J’ai décidé d’ouvrir un blog dédié à l’amour que je porte aux mots, à la poésie. Depuis quelques temps j’avais pris l’habitude de publier tous les dimanches, une poésie, un court texte en prose, une micro nouvelle, généralement illustrée d’une photographie. J'ai envie d’aller un peu plus loin et de ne plus mélanger mes publications qui ne sont pas de même nature. C’est vrai aussi que jamais je n’ai ressenti aussi fort le besoin de prendre le temps d’écrire, pour apporter un peu d’apaisement dans une période où les mots sont trop souvent abîmés, à trop les utiliser pour salir, pour haïr. Ces textes que je vous propose de découvrir ou de redécouvrir, ont pour certains été écrits il y a longtemps, d’autres seront des productions du jour.
J’ai supprimé le texte que j’avais écrit tout à l’heure, je le trouvais mauvais, très mauvais même…Ça arrive : tant pis, mais comme j’aimais beaucoup la photographie, prise ce matin même, je la laisse, seule, sans texte, et me dit que pour une fois elle se suffit à elle même, n’est ce pas ?
Le 25 février 2005, j’ai écrit ce texte que je viens de retrouver et que je publie en deux parties.
L’air est glacial, coupant, comme
un rasoir neuf sur une peau juvénile. Il a laissé tourner le moteur de sa voiture,
encore quelques instants, pour s’emplir de cette chaleur aux senteurs
mécaniques, qui donne encore pour quelques instants l’illusion du bien-être. Lorsqu’il
est sorti, qu’il a claqué la portière, il a perçu comme un rétrécissement. Il est
encore plein de ces sensations « ouateuses » que laissent une nuit
sous une couette. Le train est annoncé dans un quart d’heure. Il attendra dans
le grand hall d’accueil. Il aime ses petits moments de presque rien, où on sent
chaque minute qui passe laisser sa trace grise dans la chair. Il est un habitué
du lieu, mais pas de cet horaire. Il est de ceux qui entrent dans le train,
avec des souliers vernis, les mains fines et l’air préoccupés. A cette heure,
ce sont surtout ceux qui travaillent dur, ce sont dont les mains racontent l’histoire
caleuse des chantiers. Dans la salle, ils sont six à lutter contre les courants
d’air. Sept avec la femme de ménage de la gare. Elle semble hors du temps, qui
passe et qu’il fait, absorbée par son entreprise de nettoyage. Elle est haute
comme trois pommes et sautille pour atteindre les vitres du guichet. Elle est
comme une mélodie virevoltante dans le silence glacial de l’aurore. Contre le
mur, tassés les uns contre les autres, quatre hommes, épaules larges, l’œil vif.
Ce sont des turcs, ils parlent entre eux doucement. Il ne semble pas souffrir
du froid, on dirait que toutes leurs forces, toute leur énergie est consacrée à
se donner une contenance sereine. Contre les fenêtres, un grand, bonnet vissé jusqu’aux
lunettes, d’une immobilité qui s’apparente à de la pétrification. On croirait
que le froid ne l’atteint pas , qu’il le contourne, qu’il hésite à le déranger
dans sa raideur matinale.
Pas une voix pour arrondir les
angles du froid. Seuls les regards se croisent : on se connait, mais
chaque matin on se découvre. Et dans ce simple petit matin de février, il y a
comme une éruption de solennel dans ce petit espace de ce rien de tous les
jours. Il est le seul à ne pas rester en place. Comme toujours, il cherche à
embrasser de tous ses sens ce qui l’entoure…
La
pluie a cessé. Je sors. J’ai la sensation d’être en pointillé, d’émerger d’une
longue nuit. J’ai envie de rentrer chez moi, par le bus. J’aime les bus, je m’y
sens bien. Je trouve extraordinaire de pouvoir partager aussi intimement
quelques minutes de vie dans un si petit espace. Il y a une espèce de magie
dans ces moments où tout le monde s’essaye à la pensée mélancolique. On se
croirait dans un colloque du silence. Chacun s’efforce d’apporter sa
contribution à la construction de cette atmosphère. Personne ne semble avoir
conscience qu’il ne se contente que de se déplacer, d’aller d’un point à un
autre. Certains parlent, murmurent plutôt, et cela ne fait que rajouter à la
solennité de l’instant. Les bribes de phrases perçues plus qu’entendues se
rejoignent d’un bout à l’autre du véhicule et tissent une toile d’araignée à
laquelle les pensées de chacun s’accrochent. Lorsque tout est fini, lorsqu’il
faut quitter ce domaine clos, la sensation est bizarre. On se croirait
débarquant dans un port inconnu, l’air entre à pleins poumons, et l’on regrette
la rapidité du voyage.
Le
soleil est bas, il en est à ce niveau d’indécision que les encyclopédistes de
la littérature romantique appellent le crépuscule. Pour ma part, je vois une
lumière basse qui enveloppe le quartier dans une espèce de coton inconfortable.
C’est une sensation multidirectionnelle, et c’est peut‑être cela qui la rend si
digne. Quand une lumière est si présente, quand elle vous pénètre, quand elle
vous essouffle, quand elle se subtilise à votre ouïe, qu’elle calfeutre les
regards et donne aux mots qui sortent des bouches des goûts exotiques, alors,
il est temps de se nouer la gorge, il est temps d’y croire à cette fameuse
grandeur crépusculaire.
J’arrive
chez moi un peu après souper. Le retard, comme d’ailleurs tout ce qui émane de
ma personne, ne pourra être qu’universitaire. Il aura le privilège d’être
affranchi et anobli avant d’avoir pu se transformer en insouciance ou
incorrection. Sur la table de la cuisine un couvert m’attend avec fierté. Ce
repas que je prends seul me donne de l’importance, m’installe officiellement
dans le statut de celui qui est trop occupé pour s’attarder à de basses considérations
horaires. Je regarde autour de moi, tout semble être mis en place pour rimer
avec simplicité et honnêteté.
Il est, en poésie, mon maître absolu, cet Everest que je regarde avec respect et fascination….Eh Basta est un de ces textes qui me mettent la chair de poule….
Je ne vais tout de même pas te raconter comment et pourquoi j’écris des chansons, non ? C’est comme ça ! Ma main sur le clavier de mon piano est reliée à un fil et ça marche. Je suis « dicté ». J’ai un magnétophone dans le désespoir qui me ronge et qui tourne et qui tourne et qui n’arrête pas. Alors je copie cette voix qui m’arrive de là-bas, je ne sais, qui m’arrive, en tout cas, et je la reconnais chaque fois. ça fait comme un déclic et ça se déclenche. Je suis le porte-parole d’un monde perdu, présent pour moi, d’un monde auquel vous n’avez pas entrée parce que si tu y entres, dans ce monde, tu perds pied et deviens inédit. Ton foie, tes poumons, ton sexe, tout ça est à toi. Ta tête, non. Si tu es fou, alors viens dans mes bras. Je t’aime.