Rêve mauve…

Il est l’heure de la lumière,

Il me reste un bout de rêve mauve.

Infime miette dans un bol de rire noir,

Laissée là, douce et croquante

Par une nuit rassasiée.

Au creux du silence du matin qui gémit,  

J’avance tête baissée,  

Tirant sur le long fil de ce songe qui sourit.

Carnets : 2, j’irai au bout de mes rêves…

J’irai au bout de mes rêves…

J’irai au bout de mes rêves. En voilà une bonne, une belle idée qu’on ne peut que partager. Mais…. Car il y a un mais : qu’y aura-t-il t’il au bout ? Je serai tenté de dire où de penser qu’au bout il y a le réveil et la dure loi de la réalité. De cette réalité propre au matin : une réalité raide, enkylosée ou ankylosante. Je ne sais quel ordre choisir. Et puis le bout, c’est la fin. Arriver au bout c’est terminer, achever, conclure, mettre un point final. Et s’agissant des rêves, ceux que je fais, qu’il me reste à faire, ceux que j’ai oubliés, ceux que je rêve de commencer, s’agissant d’eux je ne veux pas mais surtout pas aller au bout.

Non,décidément non, je ne veux pas aller au bout mes rêves. Je veux plutôt les poursuivre…

Poursuivre ses rêves : tiens donc qu’elle drôle d’idée ! Peut-être une nouvelle page de ce nouveau carnet.

Seule et triste…

Elle est figée, blanche et fragile,

Contre le mur de carreaux blancs et sales.

En bas des escaliers poisseux d’une station de métro,

Elle n’attend pas, elle est là.

Triste et digne, son regard bleu est épuisé.

Elle a faim, elle est seule, femme oubliée ;

Raide de honte, elle ne dit rien,

Immobile dans le concert des pressés.

Je ne peux continuer, il faut que je lui offre

Deux mots peut-être, un regard surtout

Tout faire pour l’exister.

Elle est une mère oubliée.

Les talons claquent, tout s’accélère.  

C’est le fracas d’une rame, odeur humide, grincements métalliques,

Une grappe est sortie, une autre s’est engouffrée ;

Et elle,  est restée

Seule et apeurée.

Tout doucement je me suis approchée,

Lui ai pris les deux mains, les ai serrées

Ses yeux se sont baissés,

Elle ne peut me regarder

Elle n’ose  plus exister.

Tout doucement contre moi je l’ai serrée,  

Tout doucement elle a pleuré.  

La ronde des bonnes nouvelles…

Instauration d’une journée nationale sans râler

En ouvrant mon journal ce matin dont, au passage, la qualité du papier se dégrade de plus en plus, ce qui a pour conséquence de noircir les doigts, j’ai malencontreusement renversé ma tasse de café.

La journée commence vraiment mal, ai-je failli dire…Non, en fait, oui je l’avoue je l’ai dit !

Et ce d’autant plus qu’il n’y avait plus de lait, que le pain était sec, que le chat miaulait sans raisons apparentes, que la chaudière ne voulait pas démarrer, qu’évidemment il pleuvait et que j’avais perdu mon parapluie et égaré les clés de ma voiture. Voiture qui ne démarrera certainement pas lorsque j’aurai retrouvé les clés si j’en crois le texto laissé par le voisin : « vous avez laissé vos phares allumés ». Texto que je ne découvre que maintenant étant donné que je ne savais plus où était mon portable. Bref il me semble que toutes les conditions sont quand même réunies pour que je m’autorise, un tout petit peu, à râler.

Et me voici donc à feuilleter mon journal imbibé de café froid (oui mon micro-onde est en panne et du fait de la panne de la chaudière je n’ai pas d’eau chaude et comme hier en voulant réparer une vieille lampe de chevet j’ai fait un mauvais branchement j’ai provoqué un court-circuit et grillé la cafetière). Bref je feuillette et que lis-je en gros caractères gras ? 

« Le 2 novembre devient la journée nationale sans râler ». La décision a été prise à la suite d’une pétition adressée au président de la république par un florilège de professions victimes régulières des râleurs. Il s’agit notamment des professeurs, des garagistes, des plombiers, des facteurs, des météorologues j’en passe et bien d’autres…

Et comment dire, j’ai terminé la lecture de mon journal en me disant : « oh après tout, il n’y a pas de quoi râler… »

Dans ma boîte à coeurs…

Dans ma boîte à mots

Je prends une lettre

Belle, ronde, légère.

La pose sur une feuille

Que le vent a oublié.

Soupir,

Une boucle se forme

La lettre est fermée.

Seule, elle s’ennuie.

Lettre te réclame un ami.

Regarde !

Lui dis-tu,

Prends ce mot

Il est à toi, il t’attend,

Il sourit.

Heureuse,

Lettre E s’est approchée

Contre lui s’est adossé

Des mots doux lui a murmuré,

Dans un cours E s’est invité

Dans ma boîte à cœurs,

Une lettre j’ai postée…

11 décembre

Mots en boîtes

J’ai un arbre dans la tête…

J’ai un arbre dans la tête,

Et,

Quand vient la nuit

Sur ses branches nouées

Reposent mes rêves du bel été

Regarde,

Ecoute,

Ils sont légers, ils sont beaux,

Ces songes qu’on dit vers

Balancent en riant

Au bout de leurs branches.

