poisseux d’aigres sueur
Qui s’incruste entre les rires innocents
Homme de moins que rien
Expire le mauvais parfum
De la suffisance des quelques siens
Il Ʃtait de ces bavards inutiles
Qui encombre les salons
Homme de moins que rien
Creuse en soufflant
Un gras sillon de silences aigris
Ils Ʃtaient tant Ơ le suivre
Roses fanées à la boutonnière
Oublieux de ses arrogances
Dans ce monde aux sourires sucrƩs
Ignobles, infâmes
Ont repris en cœur
L’hymne gris de leurs violences cachĆ©es

Le temps est au sourire…

Je suis Ć  la fenĆŖtre

Du si simple rĆŖve

Qui se pose au matin

Sur la palette de mes envies

Le temps est au sourire

Douce main du peintre endormi

Caresse du bout des doigts Ʃblouis

Blanche toile d’un soleil assagi

Mes Everest, Jean Rousselot…

Nue

Nue sous son Ć¢me, elle tremble d’enfance. Mais dit que c’est la lĆØpre et veut mourir. Elle a pourtant des mains de sultane pour fouiller la neige et tous les rois sont ses cousins.

Je voulais ĆŖtre sa ceinture qui meurtrit sa hanche ; un peu de sueur sur sa probitĆ© ; le drap qu’elle mordille Ć  l’aube, tandis que les autres femmes battent les tapis;

Mais l’eau de sa bouche m’a glacĆ© le coeur. Mais je hais le feu dont elle est l’esclave.

MĆ©moires…

Oh gentils bavards

Qui avaient posƩ

Petite pierre sĆØche sur le vieux mur

De ma mƩmoire fatiguƩe

Je n’oublie pas vous savez

Rien n’a disparu

Tout est endormi

Ces trous de silence ne vous disent rien

Regardez

Sans rien espƩrer

Il y a des brumes mauves

Qui se lĆØvent derriĆØre le ciel de l’oubli

Douces caresses d’un soleil argentĆ©

Ne dites rien

Je vous en prie

Je suis tellement fatiguƩ

Matinale, inĆ©dit…

A l’angle du matin encore drapĆ©e de songes profonds

J’ai croisĆ© un porteur d’espoir aux poches vides

Je n’ai rien dit pour ne le retarder

Lentement sans un mot

CourbƩ il est passƩ

Il est temps

Il faut rentrer

27.04.2025

Mes poĆØmes de jeunesse…

Aux adultes en sursis d’enfance

Un enfant passe

Une histoire l’attaque

le rabote l’assoiffe et l’affame

Le pousse

Au supplice du sentiment d’habitude

Devant les adultes majuscules

Qui ont mal conjuguƩ

Leur verbe aimer

Et il est tombƩ

Dans un trou

Où les ombres s’ennuient

Par manque d’Ć©ternitĆ©

Texte Ć©crit en 1979…

Matinales…

Dans un long tremblement de ciel
Tu as plongƩ le feu de ton regard
Au bout de ce qui te reste de terre noire
Claque le drap plissƩ du sombre agonisant
La bataille du rĆŖve s’est achevĆ©e
Dans la raideur du corps qui s’étire
Ils sont si beaux les retours qui se suivent
Que ton encore premiĆØre marche
Est souple comme une naissance

Mes Everest : « Je voudrais une fĆŖte Ć©trange et trĆØs calme », Jacques Bertin…

Je voudrais une fête étrange et très calme
avec des musiciens silencieux et doux
ce serait par un soir d’automne un dimanche
un manĆØge trĆØs lent, une fine musique
 
Des femmes nues assises sur la pierre blanche
Se baissent pour nouer les lacets des enfants
Des enfants en rubans et qui tirent des cerfs-volants blancs
Les femmes fredonnent un peu, leur tĆŖte penche
 
Je voudrais d’éternelles chutes de feuilles
L’amour en un sanglot un sourire lĆ©ger
Comme on fait entre ses doigts glisser des herbes
Des femmes calmement Ʃperdues allongƩes
 
Des serpentins qui voguent comme des priĆØres
Une danse dans l’herbe et le ciel gris trĆØs bas
lentement. Et le blanc et le roux et le gris et le vert
Et des fils de la vierge pendent sur nos bras
 
Et mourir aux genoux d’une femme trĆØs douce
Des balanƧoires vont et viennent des appels
Doucement. Sur son ventre lourd poser ma tĆŖte
Et parler gravement des corps. Le jour s’en va
 
Des dentelles des tulles dans l’herbe une brise
Dans les haies des corsages pendent des nylons
Des cheveux balancent mollement on voit des nuques grises
Et les bras renvoient vaguement de lourds ballons

Vers la lumiĆØre 4

Cheval de bois

N’en peut plus de tourner

Du manège des enfermés

D’un bond joyeux

Il s’est Ć©chappĆ©

Dans la danse des ƩchevelƩs

Il est entrƩ

Vers la lumiĆØre 3

C’Ć©tait une si lente nuit pĆ¢le

Lourde de trop longues heures

PĆ¢les et poisseuses

Derrière les fenêtres aux rêves fermés

Pas un un chant

Plus un cri

Un silence dur et coupant

Brise un espoir qui s’envole

Vers la lumiĆØre 2

Je n’entends pas le long cri

De l’arbre nu Ć  en pleurer

Entre tes bras dessƩchƩs

Je me ferai feuille blanche

Pour t’entendre espĆ©rer

Vers la lumiĆØre

Quand l’arbre gris

De mes peurs enfouies

Ɖtire dans un ciel sans vie

Les maigres noeux de ses bras secs

J’entends le souffle court

De mes courses Ʃperdues

Sur les routes rondes et fleuries

De ma belle Ʈle de brume bleue

Mes Everest. IsmaĆ«l KadarĆ© : « La plaine est sombre… »

La plaine est sombre, elle se dilue dans la nuit.

Noirs, les arbres dressent Ć  l’affĆ»t leurs silhouettes de bandits.

Un éclair lacère les ténèbres dans le lointain.

Il pleut Ć  verse. Je suis seul au bord du chemin.

Noirs, les arbres guettent. On dirait des bandits

Décidés à te garder prisonnière de la nuit.

RĆŖvons un peu…

Et si demain chacune et chacun acceptait de reconnaĆ®tre qu’il s’est trompĆ©, qu’il n’a pas Ć©coutĆ© ou qu’il a transformĆ© ce qu’il a entendu en le faisant passer dans le filtre de son tamis idĆ©ologique.
Oui, il serait bien que chacune et chacun accepte de dire : Ā« oui je me suis trompĆ©, j’ai commis une erreur (mĆŖme une petite erreur) Ā».
Non, je vous rassure nous ne demandons pas de sombrer dans l’autoflagellation que s’impose les bigots. Allez, tiens ! Nous souhaitons ĆŖtre mesurĆ©, Ć  la limite de l’indulgence, et nous vous accordons le droit Ć  utiliser le peut-ĆŖtre : Ā« je me suis peut-ĆŖtre trompĆ© Ā».
Vous remarquerez que tout doucement nous vous conduisons sur un chemin dont vous aviez oubliĆ© l’existence que vous ne retrouviez plus sur vos cartes froissĆ©es au fond d’un tiroir : le chemin de l’humilitĆ© et de la vĆ©ritĆ©.
Sur ce chemin, il n’y aura personne, vous serez seul. Personne pour vous entendre, pour vous juger, pour vous remettre sur les rails, pour vous dire : Ā« non tu te trompes, ce n’est pas comme cela qu’il faut penser, non tu te trompes ce n’est pas cela qu’il faut penser. Ā»
Le silence vous inspirera vous verrez et vous cheminerez donc, en toute humilitĆ©, et soudain l’incroyable se produira, quelque chose dont vous aviez oubliĆ© la saveur, la fraĆ®cheur.
Oui soudain vous penserez par vous-mĆŖme.
Ā« Penser par soi-mĆŖme, tiens je n’y avais pas pensĆ©, ou plutĆ“t on m’avait persuadĆ© que je le faisais mais j’avais oubliĆ© deux ingrĆ©dients essentiels : la libertĆ© et l’humilitĆ©.
Allez mes amis, on s’y met…

Regards…

Je voudrais Ʃcrire une histoire des regards

Regards croisƩs

Regards posƩs

Regard aimƩs

Regards secrets

Qui entrent dans la chair de nos silences

Nous murmurent des entre-mots oubliƩs

Aux ailes rondes et fripƩes

Et nous chantent la douce mƩlodie

Des amours attendues

2 avril

Matin froissƩ

C’est un matin barbouillĆ©

Repue d’un lourd gris huilĆ©

La nuit mauvaise s’est retirĆ©e

La lumière à marée basse oubliée

Nous attend entre les plis du ciel froissƩ

Lumière est à marée basse

Mes Everest : Albertine Sarrazin

Il y a des mois que j’écoute
Les nuits et les minuits tomber
Et les camions dƩrober
La grande vitesse Ć  la route
Et grogner l’heureuse dormeuse
Et manger la prison les vers
Printemps ƩtƩs automnes hivers
Pour moi n’ont aucune berceuse
Car je suis inutile et belle
En ce lit où l’on n’est plus qu’un
Lasse de ma peau sans parfum
Que pâlit cette ombre cruelle
La nuit crisse et froisse des choses
Par le carreau que j’ai cassĆ©
Où s’engouffre l’air du passĆ©
Tourbillonnant en mille poses
C’est le drap frais le dessin miĆØvre
LƩchant aux murs le reposoir
C’est la voix maternelle un soir
Où l’on criait parmi la fiĆØvre
Le grand jeu d’amant et maĆ®tresse
Fut bien pire que celui-lĆ 
C’est lui pourtant qui reste lĆ 
Car je suis nue et sans caresse
Mais veux dormir ceci annule
Les prĆ©cĆ©dents Ah m’évader
Dans les pavots ne plus compter
Les pas de cellule en cellule

En attendant l’omelette, version intĆ©grale…

En attendant l’omelette…

C’est l’odeur du tabac qui m’a incitĆ© Ć  lever la tĆŖte de mon journal. Je devais ĆŖtre Ć  Paris en fin de journĆ©e, et comme je ne supporte plus les autoroutes, j’avais dĆ©cidĆ© de prendre la nationale, et de traverser, comme autrefois, toute la Bourgogne. Je suis parti tĆ“t ce matin, et j’ai eu envie de m’arrĆŖter boire un cafĆ© dans un bar. Je suis arrivĆ© dans cette petite ville de Villeblevin qui m’a l’air bien tranquille, et qui pour une raison que j’ignore encore, me rappelle quelque chose.

En entrant au Ā« cafĆ© des touristes Ā», j’ai tout de suite reconnu ce parfum si particulier que laissent les cigarettes de tabac brun. C’étaient celles que fumait mon pĆØre. L’odeur du tabac et une voix… Une voix qui sonne bien. Je connais cette voix, ou plutĆ“t je la reconnais.

Il Ć©tait lĆ , au comptoir, dans cette position si particuliĆØre : celle où on reste vaguement debout, tout en faisant corps avec le bar, le coude gauche, l’avant-bras mĆŖme, est posĆ© sur le zinc et la main droite porte Ć  la bouche une petite tasse de cafĆ©. Entre les doigts de cette mĆŖme main, une cigarette tremble.

Je suis pĆ©trifiĆ©, je l’ai reconnu, il n’a pas changĆ©, il est lĆ … Albert Camus est en train de boire un cafĆ©, et de fumer une cigarette. Certainement pas la premiĆØre de la journĆ©e. Je le regarde dans ce geste banal, et bĆŖtement ma seule interrogation, Ć  ce moment-lĆ , est de me demander comment il va faire… La cigarette, la tasse, le corps totalement disloquĆ©, il va faire tomber quelque chose : tasse, ou cigarette ?

Surprenant comme le banal et le ridicule s’invitent parfois Ć  la table de l’invraisemblable. Et oh, Eric !  Tu te rĆ©veilles ? Il est lĆ , ton maĆ®tre absolu, ton phare, celui dont tu parles tous les jours, que tu invoques Ć  n’en plus pouvoir.

Oui, Albert Camus est lĆ  ! Et il m’observe !  Il ne pourrait d’ailleurs guĆØre faire autre chose, puisque nous sommes les deux seuls clients. Le patron a rĆ©pondu briĆØvement quelques mots Ć  Albert. Il semble ailleurs, et on ne distingue que ses lĆØvres qui remuent dans un monologue intĆ©rieur, alors qu’il essuie compulsivement ses verres Ć  biĆØre…

Camus ! Albert Camus ! Un mĆØtre linĆ©aire de ma bibliothĆØque ! Il est lĆ , devant moi, tranquillement Ć  boire un cafĆ©, comme un habituĆ©. Il faut que je lui parle, il faut que je lui dise, j’ai tant de choses Ć  lui raconter, d’avis Ć  lui demander, d’indignations Ć  partager. Ma bouche devient sĆØche, comme si je venais de sucer un morceau de craie. Je sens bien que les battements de mon cœur se sont accĆ©lĆ©rĆ©s. Machinalement, je porte ma tasse Ć  la bouche et je balaie du regard les titres du journal local que j’ai pris en entrant.

Et soudain le dĆ©clic : Villeblevin ! Je comprends…Bien qu’étant incollable sur tout ce qui concerne Albert Camus, je n’avais pas rĆ©alisĆ© que je venais de m’arrĆŖter Ć  Villeblevin, cette petite commune dans le Nord de l’Yonne où un terrible accident s’est produit il y a soixante-cinq ans. Juste mon Ć¢ge ! Je suis Ć  Villeblevin et Albert Camus y est aussi, Ć  dĆ©guster cigarettes et cafĆ©. Pourtant, on n’a plus le droit de fumer dans les bars. Je me surprends Ć  ĆŖtre envahi de questions et de rĆ©flexions toutes plus stupides les unes que les autres. PlutĆ“t que de m’interroger sur ces fadaises, je devrais dĆ©jĆ  ĆŖtre accoudĆ© au bar, moi aussi, et lui parler. Ce n’est pas un sosie, c’est impossible ! La voix : cette voix, je l’ai reconnue. Je vais me lever…

Je n’ose pas, c’est au-dessus de mes forces. Je vais passer une nouvelle commande. Je lĆØve la main pour faire signe au patron. Je me dis que je pourrais l’interroger discrĆØtement. Il faut que je me concentre, que j’ai l’air normal, que je ne donne pas l’impression d’être un Ā« fan Ā» illuminĆ© et aveuglĆ©. Le patron arrive, il traĆ®ne un peu les pieds, et ne me semble pas dĆ©bordant d’enthousiasme.

– Vous dĆ©sirez autre choseĀ ?

– Oui, je m’aperƧois que depuis ce matin j’ai le ventre vide, et je vous commanderais bien une omelette aux champignonsĀ : j’ai vu que vous en aviez Ć  la carte.

– Pas de problĆØme, mais il vous faudra patienter un peu, parce que les champignons sont toujours dans le panier, tout frais ramassĆ©s d’hier aprĆØs-midiĀ : Ā des chanterelles, vous verrez elles sont fabuleuses avec un peu d’ailĀ ! Ā Autre choseĀ ?

– Oui, euh, le monsieur lĆ -bas au bar, je me disais que, enfin on dirait….

– Ah je m’en doutais quand je vous ai vu m’appeler…Oui oui, c’est bien lui, c’est Albert. Ā Albert Camus. Vous le connaissezĀ ?

– Si je le connaisĀ ? Vous me demandez si je connais Albert CamusĀ ?

– Vous savez, moi les bouquins ce n’est pas mon truc, ce que je peux vous dire c’est qu’il est lĆ  tous les matins.

– Mais enfin, enfin, il est mortĀ ! Vous le savez bien, il s’est tuĆ© il y a soixante-cinq ans pas loin d’ici …

– Oh, vous savez faut pas croire ce que vous racontent les journaux… Si vous voulez, je vais lui dire que vous aimeriez lui parler, vous aurez le temps pendant que je prĆ©pare votre omelette.

Il s’éloigne, le pas un peu plus dynamique. C’est certainement Ć  l’idĆ©e de prĆ©parer ses chanterelles. ArrivĆ© Ć  la hauteur d’Albert Camus, je le vois qui lui glisse un mot Ć  l’oreille. Albert pose sa tasse sur le comptoir, Ć©crase sa cigarette, s’étire en souriant, et s’approche de ma table. Je dirais qu’il n’y a pas plus de six mĆØtres qui nous sĆ©parent ! Ƈa y est, il va s’asseoir Ć  ma table, je vais lui parler, je vais avoir une conversation avec mon idole absolue. Il faut que je me calme. Commencer par quoi ? LittĆ©rature ? Politique intĆ©rieure ? Situation internationale ?  Oui, c’est cela, il faut que je lui demande comment il juge la montĆ©e du totalitarisme. Non, il faut que je l’interroge d’abord sur la nouvelle vague d’antisĆ©mitisme, que je lui fasse part de mes rĆ©flexions sur les camisoles idĆ©ologiques dans lesquelles chacun s’enferme. Il faut que, il faut que…

Il s’assoit en face de moi. C’est lui, c’est bien lui :  son regard, sa prĆ©sence… Comment dire ?  Une prĆ©sence oui. Mais lumineuse. Lumineuse ?  Non :  solaire, solaire comme son style, comme Noces Ć  Tipaza. Je l’entends : Ā« A certaines heures, la campagne est noire de soleil. Les yeux tentent vainement de saisir autre chose que des gouttes de lumiĆØre et de couleurs qui tremblent au bord des cils Ā».