Dans la lumière du soir tombant,

Fleurissent des mots d’amour

Longues rimes enivrantes,

Qu’on effeuille en dormant.

26 mai…

Ciels…

Souviens toi c’était hier.

C’était dans ce vieux pli du passé,

Que tu as tant de fois étiré.

C’était hier,

Et toi tu disais :

« Il n’y a plus rien à rater

Tous les murs sont debout »

C’était hier,

Et le ciel se souvient,

Regarde,

Dans le coin de ton œil,

Il y a une ride de pierre

Qui rime en riant

Ce vieux reste de bleu

Un extrait de mon premier roman : « Quelques mardis en novembre »

La pluie a cessé. Je sors. J’ai la sensation d’être en pointillé, d’émerger d’une longue nuit. J’ai envie de rentrer chez moi, par le bus. J’aime les bus, je m’y sens bien. Je trouve extraordinaire de pouvoir partager aussi intimement quelques minutes de vie dans un si petit espace. Il y a une espèce de magie dans ces moments où tout le monde s’essaye à la pensée mélancolique. On se croirait dans un colloque du silence. Chacun s’efforce d’apporter sa contribution à la construction de cette atmosphère. Personne ne semble avoir conscience qu’il ne se contente que de se déplacer, d’aller d’un point à un autre. Certains parlent, murmurent plutôt, et cela ne fait que rajouter à la solennité de l’instant. Les bribes de phrases perçues plus qu’entendues se rejoignent d’un bout à l’autre du véhicule et tissent une toile d’araignée à laquelle les pensées de chacun s’accrochent. Lorsque tout est fini, lorsqu’il faut quitter ce domaine clos, la sensation est bizarre. On se croirait débarquant dans un port inconnu, l’air entre à pleins poumons, et l’on regrette la rapidité du voyage.

Le soleil est bas, il en est à ce niveau d’indécision que les encyclopédistes de la littérature romantique appellent le crépuscule. Pour ma part, je vois une lumière basse qui enveloppe le quartier dans une espèce de coton inconfortable. C’est une sensation multidirectionnelle, et c’est peut‑être cela qui la rend si digne. Quand une lumière est si présente, quand elle vous pénètre, quand elle vous essouffle, quand elle se subtilise à votre ouïe, qu’elle calfeutre les regards et donne aux mots qui sortent des bouches des goûts exotiques, alors, il est temps de se nouer la gorge, il est temps d’y croire à cette fameuse grandeur crépusculaire.

J’arrive chez moi un peu après souper. Le retard, comme d’ailleurs tout ce qui émane de ma personne, ne pourra être qu’universitaire. Il aura le privilège d’être affranchi et anobli avant d’avoir pu se transformer en insouciance ou incorrection. Sur la table de la cuisine un couvert m’attend avec fierté. Ce repas que je prends seul me donne de l’importance, m’installe officiellement dans le statut de celui qui est trop occupé pour s’attarder à de basses considérations horaires. Je regarde autour de moi, tout semble être mis en place pour rimer avec simplicité et honnêteté.

Matinales

Il m’arrive parfois d’aller à la recherche d’une belle d’une vraie trace de joie dans l’armoire à souvenirs. En voilà une : une joie animale, forte. Elle réchauffe le cœur et le corps. Elle ne réveille pas mon inspiration, mais elle stimule ma respiration…

Il était cet ours chien qu’on serre contre soi en souriant. Petit bonheur simple dont on respire ensuite l’écume des effluves enfouies…

Mes Everest : Christian Bobin

Texte extrait de « le huitième jour de la semaine »

Ma vie est semblable à l’enfant tumultueux de retour à la maison, gagné par l’ardeur d’un jeu au-dehors : elle me quitte très souvent, elle me revient de loin en loin, encombrée par une émotion que les premiers mots apaisent. Je n’écris que très peu, et ce peu est encore trop, en regard des quelques instants qui éclairent le chemin où je vais : il y a très peu d’événements dans une vie. Parfois, il n’y a que l’événement de son désastre, de son lent engloutissement dans le désastre quotidien. Ainsi perd-on toutes forces dans l’impur mélange des jours. Qu’est-ce donc que la vie ordinaire, celle où nous sommes sans y être ? C’est une langue sans désir, un temps sans merveille. C’est une chose douce comme un mensonge. Je connais bien cet état. J’en sais – par le cœur – la banalité et la violence. L’âme y est comme une ruche, vidée de ses abeilles. L’âme, c’est-à-dire le corps, c’est-à-dire l’aube, c’est-à-dire tous les noms du monde car tous les noms sont les pétales d’une unique fleur de songe, l’âme donc, s’abstrait, s’évade, s’ennuie. S’étiole.

Flash…

Et si l’on ne se disait rien
Se croiser et se sourire
Se parler et se souvenir
Et si l’on se disait tout
Se rencontrer et s’étonner
Se séduire et s’aimer
Et si l’on se disait demain
Se rêver et se promettre
S’espérer et s’oublier
Souffrir dans un souffle
Seul et perdu
Dans la foule des absents

Parfum de nuit…

Il ouvre son livre intérieur,

Y ajoute quelques pages.