Il prend le temps de m’observer, de me dĆ©visager. Je suis paralysĆ©, je crains de paraĆ®tre ridicule, il faut que je plie ce journal local. Ce ne sont certainement pas ses lectures favorites. Tiens, il faudra que je lui demande quel est le dernier roman qu’il a lu. Je pourrais aussi lui parler de mes textes, de mes poĆ©sies, de mes nouvelles. Non, c’est malvenu, je ne vais pas gaspiller le peu de temps que nous allons avoir, Ć  lui parler de moi. Il faut quand mĆŖme que je lui demande comment il s’en est sorti de cet accident, parce que, il a bien eu lieu… Et Ā« Le premier homme Ā» ce magnifique manuscrit, qui Ć©tait dans la Vega quand ils ont heurtĆ© le platane. Ā« Le premier homme Ā», tellement beau… Il faut que je le lui dise.

Il est assis en face de moi, il vient de sortir son paquet de cigarettes. Je les reconnais, ce sont des gitanes, celles que fumait mon pĆØre… Il a ce geste tant de fois rĆ©pĆ©tĆ©es : un petit tapotement sur le fond du paquet pour que deux cigarettes puissent sortir. Il sourit et soupire comme s’il se prĆ©parait Ć  une longue conversation avec un ami. Il me tend le paquet.

– Non merci, je ne fume pasĀ !

Avril 2025

« En attendant l’omelette », suite et fin..

Il s’éloigne, le pas un peu plus dynamique. C’est certainement Ć  l’idĆ©e de prĆ©parer ses chanterelles. ArrivĆ© Ć  la hauteur d’Albert Camus, je le vois qui lui glisse un mot Ć  l’oreille. Albert pose sa tasse sur le comptoir, Ć©crase sa cigarette, s’étire en souriant, et s’approche de ma table. Je dirais qu’il n’y a pas plus de six mĆØtres qui nous sĆ©parent ! Ƈa y est, il va s’asseoir Ć  ma table, je vais lui parler, je vais avoir une conversation avec mon idole absolue. Il faut que je me calme. Commencer par quoi ? LittĆ©rature ? Politique intĆ©rieure ? Situation internationale ?  Oui, c’est cela, il faut que je lui demande comment il juge la montĆ©e du totalitarisme. Non, il faut que je l’interroge d’abord sur la nouvelle vague d’antisĆ©mitisme, que je lui fasse part de mes rĆ©flexions sur les camisoles idĆ©ologiques dans lesquelles chacun s’enferme. Il faut que, il faut que…

Il s’assoit en face de moi. C’est lui, c’est bien lui :  son regard, sa prĆ©sence… Comment dire ?  Une prĆ©sence oui. Mais lumineuse. Lumineuse ?  Non :  solaire, solaire comme son style, comme Noces Ć  Tipaza. Je l’entends : Ā« A certaines heures, la campagne est noire de soleil. Les yeux tentent vainement de saisir autre chose que des gouttes de lumiĆØre et de couleurs qui tremblent au bord des cils Ā».

Il prend le temps de m’observer, de me dĆ©visager. Je suis paralysĆ©, je crains de paraĆ®tre ridicule, il faut que je plie ce journal local. Ce ne sont certainement pas ses lectures favorites. Tiens, il faudra que je lui demande quel est le dernier roman qu’il a lu. Je pourrais aussi lui parler de mes textes, de mes poĆ©sies, de mes nouvelles. Non, c’est malvenu, je ne vais pas gaspiller le peu de temps que nous allons avoir, Ć  lui parler de moi. Il faut quand mĆŖme que je lui demande comment il s’en est sorti de cet accident, parce que, il a bien eu lieu… Et Ā« Le premier homme Ā» ce magnifique manuscrit, qui Ć©tait dans la Vega quand ils ont heurtĆ© le platane. Ā« Le premier homme Ā», tellement beau… Il faut que je le lui dise.

Il est assis en face de moi, il vient de sortir son paquet de cigarettes. Je les reconnais, ce sont des gitanes, celles que fumait mon pĆØre… Il a ce geste tant de fois rĆ©pĆ©tĆ©es : un petit tapotement sur le fond du paquet pour que deux cigarettes puissent sortir. Il sourit et soupire comme s’il se prĆ©parait Ć  une longue conversation avec un ami. Il me tend le paquet.

– Non merci, je ne fume pasĀ !

Avril 2025

En attendant l’omelette: suite

Camus ! Albert Camus ! Un mĆØtre linĆ©aire de ma bibliothĆØque ! Il est lĆ , devant moi, tranquillement Ć  boire un cafĆ©, comme un habituĆ©. Il faut que je lui parle, il faut que je lui dise, j’ai tant de choses Ć  lui raconter, d’avis Ć  lui demander, d’indignations Ć  partager. Ma bouche devient sĆØche, comme si je venais de sucer un morceau de craie. Je sens bien que les battements de mon cœur se sont accĆ©lĆ©rĆ©s. Machinalement, je porte ma tasse Ć  la bouche et je balaie du regard les titres du journal local que j’ai pris en entrant.

Et soudain le dĆ©clic : Villeblevin ! Je comprends…Bien qu’étant incollable sur tout ce qui concerne Albert Camus, je n’avais pas rĆ©alisĆ© que je venais de m’arrĆŖter Ć  Villeblevin, cette petite commune dans le Nord de l’Yonne où un terrible accident s’est produit il y a soixante-cinq ans. Juste mon Ć¢ge ! Je suis Ć  Villeblevin et Albert Camus y est aussi, Ć  dĆ©guster cigarettes et cafĆ©. Pourtant, on n’a plus le droit de fumer dans les bars. Je me surprends Ć  ĆŖtre envahi de questions et de rĆ©flexions toutes plus stupides les unes que les autres. PlutĆ“t que de m’interroger sur ces fadaises, je devrais dĆ©jĆ  ĆŖtre accoudĆ© au bar, moi aussi, et lui parler. Ce n’est pas un sosie, c’est impossible ! La voix : cette voix, je l’ai reconnue. Je vais me lever…

Je n’ose pas, c’est au-dessus de mes forces. Je vais passer une nouvelle commande. Je lĆØve la main pour faire signe au patron. Je me dis que je pourrais l’interroger discrĆØtement. Il faut que je me concentre, que j’ai l’air normal, que je ne donne pas l’impression d’être un Ā« fan Ā» illuminĆ© et aveuglĆ©. Le patron arrive, il traĆ®ne un peu les pieds, et ne me semble pas dĆ©bordant d’enthousiasme.

– Vous dĆ©sirez autre choseĀ ?

– Oui, je m’aperƧois que depuis ce matin j’ai le ventre vide, et je vous commanderais bien une omelette aux champignonsĀ : j’ai vu que vous en aviez Ć  la carte.

– Pas de problĆØme, mais il vous faudra patienter un peu, parce que les champignons sont toujours dans le panier, tout frais ramassĆ©s d’hier aprĆØs-midiĀ : Ā des chanterelles, vous verrez elles sont fabuleuses avec un peu d’ailĀ ! Ā Autre choseĀ ?

– Oui, euh, le monsieur lĆ -bas au bar, je me disais que, enfin on dirait….

– Ah je m’en doutais quand je vous ai vu m’appeler…Oui oui, c’est bien lui, c’est Albert. Ā Albert Camus. Vous le connaissezĀ ?

– Si je le connaisĀ ? Vous me demandez si je connais Albert CamusĀ ?

– Vous savez, moi les bouquins ce n’est pas mon truc, ce que je peux vous dire c’est qu’il est lĆ  tous les matins.

– Mais enfin, enfin, il est mortĀ ! Vous le savez bien, il s’est tuĆ© il y a soixante-cinq ans pas loin d’ici …

– Oh, vous savez faut pas croire ce que vous racontent les journaux… Si vous voulez, je vais lui dire que vous aimeriez lui parler, vous aurez le temps pendant que je prĆ©pare votre omelette.