L’encre ne sèche plus.

Elle coule

Douce et légère.

C’est le sang vif des mots.

Ils s’échappent,

Perles de plumes

Que le jour éveille.

Si beau

Les mots qui s’envolent.

Dans le vent qui attend, quelques grains de soleil,

Les yeux les lisent, le regard se plisse.

Le cœur s’affole.

On est bien.

Pas un son n’essaie le bruit,

Tout est mélodie.  

Des notes s’enroulent.

Il flotte un doux parfum de nuit.

Quelques miettes d’air marin…

J’ai plongé la main,

Dans le fond mauve de ma poche à sourires.

Il y restait quelques miettes d’air marin ;

Dans le doux creux de ma paume de cire

J’entends, elles chuchotent un chant câlin.

Ô si beaux ces mots loin du pire.

Lavés, salés, à ma bouche les ai portés, comme le bon pain.

Les yeux j’ai fermés : la mer est entrée, elle a tant à me dire…    

25 mai

Matinales…

La Charente avec dans le fond Rochefort et le pont transbordeur, photo réalisée par ma cousine Aline Nédélec

A l’ouest de mon premiers regard
S’étire en glissant ce long soupir
Chant de brumes d’autres mémoires
Il est difficile d’être triste longtemps
Ce n’est plus ton rire qui invite au combat
Je garde en secret ce fond de silence
Je te l’offre tu feras un bouquet de fleurs séchées

27 décembre

Mes Everest : Albertine Sarrazin…

Ce texte est extrait du roman « La traversière »

Si mon désir d’écrire remonte à l’enfance, il ne s’est pas concrétisé par les moyens ordinaires : l’inspiration, l’imagination, le silence, les litres de gros rouge entonnés devant une machine à écrire d’occasion, les pelouses folles d’une résidence secondaire où on médite, allongée toute vacante en suçant des herbes, le milieu des gens de lettres, le grave bureau à dossiers, téléphones et fétiches, connais pas. L’imagination ? Je n’en ai pas. Le tout-France littéraire ? Je l’ignore et il me le rend bien. Le matériel ? Un papier de cantine entraînant le Bic entraînant les doigts entraînant les mots. Autour de moi étaient le merveilleux et le sordide, le temps volé à reconquérir d’urgence, l’oubli instantané à gagner de vitesse, le soir, de traduire le creux des heures sous l’ampoule nue ou le vasistas maigre.

Je reviens d’une longue absence…

Photo : Aline Nédélec

Je reviens d’une longue absence

Et j’ai vu

Dans l’arrière-pays de ma tête

Sur une corde tendue de silence

Pendre quelques loques grises

Elles claquent et se froissent

Sous le souffle mauvais

Des tempêtes aux mots durs

Qu’on voudrait oublier

Je reviens d’une longue absence

Et j’ai entendu

Le rire sautillant d’un enfant

Il est là

Il attend

La brume s’est levée

Nos mains se sont tendues

L’espoir renaît

Poèmes de jeunesse : « Jeudi soir »