 » En attendant l’omelette » : nouvelle inĆ©dite…

Je vous propose de dĆ©couvrir aujourd’hui en trois parties une nouvelle que j’ai proposĆ©e pour un concours dont le thĆØme Ć©tait  » vous rencontrez un personnage historique qui vous fascine »… Je n’ai pas remportĆ© de prix mais je suis assez satisfait de ma crĆ©ation…

C’est l’odeur du tabac qui m’a incitĆ© Ć  lever la tĆŖte de mon journal. Je devais ĆŖtre Ć  Paris en fin de journĆ©e, et comme je ne supporte plus les autoroutes, j’avais dĆ©cidĆ© de prendre la nationale, et de traverser, comme autrefois, toute la Bourgogne. Je suis parti tĆ“t ce matin, et j’ai eu envie de m’arrĆŖter boire un cafĆ© dans un bar. Je suis arrivĆ© dans cette petite ville de Villeblevin qui m’a l’air bien tranquille, et qui pour une raison que j’ignore encore, me rappelle quelque chose.

En entrant au Ā« cafĆ© des touristes Ā», j’ai tout de suite reconnu ce parfum si particulier que laissent les cigarettes de tabac brun. C’étaient celles que fumait mon pĆØre. L’odeur du tabac et une voix… Une voix qui sonne bien. Je connais cette voix, ou plutĆ“t je la reconnais.

Il Ć©tait lĆ , au comptoir, dans cette position si particuliĆØre : celle où on reste vaguement debout, tout en faisant corps avec le bar, le coude gauche, l’avant-bras mĆŖme, est posĆ© sur le zinc et la main droite porte Ć  la bouche une petite tasse de cafĆ©. Entre les doigts de cette mĆŖme main, une cigarette tremble.

Je suis pĆ©trifiĆ©, je l’ai reconnu, il n’a pas changĆ©, il est lĆ … Albert Camus est en train de boire un cafĆ©, et de fumer une cigarette. Certainement pas la premiĆØre de la journĆ©e. Je le regarde dans ce geste banal, et bĆŖtement ma seule interrogation, Ć  ce moment-lĆ , est de me demander comment il va faire… La cigarette, la tasse, le corps totalement disloquĆ©, il va faire tomber quelque chose : tasse, ou cigarette ?

Surprenant comme le banal et le ridicule s’invitent parfois Ć  la table de l’invraisemblable. Et oh, Eric !  Tu te rĆ©veilles ? Il est lĆ , ton maĆ®tre absolu, ton phare, celui dont tu parles tous les jours, que tu invoques Ć  n’en plus pouvoir.

Oui, Albert Camus est lĆ  ! Et il m’observe !  Il ne pourrait d’ailleurs guĆØre faire autre chose, puisque nous sommes les deux seuls clients. Le patron a rĆ©pondu briĆØvement quelques mots Ć  Albert. Il semble ailleurs, et on ne distingue que ses lĆØvres qui remuent dans un monologue intĆ©rieur, alors qu’il essuie compulsivement ses verres Ć  biĆØre…

MĆ©moires…

Le monde pleure doucement
Dans le creux des longues larmes
Roulent des gouttes d’ennui
Sur la vitre sale du hier sans fin
J’ai grattĆ© de mon ongle rongĆ© d’impatience
Une vieille trace de mƩmoire

Petite pluie est venue…

VĆŖtue de son manteau de drame gris

La pluie est lĆ , elle n’était pas invitĆ©e…

C’est bien lui, lourd mardi maudit,

Dans longues rimes de novembre empêtrés

Qui a osƩ la convoquer dans le dernier souffle du midi.

Ā« Je ne veux pas que joie sente des ailes lui pousser,

Petite ou drue, Ɣ pluie, reviens je t’en prie. Ā»

Mais pluie têtue a résisté et son sourire lumineux

Sur chaque flaque a posƩ petites perles bleues..

13 MAI

AthĆØnes 4…

Regarde

Oh oui regarde

Fade touriste enfermƩ

Ton œil est Ć©teint

AvalƩ par le morne Ʃcran

Ton œil ne voit plus rien

Il attend le clic

Regarde

Oh oui regarde

PĆ¢le passant pressĆ©  

Le gris des murs fatiguƩs sursaute

Le rose est lƠ posƩ comme un cri

Il te chante le nouvel orient

15.04.2025

Matinales, inĆ©dit…

Dans les derniers Ʃclats de nuit,

J’ai trouvĆ© un grain de frĆŖle folie

TrempƩ dans une bouillie de rires polis

Il gonfle et siffle aux rimes arrondies

Il est l’heure des apaise douleurs

Je tire les rideaux sur le sourire malin

Et m’emplis de ces vide chagrin

Des mots aux ailes bleues…

Je voudrais Ʃcrire,

Oh oui, je le veux…

Ɖcrire pour deux,

Pour toi, pour eux.

Je voudrais Ʃcrire

Heureux,

Entre deux lourdes marges en feu.

Oh, je voudrai tant Ʃcrire,

Ce mot qui caresse,

LĆ , seul,

Il attend, rien ne presse.

Je voudrais tant Ʃcrire

Tendresse,

Sur une feuille d’automne

Aux rimes mauves

Sur le titre accrochƩes.

Je voudrais tant…

Tremper ma plume

Dans une flaque de rires jolis.

Je voudrais tant entendre

De longs mots aux ailes bleues.

Ils chantent, ils dansent,

C’est eux, ils sont arrivĆ©s.

10 fƩvrier 2020

Cri…

RĆŖve Ć  finir
C’est une guerre où les hommes pĆ©riront
SystƩmatisƩs
CalcinƩs
Par l’addition
D’une angoisse planĆ©taire
Qui les fait
Terreurs

Mes Everest, Colette, extrait de la vagabonde…

Cher intrus, que j’ai voulu aimer, je t’épargne. Je te laisse ta seule chance de grandir Ć  mes yeux : je m’éloigne. Tu n’auras, Ć  lire ma lettre, que du chagrin. Tu ne sauras pas Ć  quelle humiliante confrontation tu Ć©chappes, tu ne sauras pas de quel dĆ©bat tu fus le prix, le prix que je dĆ©daigne…
Car je te rejette, et je choisis… tout ce qui n’est pas toi. Je t’ai dĆ©jĆ  connu, et je te reconnais. N’es-tu pas, en croyant donner, celui qui accapare ? Tu Ć©tais venu pour partager ma vie… Partager, oui : prendre ta part ! Être de moitiĆ© dans mes actes, t’introduire Ć  chaque heure dans la pagode secrĆØte de mes pensĆ©es, n’est-ce pas ? Pourquoi toi plutĆ“t qu’un autre ? Je l’ai fermĆ©e Ć  tous.
Tu es bon, et tu prĆ©tendais, de la meilleure foi du monde, m’apporter le bonheur, car tu m’as vue dĆ©nuĆ©e et solitaire. Mais tu avais comptĆ© sans mon orgueil de pauvresse : les plus beaux pays de la terre, je refuse de les contempler, tout petits, au miroir amoureux de ton regard…
Le bonheur ? Es-tu sĆ»r que le bonheur me suffise dĆ©sormais ?… Il n’y a pas que le bonheur qui donne du prix Ć  la vie. Tu me voulais illuminer de cette banale aurore, car tu me plaignais⁹ obscure. Obscure, si tu veux : comme une chambre vue du dehors. Sombre, et non obscure. Sombre, et parĆ©e par les soins d’une vigilante tristesse ; argentĆ©e et crĆ©pusculaire comme l’effraie, comme la souris soyeuse, comme l’aile de la mite. Sombre, avec le rouge reflet d’un dĆ©chirant souvenir… Mais tu es celui devant qui je n’aurais plus le droit d’être triste…
Je m’échappe, mais je ne suis pas quitte encore de toi, je le sais. Vagabonde, et libre, je souhaiterai parfois l’ombre de tes murs… Combien de fois vais-je retourner Ć  toi, cher appui où je me repose et me blesse ? Combien de temps vais-je appeler ce que tu pouvais me donner, une longue voluptĆ©, suspendue, attisĆ©e, renouvelĆ©e… la chute ailĆ©e, l’évanouissement où les forces renaissent de leur mort mĆŖme… le bourdonnement musical du sang affolé… l’odeur de santal brĆ»lĆ© et d’herbe foulĆ©e… Ah ! tu seras longtemps une des soifs de ma route !
Je te dĆ©sirerai tour Ć  tour comme le fruit suspendu, comme l’eau lointaine, et comme la petite maison bienheureuse que je frĆ“le… Je laisse, Ć  chaque lieu de mes dĆ©sirs errants, mille et mille ombres Ć  ma ressemblance, effeuillĆ©es de moi, celle-ci sur la pierre chaude et bleue des combes de mon pays, celle-lĆ  au creux moite d’un vallon sans soleil, et cette autre qui suit l’oiseau, la voile, le vent et la vague. Tu gardes la plus tenace : une ombre nue, onduleuse, que le plaisir agite comme une herbe dans le ruisseau… Mais le temps la dissoudra comme les autres, et tu ne sauras plus rien de moi, jusqu’au jour où mes pas s’arrĆŖteront et où s’envolera de moi une derniĆØre petite ombre….

Le soir glisse tout doucement…

Le soir glisse tout doucement.

 Il vient de l’ouest chargĆ© de cette douceur qui le font espoir

Le soir avance. Le lac l’attend, repu de cette journĆ©e où chaque ride de l’eau est un sourire

Un sourire pour dire Ć  la mer,  si loin, que derriĆØre les yeux qui se posent sur cette surface apaisĆ©e

Il y a comme un regard marin, quelques rides en moins.

Le soir descend des montagnes,

On respire dans l’air qui descend les fleurs des sommets

Pas un bruit de moteur, pas un cri mƩcanique, le silence est simple

Il est venu avec le soir, les yeux se ferment, le souffle est profond

Dans la tĆŖte et dans les corps le lac s’est invitĆ©

L’oiseau s’est posĆ©, le temps s’est ralenti

Maintenant il faut rentrer, les yeux vont se fermer, tout est apaisƩ

MĆ©moires…

Le monde pleure doucement
Dans le creux des longues larmes
Roulent des gouttes d’ennui
Sur la vitre sale du hier sans fin
J’ai grattĆ© de mon ongle rongĆ© d’impatience
Une vieille trace de mƩmoire

Il est des jours blancs…

Il est des jours blancs
Jours glacƩs
Pour papier froissƩs
Tout se tait,
Tout se paie,
Lourd monde qui bruit,
J’attends,
Je feuillette,
Ici, lĆ , partout,
Mots endormis,
Il est des jours blancs

Attente…

Traverser en douceur les Ć©paisseurs de l’attente

Respirer les bras ballants ce bel air apaisƩ

Mes rĆŖves pour demain sont en sursis

Un souffle d’enfance soudain a sautillĆ©

Espoir en garde Ć  vue qui s’Ć©tire

Matinale…

Je cherche la rime au matin pluvieux

Rime bleue au fond de tes yeux

Rime en boule ivre de houle

Rime en peur d’un souffle j’effleure

Rime en noir et tremble l’espoir

Je cherche la lointaine frime du matin soleil

A trop briller

Ses larges ailes ont brĆ»lĆ©…

12.04.2025

Le lac perdu, suite et fin

La petite gare indiquĆ©e sur le plan est bien lĆ . Ils s’approchent. C’est Ć  peine une gare, plutĆ“t une petite maison de garde barriĆØre. Max a la nausĆ©e. La brume est tellement Ć©paisse qu’on ne distingue qu’un halo de lumiĆØre au milieu d’une vague forme. Lucie presse le pas.

– C’est Ć©clairĆ©, il doit y avoir quelqu’un Ć  l’intĆ©rieur…

Ils entrent. C’est vraiment une toute petite gare, avec simplement deux bancs pour attendre Ć  l’intĆ©rieur. Pas de panneau d’affichage, simplement un distributeur automatique de boissons et autres friandises. Max se dit qu’ils iront boire un cafĆ©, Ƨa les rĆ©chauffera et leur Ć©claircira la gorge. DerriĆØre un petit guichet, un assez vieil homme lit un journal. Il ne semble pas Ć©tonnĆ© de leurs prĆ©sences. Comme s’il les attendait.

– Deux billets pour le centre-villeĀ ?

– Oui s’il vous plait, le train part Ć  quelle heureĀ ?

– Dans un quart d’heureĀ ! Vous aurez le temps de prendre quelque chose au distributeur.

Lucie ne dit rien. Elle serre encore plus fort la main de Max. Elle jurerait que le vieil homme a souri. Il est si pĆ¢le qu’elle met cela sur le compte du brouillard. Max a payĆ© les deux billets ; cela ne coĆ»te presque rien. Il demande d’où vient le train.

– Il n’est indiquĆ© nulle part, il vient d’où monsieur ce trainĀ ?

– Je ne sais pas jeune homme, ce que je peux vous dire c’est qu’il est toujours Ć  l’heure.

– Mais qu’est ce qu’il y a aprĆØs le lacĀ ?

– AprĆØs le lac, il y a l’usine. Vous ne sentez pasĀ ? Elle n’est pas trĆØs loin.

Max est pris d’une quinte de toux. L’homme derriĆØre le guichet lĆØve les yeux et lui indique le distributeur.

– Vous toussez fort jeune homme, je vous conseille d’acheter une boĆ®te de pastilles pour la gorge. Il y en a de trĆØs bonnes dans le distributeur. Vous verrez elles sont trĆØs efficaces.

L’usine, l’odeur de soufre, les yeux qui piquent, la gorge qui gratte. Et les fameuses pastilles.  Lucie se rapproche de Max et lui souffle dans l’oreille.

– Tu as vu, c’est comme dans le film…

Ils sont sur le quai. Ils sont seuls. Le brouillard est tellement Ć©pais qu’on ne distingue pas la voie. Max et Lucie ne disent rien. Ils se tiennent par la main. Ils toussent. Soudain on entend un fracas mĆ©tallique. C’est le train qui arrive au loin. Il entre en gare. Il s’arrĆŖte.

Ils montent dans un des deux wagons. Toutes les places sont occupĆ©es. Ce n’est pas grave, le trajet sera court. Max observe les voyageurs. Ce sont des ouvriers. Ils ne disent rien, ils semblent Ć©puisĆ©s. On le devine Ć  leurs regards vides et tristes.

Max se tient contre la paroi. On entend des toux. Lucie est tout contre lui. Elle est plus petite ; il sent la bonne odeur de ses cheveux. Cela le rassure. Il se penche, tout doucement, jusqu’à son oreille.

– Fini les films d’auteur Ć  onze heures, Lucie, fini…

Le lac perdu, 4…

La traversĆ©e de la forĆŖt n’est pas aussi agrĆ©able qu’ils l’auraient imaginĆ©. L’air est humide, avec presque une vieille odeur de moisi. Le silence est surprenant. Pas de craquements, de bruissements, tous ces petits sons qui font le charme des forĆŖts. Lucie lui tient la main, plus fermement que tout Ć  l’heure. A ce contact Max sent qu’elle est un peu angoissĆ©e.

– Tu as peurĀ ? Tu n’aimes peut-ĆŖtre pas marcher en forĆŖtĀ ?

– C’est vrai que ce n’est pas ce que je prĆ©fĆØre… Et puis, je ne sais pas pourquoi, mais je ne me sens pas trĆØs bien. Je suis angoissĆ©, mais ce qui est bizarre c’est que j’ai l’impression d’avoir dĆ©jĆ  vĆ©cu cette scĆØne. Pas toi MaxĀ ?

– Non, ce n’est pas exactement Ƨa… Mais c’est vrai que je serai content quand on sera arrivĆ© au lac. D’habitude, j’aime marcher au milieu des arbres, mais lĆ …

– Et puis on dirait qu’on est les premiers Ć  passer ici. C’est curieux que ce ne soit mĆŖme pas flĆ©chĆ©…

Max ne veut pas inquiĆ©ter Lucie mais, pour ĆŖtre franc, lui non plus n’est pas tranquille. Il ne comprend pas où est passĆ© le canal. Peut-ĆŖtre qu’il est sous terre. Le lac n’est certainement plus trĆØs loin.

En effet, ils atteignent une clairiĆØre et brutalement, dĆ©bouchent sur le lac. Le fameux lac perdu. Et pour ĆŖtre perdu, il est perdu. Ce qui est vraiment bizarre, c’est qu’on ne voit pas ce qu’il y autour du lac. On ne distingue pas les rives. Il faut dire que si c’était une fine brume qui flottait au-dessus du canal, lĆ  c’est une Ć©paisse couche de brouillard qui pĆØse sur la surface de l’eau. Ils se sont arrĆŖtĆ©s pour regarder. Lucie s’est encore rapprochĆ©e de lui. Il sent bien qu’elle n’est pas rassurĆ©e.

Max et Lucie ont les yeux qui piquent. Ils toussent. Ils avancent encore un peu.

– On va toucher l’eau… Elle doit ĆŖtre froideĀ !

– NonĀ ! Ne t’avance pas Max, je ne suis pas tranquille.

Et puis il y a une odeur qui peu Ć  peu devient insoutenable. Une odeur de soufre. Max n’a pas Ć©coutĆ© Lucie, il s’est approchĆ©, agenouillĆ© et il a trempĆ© la main dans l’eau. Il fait toujours cela, mĆŖme s’il est Ć©vident qu’ils ne se baigneront pas. Pas aujourd’hui. Pas ici. Lucie s’impatiente.