Vite

Les mains frappent

Se crochettent

La saleté s’anime

La solitude s’excuse

La foule des anonymes

Au cul empaillé

D’une frime végétative

Souffle son merdique venin

Ça pue

Ça suinte la honte à quatre sous

Ça sent le tragique déguisé

Le soi-disant devient la vérité

Obstruée

Par le non horizon

Par le non avenir

Le naturel ne se cueille pas sur les rires

C’est un accouplement de médiocrité

Dans un orgasme de haines

Antihumains

De ce côté tu ne sais pas si c’est devant

Ou si c’est nulle part

Parce que tu n’y vas plus

C’est ton miroir déformant qui se brise

Tu pisses contre un arbre

Tu ne retournes pas

Et il tombe

Il n’a plus de racines

Il se soutient par lâcheté

Alors tu comprends de plus en plus

Et soudain

Soudain

Ton rêve déchire l’hontosphère

Tes yeux calaminent les regards mielleux

Tu marches à reculons

D’abord

Et tu cours

Ton histoire, elle est pas là-bas

Tu veux pas pourrir comme les autres

Tu veux mourir pour les autres

Le soudain, l’attendu

Arrive une fois

Ailleurs

Par hasard

C’est les yeux que tu cherches

C’est la voix qui te creuse

Ton odeur est encore celle d’hier

T’avais une plaie sur le ciel de tes yeux

Une plaie ouverte

A coeur ouvert

Toutes les nuits tu réalises l’imposture

L’imposture du noir

Qui coulait aussi de tes veines

Ta joie était à l’honneur

Fête nationale dans le calendrier de l’horreur

1980

Poèmes de jeunesse : « jeudi soir » 1

Jeudi noir

Jeudi soir

Jeudi

Tu l’as vu

Alors tu te rappelles d’hier

Tu te rappelles du hier

Il y a celui à qui tu te confesses

Et l’autre qui voulait te finir

T’étais seul au milieu de cette cible d’hypocrisie

Et tu revois les flèches amères, en plein cœur

Et toi tu riais ta mort à pleine peur

Devant une forêt noire et stupide

Une forêt qui s’essouffle à plein siècles

Dans les silences du sablier sanguinaire

Des lueurs

Des odeurs

Et toi tu marchais

Tes branches t’écorchaient le sourire

Qu’ils ont honte de voir

Parce que tu t’en fous ou tu fais semblant

Alors tu te retournes, toujours

Derrière

Pour toi devant il n’y a plus rien

Sauf ce nuage couleur médiocre

Tu sais que c’est d’ailleurs que tout vient

Tu sais que t’es peut-être oublié

Que le hasard est encore vivant

Qu’il veut te rattraper

Alors tu te retournes de plus en plus souvent

Tu creuses ton chemin à pas mûrs

Un chemin pour croire

Ton testament est un cul de sac

Sur le néant

Alors reviens

Vite…

Mes Everest, Peter Handke : le recommencement…

Voilà pour le vieil homme. – Mais moi, à la fin de ce récit, et dussé-je mourir aujourd’hui même, je me vois maintenant au milieu de ma vie, je contemple le soleil du printemps sur ma feuille blanche, je repense à l’automne et à l’hiver, et j’écris : Narration, mon Saint des Saints, rien n’est plus que toi de ce monde, rien n’est plus juste que toi. Narration, patronne du Guerrier Lointain, ma maîtresse. Narration, le plus spacieux de tous les véhicules, char céleste. Œil de la narration reflète-moi, car toi seul sais me reconnaître et me rendre justice. Bleu du ciel, descends jusqu’à l’abîme par la narration. Narration, musique de la sympathie, fais-nous grâce, donne-nous la grâce et sanctifie-nous. Narration, mélange fraîchement les caractères, parcours de ton souffle les successions de mots, assemble-toi en écriture et trace dans le tien notre dessin à tous. Narration, recommence, c’est-à-dire renouvelle ; repousse encore et à nouveau une décision qui ne doit pas être (…) Successeur, quand je ne serai plus, tu me trouveras au pays de la narration, dans le Neuvième Pays. Narrateur dans ta cabane en plein champ envahie par les herbes, toi l’homme doué du sens de l’orientation, tu peux tranquillement te taire, garder peut-être le silence dans les siècles des siècles, écoutant l’extérieur, descendant à l’intérieur de toi-même, mais ensuite, roi, enfant, rassemble tes forces, redresse-toi, appuie-toi sur tes coudes, souris à la ronde, reprends une profonde respiration, et fais à nouveau entendre celui qui apaise tous les conflits, ton : « Et… »

Extrait du roman « le recommencement »

Lumières…

Dans ma réserve à mémoires étonnantes

J’ai raclé les fonds de tiroir

Il ne restait que quelques ombres de rien

Deux trois traces de si peu 

Sur les bords moites d’une nuit sans patience

J’ai semé les graines dorées

Des lumières retrouvées

Mes Everest : André Malraux, extrait de la voie royale

Ces chutes de bois sonore qui ne lui parvenaient pas, il les entendait, de seconde en seconde, dans les battements de son sang; il savait à la fois que, chez lui, il guérirait, et qu’il allait mourir, que sur la grappe d’espoirs qu’il était, le monde se refermerait, bouclé par ce chemin de fer comme par une corde de prisonnier; que rien dans l’univers, jamais, ne compenserait plus ses souffrances passées ni ses souffrances présentes : être un homme, plus absurde encore qu’être un mourant… De plus en plus nombreuses, immenses et verticales dans la fournaise de midi, les fumées des Moïs fermaient l’horizon comme une gigantesque grille : chaleur, fièvre, charrette, aboiements, ces traverses jetées là-bas comme des pelletées sur son corps, se confondaient avec cette grille de fumées et la puissance de la forêt, avec la mort même, dans un emprisonnement surhumain, sans espoir. Les chiens maintenant hurlaient d’un bout à l’autre de la vallée; d’autres, derrière les collines, répondaient; les cris emplissaient la forêt jusqu’à l’horizon, comblant de leur profusion les espaces libres entre les fumées. Prisonnier, encore enfermé dans le monde des hommes comme dans un souterrain, avec ces menaces, ces feux, cette absurdité semblable aux animaux des caves. A côté de lui, Claude qui allait vivre, qui croyait à la vie comme d’autres croient que les bourreaux qui vous torturent sont des hommes : haïssable. Seul. Seul avec la fièvre qui le parcourait de la tête au genou, et cette chose fidèle posée sur sa cuisse : sa main.

Il l’avait vue plusieurs fois ainsi, depuis quelques jours : libre, séparée de lui. Là, calme sur sa cuisse, elle le regardait, elle l’accompagnait dans cette région de solitude où il plongeait avec une sensation d’eau chaude sur toute la peau. Il revient à la surface une seconde, se souvint que les mains se crispent quand l’agonie commence. Il en était sûr. Dans cette fuite vers un monde aussi élémentaire que celui de la forêt, une conscience atroce demeurait : cette main était là, blanche, fascinante, avec ses doigts plus hauts que la paume lourde, ses ongles accrochés aux fils de la culotte comme les araignées suspendues à leurs toiles par le bout de leurs pattes sur les feuilles chaudes; devant lui dans le monde informe où il se débattait, ainsi que les autres dans les profondeurs gluantes. Non pas énorme : simple, naturelle, mais vivante comme un œil. La mort, c’était elle.