– Bon, Max, tu as finiĀ ? Moi je veux rentrer, je m’attendais vraiment Ć  autre chose…Alors, cette eau, elle est commentĀ ?

Max ne rĆ©pond pas tout de suite. Il serre les dents. Non pas que l’eau ait Ć©tĆ© si froide, mais parce que la main lui pique, elle le brĆ»le presque. Il l’a enfouie au fond de sa poche.

– Tu as raison on va prendre le train…

Le lac perdu,3…

A présent, Max avait envie de se détendre, et ne surtout pas entrer dans un débat inutile et mortifère avec Lucie.

– Il fait beau pour un mois de novembre. Et si on allait se promener au bord du lacĀ ?

Lucie Ć©tait d’accord. Ils Ā« sortaient Ā» ensemble depuis quelques mois seulement et apprenaient encore Ć  se connaĆ®tre. Mais ce dont ils Ć©taient dĆ©jĆ  certains, l’un comme l’autre, c’est qu’ils Ć©taient bien ensemble. Ils aimaient se tenir par la main, et marcher. Ils aimaient passer de longs moments Ć  se regarder, sans rien dire. Ils Ć©taient Ć©tudiants tous les deux et ne connaissaient pas encore vraiment cette petite ville universitaire du centre de la France. Dans la brochure d’accueil, lors de leurs inscriptions, Max avait repĆ©rĆ© quelques sites que l’on conseillait de dĆ©couvrir, c’était notamment le cas de ce lac. Il s’agissait du lac perdu. DrĆ“le de nom pour un lac ! Il faudra, Ć  l’occasion, qu’il cherche des explications.

Comme ils ne connaissent pas le trajet, ils consultent l’itinĆ©raire sur leurs smartphones. Lucie est la plus rapide pour ce genre d’activitĆ©. Et elle semble trĆØs motivĆ©e pour y aller Ć  pied. Il est indiquĆ© qu’il faut une heure trente. C’est largement dans leurs cordes, ce sont de bons marcheurs, et puis il fait beau, et ils ont le temps. Ils ont mĆŖme toute l’aprĆØs-midi. Il faut dire que les fameux films d’auteurs sont souvent projetĆ©s en matinĆ©e, Ć  onze heures, heure un peu curieuse, s’il en est une… Une heure, dont on ne saurait dire Ć  quoi elle correspond. Lucie a le sourire, elle prend la main de Max, la sĆ©ance de cinĆ©ma semble dĆ©jĆ  loin.

– C’est curieux ce nom pour un lacĀ : le lac perdu… Tu crois qu’on va le trouverĀ ?

Max est bon public et amoureux : il sourit au jeu de mot de Lucie, tout en la serrant contre lui. Ils ont un peu plus de six kilomĆØtres Ć  effectuer. Il suffit de longer le canal pendant deux ou trois kilomĆØtres, et ensuite de traverser une forĆŖt, pour dĆ©boucher sur le lac. Ce qui les rĆ©jouit, c’est qu’il y a une petite gare, juste en bordure du site. Elle est indiquĆ©e sur le plan, mais ils ne parviennent pas Ć  la trouver dans toutes les applications SNCF, qu’en bon voyageurs ils ont tĆ©lĆ©chargĆ© sur leur tĆ©lĆ©phone. Peu importe, ils verront bien quand ils seront sur place, et au pire s’il le faut, ils reviendront Ć  pied. C’est samedi aujourd’hui, ils n’ont pas cours.

Le chemin qui longe le canal est très agréable. Ils sont heureux de découvrir ensemble ce bel endroit. Max, étudiant en histoire, se pose toujours beaucoup de questions.

– Je me demande Ć  quoi peut servir ce canal. Visiblement d’aprĆØs le plan, il relie le lac Ć  la ville. Il faudra que je fasse des recherches.

– Tu as vu Max, c’est trĆØs beau cette fine couche de brume qui flotte sur la surface de l’eau.

Max sourit, mais ne renchĆ©rit pas, il craint que la vue de cette brume ne relance le dĆ©bat sur le film du matin. Ils approchent de la forĆŖt. Elle est Ć©paisse. DĆØs les premiers pas qu’ils font Ć  l’intĆ©rieur, ils sont saisis, l’un et l’autre, d’une toux rauque. Lucie pense que ce doit ĆŖtre une allergie aux chĆ¢taigniers qui sont trĆØs nombreux.

– Mais je n’ai jamais Ć©tĆ© allergique Ć  quoi que ce soitĀ ! Ā Non, je pense que c’est plutĆ“t cette petite brume qui nous est tombĆ©e sur les bronches.

Le lac perdu, 2…

Ils sont enfin dehors. L’air est frais, vif, presque coupant. Quel contraste avec la pĆ©nombre mĆ©lancolique de ce film. Max sait qu’ils ne seront pas d’accord. C’est presque devenu un jeu entre eux. Elle aime en rajouter sur son cĆ“tĆ© Ā« intello Ā», fidĆØle lectrice des cahiers du cinĆ©ma et de TĆ©lĆ©rama. Quant Ć  lui, il adore exagĆ©rer son dĆ©sintĆ©rĆŖt pour ce que Lucie appelle les films d’auteur. Et Ć©videmment, connaissant son allergie aux dĆ©bats qui suivent les projections, elle aime commenter, et gĆ©nĆ©ralement encenser ce qu’elle a vu, l’opposant gĆ©nĆ©ralement Ć  ce qu’elle considĆØre comme le mauvais cinĆ©ma commercial.

-Incroyable ce film, non ? Je suis toute secouƩe : pas toi Max ?

-SecouĆ©, non ! Pas vraiment, j’ai plutĆ“t la nausĆ©e, comme si je venais de traverser un long tunnel humide. Et honnĆŖtement, je te le dis franchement, je n’ai rien compris…

-Mais il n’y a rien Ć  comprendre, il faut simplement se laisser Ć©mouvoir. Et puis c’est juste incroyable ! Quand tu penses qu’il a rĆ©alisĆ© ce film quasiment sans budget, en utilisant pour le tournage un simple vieil Iphone recyclé…


Max ne rĆ©pond pas. C’est inutile, il sait qu’elle exagĆØre, peut-ĆŖtre pour le taquiner. Mais quand il y repense, il ne peut pas s’empĆŖcher de trouver qu’on a atteint le sommet du grotesque.
Pendant une heure trente, ils ont dĆ» subir une histoire totalement incohĆ©rente. Il s’agissait d’un jeune couple, rĆ©pondant Ć  une annonce farfelue, rĆ©digĆ©e par le maire d’une petite commune, situĆ©e on ne sait où, mais vraisemblablement dans un pays d’Europe de l’Est, certainement ancienne rĆ©publique soviĆ©tique, avec des prisons remplies de rĆ©alisateurs dissidents… Une petite annonce avait attirĆ© l’attention des deux jeunes gens. Elle disait en gros : Ā« Village embrumĆ© cherche jeune couple heureux et joyeux pour diffuser quelques tranches de bonheur Ć  population endormie. Ā» S’en Ć©taient suivies une succession de situations ridicules, pour la plupart incomprĆ©hensibles (car Ć©videmment, compte tenu du budget on ne peut plus rabougri, le sous titrage semblait avoir Ć©tĆ© fait par une intelligence artificielle dĆ©butante…).
Le rĆ©alisateur voulait, on l’avait bien compris, dĆ©noncer beaucoup de choses Ć  la fois, et au bout du compte, on ne comprenait rien. Il y avait une usine chimique, rejetant des quantitĆ©s impressionnantes de fumĆ©es toxiques. Cette usine appartenait au maire. Il y avait aussi l’épouse de ce maire, pharmacienne de son Ć©tat, et qui vendait Ć  la population des pastilles, sensĆ©es lutter contre les toux chroniques, secouant tout le village, mais qui, en rĆ©alitĆ©, avaient pour effets secondaires de provoquer une profonde lĆ©thargie dĆ©pressive. Et au milieu de tout cela, le jeune couple se tenait continuellement par la main, essayait de faire rire, ce qui ne marchait pas, ni pour la population, ni pour les spectateurs du film. Bref, pendant une heure trente, on entendait des chuchotements, des toux rauques, des soupirs et parfois des rires contenus. Le tout, Ć©tant accompagnĆ© d’un fonds musical dont il n’est pas possible de qualifier le genre. Objectivement, c’était, au mieux, un simple navet, au pire, le vĆ©ritable Ā« foutage Ā» de gueule d’un rĆ©alisateur, en colĆØre contre le monde entier, qui avait cherchĆ© Ć  prendre Ć  leur propre piĆØge tous ces snobs cultureux occidentaux…