Mes Everest, Colette, extrait de la vagabonde…

Cher intrus, que j’ai voulu aimer, je t’épargne. Je te laisse ta seule chance de grandir à mes yeux : je m’éloigne. Tu n’auras, à lire ma lettre, que du chagrin. Tu ne sauras pas à quelle humiliante confrontation tu échappes, tu ne sauras pas de quel débat tu fus le prix, le prix que je dédaigne…
Car je te rejette, et je choisis… tout ce qui n’est pas toi. Je t’ai déjà connu, et je te reconnais. N’es-tu pas, en croyant donner, celui qui accapare ? Tu étais venu pour partager ma vie… Partager, oui : prendre ta part ! Être de moitié dans mes actes, t’introduire à chaque heure dans la pagode secrète de mes pensées, n’est-ce pas ? Pourquoi toi plutôt qu’un autre ? Je l’ai fermée à tous.
Tu es bon, et tu prétendais, de la meilleure foi du monde, m’apporter le bonheur, car tu m’as vue dénuée et solitaire. Mais tu avais compté sans mon orgueil de pauvresse : les plus beaux pays de la terre, je refuse de les contempler, tout petits, au miroir amoureux de ton regard…
Le bonheur ? Es-tu sûr que le bonheur me suffise désormais ?… Il n’y a pas que le bonheur qui donne du prix à la vie. Tu me voulais illuminer de cette banale aurore, car tu me plaignais⁹ obscure. Obscure, si tu veux : comme une chambre vue du dehors. Sombre, et non obscure. Sombre, et parée par les soins d’une vigilante tristesse ; argentée et crépusculaire comme l’effraie, comme la souris soyeuse, comme l’aile de la mite. Sombre, avec le rouge reflet d’un déchirant souvenir… Mais tu es celui devant qui je n’aurais plus le droit d’être triste…
Je m’échappe, mais je ne suis pas quitte encore de toi, je le sais. Vagabonde, et libre, je souhaiterai parfois l’ombre de tes murs… Combien de fois vais-je retourner à toi, cher appui où je me repose et me blesse ? Combien de temps vais-je appeler ce que tu pouvais me donner, une longue volupté, suspendue, attisée, renouvelée… la chute ailée, l’évanouissement où les forces renaissent de leur mort même… le bourdonnement musical du sang affolé… l’odeur de santal brûlé et d’herbe foulée… Ah ! tu seras longtemps une des soifs de ma route !
Je te désirerai tour à tour comme le fruit suspendu, comme l’eau lointaine, et comme la petite maison bienheureuse que je frôle… Je laisse, à chaque lieu de mes désirs errants, mille et mille ombres à ma ressemblance, effeuillées de moi, celle-ci sur la pierre chaude et bleue des combes de mon pays, celle-là au creux moite d’un vallon sans soleil, et cette autre qui suit l’oiseau, la voile, le vent et la vague. Tu gardes la plus tenace : une ombre nue, onduleuse, que le plaisir agite comme une herbe dans le ruisseau… Mais le temps la dissoudra comme les autres, et tu ne sauras plus rien de moi, jusqu’au jour où mes pas s’arrêteront et où s’envolera de moi une dernière petite ombre….

Poèmes de jeunesse : suite et fin

Je termine aujourd’hui la publication de ce très long texte, commis il y a plus de quarante ans et auquel j’avais donné le titre ronflant de  » Avant que ne meurent les victoires écorchées… »

Avant que ne meurent les victoires écorchées

Avant que ne s’entendent les discours du hasard

Tu regardes

Pour savoir

Pour l’espoir

Dans la foule pas un qui ne bouge

Pas un qui ne songe à remuer son poids de graisse

Alphabétique

Pas un qui n’oublie son anonymat

Pas un qui n’épèle son nom

Pas un pour croire qu’il y autre chose

Au dessus d’eux

Pas un qui n’ait un visage qui se reconnaît

Parce que tous attendent le lendemain

Qui suivra leur journée d’adoption

Qui passe en les tuant

Par paquets de minutes

Qu’ils ont volés à la pendule de ceux qui veulent pas

Mais qui sont morts

Pour l’instant ils ne marchent pas

Ils avancent

Mécaniques amnésiques

D’un mot qui revient

Sur toutes les lèvres pincées

Des ceux qu’on dit gagnants

Alors toi t’as plus que tes amis

Derrière d’autres fenêtres

Alors tu te dis que les leurs vont s’ouvrir

Et t’entends déjà le frémissement d’une autre foule

La foule aux visages ouverts

Alors tu joues une dernière fois à perdre l’espoir

Pour accroître ta haine

Pour que ton amour pousse

Au rythme des humains

Tu t’en fous que les fusils

Soient les croix des cimetières

Parce que toi tu veux te mettre à la fenêtre

Sans avoir la face éclaboussée

Par une flaque de calamité

Parce que toi tu veux revenir de ton voyage

Avec pour tout bagage

Le seul mot que tu auras rencontré

Parce que toi tu veux voir ce que tu as choisi

Voir deux amis se rencontrer

Voir deux années se raconter

Voir ou les hommes pleurent de joie

Voir où les enfants rient

D’avoir trop pleuré

Ailleurs

Voir les chefs mourir

Voir la beauté sans miroir

Voir des sourires sans bénéfices

Voir

Tout voir

Te voir

Novembre 1979

Poèmes de jeunesse : suite

Avant que ne s’entendent les victoires écorchées

Avant que ne meurent les discours du hasard

Toi t’entends déjà

Les pas de la ville

Qui résonnent aux fenêtres

Des fils sans drapeaux

Le pas fasciste de la ville

Le pas creux de ceux qui t’étouffent

En vainqueur

Alors t’as peur

T’as peur parce-qu’on t’a dit

Que tu étais foutu

T’as peur et pourtant tu disais que tu voulais pas finir

Ainsi

Comme les autres

Ceux qui sont en bas

Et toi tu dis que ça ne recommencera pas

Qu’on y reviendra

Mais ils t’ont bouffé ton présent

Alors n’y crois plus

Parce que les autres ont réussi

T’étais tant sûr de toi

Quand tu leur disais qu’ils avaient tort

Mais toi tu travaillais sans filet

Et les autres ils sont en bas

Ils attendent que tu te casses la gueule

Déjà tu commences à te lamenter

Dans le musée de ton angoisse

Aïeul de ton soupir de haine

Tes yeux ne sont plus des fenêtres

Ils sont déjà des barreaux sanglants

Sur des fentes qui se ferment

Tes mains ne sont plus des amies pour celles des autres

Ce sont déjà des armes pour ceux qu’ont les bottes

Tu sens déjà ta bouche pourrir

A s’attarder sur leurs mots de pierre

Que leur construisent des temples d’enfer…

Poèmes de jeunesse, suite…

Avant que ne s’entendent les victoires écorchées

Avant que ne meurent les discours du hasard

Toi t’entends déjà

Les pas de la ville

Qui résonnent aux fenêtres

Des fils sans drapeaux

Le pas fasciste de la ville

Le pas creux de ceux qui t’étouffent

En vainqueur

Alors t’as peur

T’as peur parce qu’on t’a dit

Que t’étais foutu

T’as peur et pourtant tu disais que tu voulais pas finir

Ainsi

Comme les autres

Ceux qui sont en bas

Et toi tu te dis que ça ne recommencera pas

Qu’on y reviendra

Mais ils t’ont bouffé ton présent

Alors n’y crois plus

Parce que les autres ont réussi

T’étais tant sûr de toi

Quand tu leur disais qu’ils avaient tort

Mais toi tu travaillais sans filet

Et les autres ils sont en bas

Ils attendent que tu te casses la gueule

Déjà tu commences à te lamenter

Dans le musée de ton angoisse

Aïeul de ton soupir de haine

Tes yeux ne sont plus des fenêtres

Ils sont déjà des barreaux sanglants

Sur des fentes qui se ferment

Poèmes de jeunesse : suite..

…T’aurais voulu la mort

Qui tuera les blessures de ta croûte sénile

Parce qu’à force de vouloir t’éviter

Tu finiras par te condamner

Au repos ahurissant

Des travaux forcés

Du bagne de la ville qui étouffe

Les ceux qu’on dit poète

Avant que ne s’entendent les victoires écorchées

Avant que ne meurent les discours du hasard

Tu devrais réapprendre le regard

Qui fait avouer le vrai

Pour partir loin d’ici

Dans un rêve qui ne finit jamais

Partir sans visage

Amnésique

Voyager dans le creux de la vague

Que forment les désespoirs

De ceux qui restent

Parce qu’ils veulent pas

Voyager sur le trottoir d’en face

Où l’histoire s’est faite avec ces foutus

Que t’as failli rencontrer

Tu devrais voyager avec ceux que les autres oublient

Parce qu’ils sont habillés de refus

Tu devrais connaître le paysage de leur mort

Le labyrinthe de leur vie

Pour qu’eux aussi ils sachent

Que t’as peur

Que t’as peur quand t’es suivi

Par ceux qui fusillent

Les habitués de l’ombre de l’histoire

Mais il est trop tard

Mes Everest, Philippe Djian, au commencement était le style…

Je m’aperçois que j’ai rarement mentionné mon attachement à Philippe Djian, il est un de mes maîtres vivants…Je relis souvent ce texte qui m’interroge, nous interroge sur notre amour de l’écriture. Il est un peu long, mais cela vaut le coup d’aller jusqu’au bout…

Si ma mémoire est bonne, on m’a déjà interrogé sur les processus créateurs il y a environ vingt ans, à l’occasion de la publication de mon premier livre. Pour être franc, je n’en savais pas beaucoup sur la question, à l’époque. Je pensais qu’il s’agissait de s’asseoir derrière une table et de fermer les yeux quelques minutes pour que la machine se mette en marche. Et ça fonctionnait, avec un peu de chance.
Aujourd’hui, bien entendu, je n’en sais pas davantage. Je sais que la table demeure un élément important mais j’ai remarqué que je n’étais pas obligé de fermer les yeux. Un trombone ou un élastique feront très bien l’affaire.