Le lac perdu… 1

Pour un concours de nouvelles, j’ai Ć©crit ce texte que je vous propose de dĆ©couvrir aujourd’hui en plusieurs parties. Il faut prĆ©ciser qu’une contrainte Ć©tait imposĆ©, Ć  savoir commencer par la phrase suivante : Ā« Ce matin un Ć©pais brouillard envahit la ville. On distingue Ć  peine deux silhouettes sur le quai de la gare. On entend le train au loin. Il entre en gare. Il ne s’arrĆŖte pas. Ā»

Ā« Ce matin un Ć©pais brouillard envahit la ville. On distingue Ć  peine deux silhouettes sur le quai de la gare. On entend le train au loin. Il entre en gare. Il ne s’arrĆŖte pas. Ā»
C’est une voix d’outre-tombe qu’on vient d’entendre. Elle indique qu’on en a enfin terminĆ© avec ce film. Sur le grand Ć©cran de l’entrĆ©e des artistes – c’est le nom du cinĆ©ma – s’affiche le mot fin. Il y a encore un interminable plan fixe sur cette gare, enfouie sous une Ć©paisse couche de brouillard. MĆŖme si la brume est trĆØs Ć©paisse, il n’est pas difficile de reconnaĆ®tre les deux silhouettes. Il faut dire qu’on les a suivies dans toutes leurs aventures monotones depuis le dĆ©but du film. Film qui dĆØs la fin du premier quart d’heure a dĆ©jĆ  paru interminable Ć  Max.
On peut dire, sans se tromper, qu’il est soulagĆ©, pour ne pas dire libĆ©rĆ©, et il n’a pas attendu pour se lever et commencer Ć  enfiler son blouson. Il se prĆ©pare Ć  sortir, il a envie de respirer, de retrouver la lumiĆØre. Au dĆ©but de la projection, il a d’abord pensĆ© que le camĆ©raman avait eu un problĆØme de mise au point pendant le tournage. On ne peut pas dire que c’était totalement flou, c’était autre chose… Max s’est d’ailleurs retournĆ© plusieurs fois, vers le petit carrĆ© lumineux de la cabine de projection. Peut-ĆŖtre est-ce simplement un problĆØme technique ? Ces petits cinĆ©mas associatifs ont peu de moyens, et il imagine aisĆ©ment que le projecteur est au moins aussi Ć¢gĆ© que les vieux siĆØges en velours rouge qui grince dĆØs qu’on bouge un peu.
Lucie, comme Ć  son habitude est restĆ©e assise. Elle est toujours convaincue, Ć  la fin de chaque film qu’elle voit, qu’il faut patienter jusqu’à ce que la salle soit totalement vide. Elle est persuadĆ©e qu’il peut encore se passer quelque chose, qu’une derniĆØre image va apporter un Ć©clairage supplĆ©mentaire. Un message subliminal en quelque sorte. Max s’impatiente, il n’en peut plus.

– Tu vois bien qu’il ne va rien se passer…

– Non, attends, parfois il y a un rebondissement !


Max sourit intƩrieurement. Il ne voit vraiment pas comment il pourrait y avoir un rebondissement dans un film aussi flou et aussi plat.
Il s’impatiente, mais rĆ©siste encore un peu. Il n’est plus Ć  une minute prĆØs. Evidemment, rien de nouveau, pas le moindre rebondissement, pas de message. Il se dit que s’il Ć©tait Ć  la place du rĆ©alisateur, il aurait peut-ĆŖtre au moins remerciĆ© les spectateurs. Ā« Merci d’être restĆ©s jusqu’au bout… Ā» Ou alors : Ā« vous n’avez rien compris Ć  ce film, c’est normal, je n’ai, pour ma part, rien compris au scĆ©nario et l’objectif de ma camĆ©ra Ć©tait rayé… Ā» Il rit intĆ©rieurement de ses moqueries.

Flash, inĆ©dit…

Tu espƩrais un coucher de rire bleu

Pour l’accrocher Ć  la faille du jour dĆ©chirĆ©

Rire entourƩ de ses Ʃclats dorƩs

Comme la flaque joyeuse

Qui s’éparpille sous les mille pas

De rondes aux couleurs d’enfants

Las

L’heure aux mauves orangĆ©s s’est oubliĆ©e

Dans les bras mous d’une horloge pressĆ©e

Il est tard la nuit n’attend pas

Elle tire sans un mot lƩger

Ses lourds draps noirs

De songes Ć  venir.

Matinales…

A l’heure molle des impatiences cadencĆ©es

J’entends parfois le cri de l’oiseau noir

Il pleure une curiositƩ engloutie

Au fond du gouffre numƩrique

Visages courbƩs

Nuques raides

Regards polis de vides

Ils ont effacƩ

D’un doigt qui glisse sur le verre appauvri

Les derniers chants qu’ils prennent pour des cris

Pas un signe pour lui

Oiseau noir ce matin est encore seul

Je lĆØve les yeux

Je sais qu’il me voit qu’il m’attend

Oiseau noir du matin

Tu es mon rƩveil chagrin

12 avril

Concours d’Ć©criture, ville de Senlis…

Je participe Ć  beaucoup de concours d’Ć©criture, dans les diffĆ©rentes catĆ©gories poĆ©sie et nouvelles. Finaliste du concours de poĆ©sie organisĆ© par la mĆ©diathĆØque de la ville de Senlis, sur le thĆØme du soleil, vous pouvez retrouver mon texte « un sourire s’est envolĆ© »…

Voici le lien : https://mediatheque.ville-senlis.fr/sites/default/files/fichiers/actualites/recueil_2024_2025_soleil_compressed.pdf

Billets d’humeur…

Il m’arrive assez rĆ©guliĆØrement de dire, de me dire, que ce monde est devenu fou, qu’il ne tourne pas rond. Et je regrette immĆ©diatement mon propos et j’en viens mĆŖme Ć  m’excuser auprĆØs de ce monde qui continue Ć  tourner invariablement sur lui-mĆŖme. Et je plonge alors dans une rĆ©flexion sur le sens qu’ont les mots et celui qu’on leur donne. De quoi parle t’on lorsqu’on parle du monde : de la terre, de cette planĆØte qui nous abrite et qui convenons-en est ronde ou tout au moins sphĆ©rique? Oui elle est sphĆ©rique, c’est plutĆ“t une boule. Mais on prĆ©fĆØre quand mĆŖme dire que la terre est ronde. Ce n’est pas grave, et oui n’en dĆ©plaise aux infĆ¢mes bigots et complotistes : la terre est ronde et elle tourne sur elle-mĆŖme.

On appelle cela une rĆ©volution…Tiens donc, il faudra que je me penche sur ces rĆ©volutions qui durent depuis plusieurs milliards d’annĆ©es…Mais revenons Ć  ce monde qui ne tourne pas rond…Peut-ĆŖtre, finalement que lorsque je parle du monde il s’agit de celles et ceux qui vivent sur cette terre. Quand il n’y a personne on se contente de dire qu’il n’y a personne et plus ces personnes remplissent ce qu’on croit ĆŖtre le vide de cette terre plus on dit qu’il y a du monde…Et quand il y a beaucoup de monde, voire trop on ressent vite que tout cela ne tourne pas bien rond…Que font-ils, que disent-ils, où vont-ils ? Je n’en sais rien. Je ne dis rien. Moi aussi je fais, je dis, je vais et surtout je tourne en rond…

Matinales

A l’ouest de mes mĆ©moires salĆ©es

L’Ć©cume de tes mots

Douce caresse

Rime tendresse

Ta trace est lĆ 

Trait de lumiĆØre

Perce l’ombre creuse

De ton absence

Je souris et t’entends

Tu es lĆ  Ć  ne rien dire

Vague fleur sƩchƩe

Sur la crête de ton océan

Mes Everest, Henri Michaux…

Une fois de plus, venez

venez, mots misƩrables

pour exprimer plus misƩrable encore

pour exprimer le tombƩ, le dƩvastƩ, le mƩconnaissable

le trois fois plus redoutable qui dans l’ombre se prĆ©pare

Pour exprimer les monts de honte subitement surgis

barrant les horizons

la cage partout, pour exprimer Judas,

pour exprimer Judas multipliƩ, Judas tient compagnie

les deniers n’ont pas longtemps Ć  courir aprĆØs les judas

Pour exprimer les feuilles tombent

les fronts craquent

les gares s’Ć©teignent,

les chemins tarissent

l’hiver Ć  coups de laniĆØre frappe le grand troupeau

Pour exprimer bras, estomacs, jugements dans l’Ć©tau

et millions par millions d’hommes entiers dans l’Ć©tau

et millions et millions rongƩs dans la plaie

de la plaie, de la plaie de la chute

ou clouƩs, silencieux, contemplant les reins cassƩs de leur avenir

Contemplant surtout la Statue haute, qui, Ơ la dƩfaite des siens

sur son socle s’est effondrĆ©e

ses dƩbris font mal. Ses dƩbris torturent. On est poursuivi de ses dƩbris.