Je ne crois pas à l’inspiration. De même, je ne crois pas qu’il y ait de génie en littérature. Je crois qu’il y a de bons pêcheurs. Il y a des gens qui n’attrapent rien malgré un matériel sophistiqué et de solides appuis à terre. Et d’autres, qui n’ayant embarqué que le strict minimum, peut-être une simple ligne et un hameçon, reviennent les bras chargés et un simple sourire aux lèvres. Ceux-là ont le style.
J’ai toujours pensé que le livre existait avant même que je ne commence à l’écrire. J’imaginais qu’un bout de fil dépassait du sol et que si je m’y prenais avec patience et adresse, j’allais pouvoir tirer toute la bobine sans rien casser. C’est encore un peu le cas aujourd’hui. Si je devais dresser la liste du matériel nécessaire, je dirais que l’exercice demande un peu de chance, pas mal de foi, une assez bonne vue et beaucoup d’humilité. J’ajouterais à cela un ego à géométrie variable et du style.

Il faut donc de la chance, pour commencer. Il faut trouver le bon bout de la bobine, plus communément nommé l’incipit. La première phrase, si vous préférez. J’y attache personnellement la plus extrême importance car je considère qu’elle renferme, dans une certaine mesure, le roman tout entier. Elle est, à tout le moins, la première pierre. Celle sur laquelle toutes les autres vont venir s’appuyer au fur et à mesure. Elle va décider, par sa taille et sa forme, de la direction et de l’humeur du livre à venir. Il est donc conseillé de la tourner et la retourner dans tous les sens, d’en examiner les moindres détails durant quelques jours avant de se précipiter car ensuite, il sera trop tard. C’est la raison pour laquelle je pense que les neuf dixièmes des cours de « creative writing» devraient être consacrés à la recherche puis à l’étude intensive de cette première phrase. Sa rumination systématique et attentive fournit la plupart du temps une foule d’indications secondaires invisibles au premier coup d’œil, telles que la situation climatique, sinon géographique, le milieu social dans lequel nous allons évoluer, l’état d’esprit du narrateur ainsi que ses préoccupations et par-là sa vision du monde. Qui a dit ou pensé ces premiers mots et pourquoi ? Comment le personnage les a-t-il choisis ? Quelle expérience connaît-il au moment où il les exprime ? Pour le savoir, il suffit de tirer doucement sur le fil de la bobine et le voile commencera à se lever. Reste que tomber sur la bonne première phrase est un coup de chance. Mais chacun sait qu’on peut aider la chance…
Ensuite intervient la foi. Je pense qu’un écrivain peut faire l’économie de l’inspiration, qui me semble relever de l’attirail folklorique et peut encore amuser les enfants, mais il ne peut se passer de la foi. C’est le seul carburant possible, le seul qui permettra de mener l’entreprise à son terme. Écrire un livre demande une volonté à toute épreuve, sous peine d’encombrer les librairies d’ouvrages qui n’ont pas le moindre intérêt et se ressemblent tous les uns les autres. Un écrivain qui n’a pas la foi ne peut pas produire autre chose. L’écrivain doit avoir en lui une confiance absolue car le voyage ne sera pas de tout repos. Ce sera long, pénible, la fatigue et les doutes se feront une joie de lui compliquer la tâche et personne ne viendra l’aider. D’où, une fois encore, l’importance de la première phrase. Car c’est en elle que l’écrivain puisera ses forces. C’est elle qui lui insufflera la foi nécessaire. Il ne s’agit plus dès lors d’une quelconque et vulgaire confiance en soi mais de quelque chose qui la dépasse et apparaît sous un jour émouvant.

Avoir une bonne vue est essentiel, même si l’on a la foi. Il y aura de longues heures, des jours entiers ou plus encore, à guetter. Il faudra se méfier des leurres, percer des brumes plus ou moins opaques et balayer l’espace d’un regard juste. Le regard de l’écrivain est sa seule arme. L’aiguiser, son seul devoir. Il pourra ensuite considérer sous l’angle qui lui conviendra des territoires mille fois explorés et les soumettre à un style. Avoir une bonne vue conduit à trouver la bonne voix. Plus tard, ces deux éléments pourront s’inverser, ou mieux encore ne faire plus qu’un. Jean-Luc Godard a déclaré qu’un travelling était une affaire de morale. Le regard, et par conséquent le style, sont également une affaire de morale. Là où il n’y a pas de regard, il n’y a pas de morale et donc rien qui ne puisse identifier un écrivain comme une personne unique.

Une fois qu’il a découvert son originalité, un écrivain doit aussitôt recourir à l’humilité, sous peine de foncer dans le mur. L’aveuglement est un défaut rédhibitoire. L’écrivain doit être capable de contrôler son ego, par tous les temps et dans toutes les occasions. Dans un sens comme dans l’autre. Il doit pouvoir le laisser enfler, mais aussi le dégonfler, selon les circonstances. Vous ne ferez rien de bon avec un ego de taille moyenne, mais pas davantage avec le grand modèle si vous ne parvenez pas à le maîtriser. Le problème est identique à celui que l’on rencontrerait en chevauchant un animal sauvage : il nous emmènerait très vite et très loin mais il n’y aurait plus personne pour relater l’expérience. Donc, prudence !