La nuit vient. Les Ć©chos s’Ć©loignent. Le froid grandit.

Un grand corps Ć  griffes, de tout son pesant, sur soi est

Ʃtendu.

AthĆØnes, 3…

Blanches rues aux parfums ƩpicƩs

Sur les lisses faƧades

Un rayon de soleil cherche un jaune complice

Dans les angles de nos sourires heureux  

Roulent en riant les boucles bleues

D’un fond de ciel Ć©tonnĆ©  

Regarde le mur, inĆ©dit…

L’homme est seul

Il tremble

Je le vois dos courbé, tête rentrée

Il n’avance plus je le sais

Regarde

C’est un haut mur flou

Son sommet effleure un fond de ciel mou

Une ride de gris glisse

Au coin de l’œil qui plisse

Regarde le mur

Il pleure des larmes de pierre

Oh mur

On ne peut te percer du regard

Couvert d’une mousse de silences suintants

Il faut creuser et s’enfouir

Dans un gouffre de papiers perdus

Regarde il fond

Il coule

C’est la fin

Regarde, tu es passƩ

9 avril

Matinales…

C’est un matin au gris surpris

Je ne l’attendais plus

Au creux d’une nuit de songes soleil

Je riais Ć  n’en plus rĆŖver

De ces rideaux levƩs sur des mots enfants

Mots pirouette

Mots cabrioles

Qui bondissent rougissent

Te tiennent d’une main Ć©puisĆ©e du sucre interdit

Je ne l’entendais plus

Ce long cri de ce toujours dernier jour

Enfoui sous les draps d’une mĆ©moire oubliĆ©e

11 avril 2023

Mes Everest, Jacques Izoard…

Paroles éphémères, paroles-femmes,

je possĆØde en moi vos feuillages,

vos cris de juin obscur, d’armes blanches…

J’oublie dĆ©jĆ  l’Ć©vocation des fruits,

l’Ć©rosion des voix anciennes,

l’union du fleuve et du regard,

de la rose et du feu,

l’absence en moi dĆ©truit le rĆŖve.

Saison. Soeur. Main.

Les mots doux au toucher

sont dans leur haleine :

amande ou haillon, hirondelle.

Mais pauvre je demeure.

AthĆØnes, 2…

Ville blanche aux larges Ʃpaules

Qui nous parle de hiers lointains

CoincƩs entre des rides de marbre

Les pierres bruissent encore des pas oubliƩs

J’entends la rumeur des maĆ®tres anciens

Ils attendent le bout de notre longue histoire Ā 

Matinales…

Ce matin j’ai l’œil neuf et apaisĆ©

Sur la pierre grise de l’aube

J’aiguise la lame de mon impatience

Une larme de douce rosƩe

Glisse sur le fil blanc de ma nuit oubliƩe

Mes Everest, Lorand Gaspar

Je connais des matins

Je connais des matins devenus fous d’Ć©tendue

de dƩsert et de mer.

Ne pouvoir prƩtendre Ơ la moindre trace.

Etre un monastĆØre de vie et un besoin d’air

dans l’Ć©paisseur fumante de midi.

Enseigner aux algues, aux poissons,

la douceur et la folie

de l’homme, son histoire insensĆ©e

pour les faire rire le soir dans l’encre opaque

des poulpes effrayƩs.

RagoĆ»t…

Dans la rƩserve glacƩe
De mes idƩes noires
J’ai choisi un vieux reste
D’angoisses ressassĆ©es

Dans un bouillon clair
De rires rentrƩs
Je les ai laissƩ mijoter

Un lourd couvercle
PatinƩe de mƩmoires enfumƩes
Sur le ragoƻt
J’ai posĆ©

Et dans le lent soir rosƩ
Une fleur de printemps
Sur la flamme j’ai saupoudrĆ©e

Hautes rives… ( inĆ©dit )

Nuit paisible Ʃteint le feu menaƧant

Sous les braises des chaudes haines

Couvent les flammes des hurleurs grimaƧants

Prends garde aux vents mauvais

Que soufflent les apprentis colporteurs

LĆØve les yeux sur les promesses Ć  inventer

Desserre ton poing piƩgƩ

Dans le fond de ta poche Ć  rĆŖves bleus

Entends la mer qui t’appelle

Sur les hautes rives des arbres salƩs

6 avril 2025

Mes Everest : nĆ© d’aucune femme…Franck Bouysse

Une fois n’est pas coutume mais, j’ai choisi pour ma rubrique « Mes Everest » un auteur contemporain que j’ai dĆ©couvert ces derniers jours en lisant son roman  » NĆ© d’aucune femme ». Tout est magnifique, et notamment l’Ć©criture. Parmi les nombreux passages que j’ai lu et relu, je vous livre celui-ci, c’est Rose l’hĆ©roĆÆne qui parle des mots, des mots nouveaux qu’il faut apprivoiser… Sublime et Ć©mouvant…

… C’est toujours ce qui se passe avec les mots nouveaux, il faut les apprivoiser avant de s’en servir, faut les faire grandir, comme on sĆØme une graine, et faut bien s’en occuper aprĆØs, pas les abandonner au bord d’un chemin en se disant qu’ils se dĆ©brouilleront tout seuls, si on veut rĆ©colter ce qu’ils ont en germe.

Je sens bien que j’ai fini de vider mon sac de mots, qu’il m’en a manquĆ© pour vraiment dire les choses comme je les ressentais au moment je les ressentais, que des fois ceux que j’utilise collent pas exactement, que j’aurais besoin d’en connaĆ®tre d’autres, plus savants, des mots avec plus de choses dedans . Les mots , j’ai appris Ć  les aimer tous, les simples et les compliquĆ©s que je lisais dans le journal du maĆ®tre, ceux que je comprends pas toujours et que j’aime quand mĆŖme, juste parce qu’ils sonnent bien. La musique qui en sort souvent est capable de m’emmener ailleurs, de me faire voyager en faisant taire ce qu’ils ont dans le ventre, pour faire place Ć  quelque chose de supĆ©rieur qui est du rĆŖve. Je les appelle les mots magiciens : utopie, radieux, jovial, maladrerie, miscellanĆ©es, mitre, mĆ©ridien, pyracantha, mausolĆ©e, billevesĆ©e, iota, ire, parangon, godelureau, mauresque, jurisprudence, confiteor, sans connaĆ®tre leur sens…

AthĆØnes, 1…

Au sud de nos blanches mƩmoires

Traces de gris pietinƩs

Sur les lignes du marbre bleu

Entends le grondement de la vague hurlante

Elle emplit les vides de nos mauvais silences

Et rit de nos impatiences essoufflƩe

5 avril 2025

Retour d’AthĆØnes : billet d’humeur…

Oui, bien sĆ»r, AthĆØnes m’a permis de faire des provisions pour ma rĆ©serve Ć  inspirations et j’aurai l’occasion d’en partager plusieurs sur ce blog, mais une fois n’est pas coutume je dĆ©bute ma sĆ©rie par un billet d’humeur.

IrritĆ©, et le mot est faible, je l’ai Ć©tĆ© souvent par cette nouvelle civilisation, celle du narcissisme numĆ©rique. Et cette Ć©volution, que dis-je, cette rĆ©gression est universelle. Ne connaissant pas les frontiĆØres, elle a transformĆ© un grand nombre de celles et ceux que je considĆØre encore comme des frĆØres et sœurs humains en une nouvelle crĆ©ature dotĆ©e des mĆŖmes caractĆ©ristiques. Le monde rĆ©el extĆ©rieur n’existe plus, il est immĆ©diatement et continuellement transformĆ© en un dĆ©cor numĆ©rique pour mettre en valeur son amour de soi. On ne sait plus voir où regarder avec les yeux de l’Ć©tonnĆ© et de l’emmerveillĆ©, on se contente de se voir et de se regarder Ć  travers uneĀ  fenĆŖtre de quelques centimĆØtres carrĆ©s devenu le fĆ©brile prolongement de cette main invisible qui nous relie au nĆ©ant de cet infernal narcissisme. On aime plus que tout se voir pour s’aimer et se faire voir pour se faire aimer. Les milliers de personnes croisĆ©es sur l’acropole n’ont pas vu le ParthĆ©non, elles se sont mises en scĆØne pour ĆŖtre vues. Les regardsĀ  ne traversent pas le temps, ils se figent sur l’instant numĆ©rique et renvoient l’antique dans l’au-delĆ  virtuel.