En dressant la liste du matériel nécessaire, selon moi, à la création littéraire, j’ai livré de nombreuses indications sur ma méthode.

On aura compris que je n’établis aucun plan et pratique une sorte d’élargissement, d’exploration de surfaces concentriques à partir de la première phrase. D’un point de vue cinématographique, cela équivaudrait au passage d’un plan serré à un plan plus large, chaque degré étant électrisé par le hors-cadre.

Cela constitue la première partie de mon travail, qui consiste en la rédaction d’une vingtaine de feuillets. Ce n’est pas un brouillon mais le texte définitif des premières pages du roman. Ainsi le socle s’est élargi. Pressée comme un citron, la première phrase a révélé la plupart de ses secrets et l’on commence à y voir plus clair. À ce stade, il faut effectuer le même travail qu’avec la première phrase : lecture, rumination, exploration systématique de tous les détails et appropriation.

C’est l’étape la plus importante, mais aussi la plus étonnante et la plus gratifiante. Le moment est venu où l’on va découvrir et comprendre vers quoi le roman veut nous attirer. Quelle est la signification de certains signes demeurés jusque-là incompréhensibles. Quelle est la voix qui s’est emparée de vous et quel est le discours qu’elle cherche à faire entendre. Il faut alors se résoudre à une immersion complète qui peut prendre plusieurs jours. Il faut écouter et se souvenir de tout ce que l’on apprend avant de remonter à l’air libre. Et alors seulement, vous pouvez y aller.

Il peut arriver les choses les plus étranges au cours de cette phase. Ainsi par exemple, à propos du roman sur lequel je suis en train de travailler[2]. Un homme et une femme reçoivent quelques amis chez eux. J’en ai écrit une vingtaine de pages, puis je me suis aperçu que les dialogues entre le mari et la femme avaient une sonorité bizarre et que la femme ne s’adressait pas directement aux autres. À la relecture, je ne comprenais pas pourquoi et il m’a fallu un bon moment avant de trouver la clé de l’énigme : cette femme était morte et ne vivait plus que dans l’esprit de son mari. Ainsi tout s’éclairait.

Il faut donc bien écouter ce que très vite, le roman essaye de vous dire. C’est souvent bien plus intéressant que le thème qu’un auteur voudrait aborder a priori et qui requiert la plupart du temps l’utilisation d’un chausse-pied ou entraîne tout le monde dans des contorsions abominables.

Cette phase a également pour objet de reconstituer ses forces. Encore qu’il s’agisse plutôt d’une espèce de transfusion sanguine qui va directement de l’embryon du roman dans les veines de l’auteur. Je pense que cette image est bien plus juste qu’il n’y paraît dans la mesure où elle suggère la présence de deux entités, le roman et l’auteur, et l’obligation d’un échange de l’un à l’autre. En se laissant vampiriser par l’auteur, le roman se donne les moyens d’exister. Il en résulte que, selon moi, l’écriture d’un roman n’est pas un exercice tout à fait solitaire. Et je pense qu’une grande partie de cette confiance en soi que j’ai évoquée, n’a pas d’autre origine.

Il se peut également que la vraie nature du roman se révèle beaucoup plus tard. J’ai ainsi été obligé de m’atteler à une trilogie à la fin d’un premier ouvrage[3]. Celui-ci était déjà dans les vitrines des librairies lorsque j’ai pris conscience qu’il en appelait un autre. J’y ai donc travaillé, mais ce n’était pas une suite, tous les personnages étaient nouveaux et les deux narrateurs différents. J’ai donc terminé ce second volume dans un état de perplexité avancé. Puis un matin, une troisième voix s’est fait entendre, m’apprenant qu’elle s’était cachée dans les deux premières. Je n’avais plus qu’à écrire la troisième partie pour que tout rentre dans l’ordre. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait.

Je donne cet exemple pour insister sur un point qui me paraît essentiel : la création n’est pas le fruit d’un effort de volonté mais plutôt celui d’une certaine souplesse. Je pense qu’il faut s’y glisser plutôt que d’y entrer en force. Savoir lire entre ses propres lignes et en tirer les conséquences. Je n’ai jamais commencé un roman avec une idée derrière la tête. Céline disait que les idées étaient vulgaires et qu’il suffisait d’ouvrir un journal pour en trouver. J’ajouterais qu’elles finissent toujours par apparaître à un moment ou à un autre et qu’il est donc inutile de s’en préoccuper à l’avance, sous peine de transformer le roman en une tribune et l’auteur en philosophe, en historien, en psychanalyste ou en théoricien. Or, il n’est pas là pour ça.

Il faut donc aller tout droit vers ce dont on a vraiment envie, sans aucun détour. Dans une interview, John Ford déclarait qu’il tournait parfois des scènes qui n’avaient rien à voir avec le scénario, simplement parce qu’elles s’imposaient à lui et qu’elles étaient sans doute la seule raison de faire le film. Voilà une bonne piste.

À la fin de l’un de mes livres, un mari donne quelques conseils à sa femme qui est écrivain[4]. J’aimerais vous les citer car ils me semblent contenir certaines règles qui vont dans le sens de ce que j’essaye péniblement d’exposer depuis un moment :
Ne t’occupe pas de ce que l’on écrit sur toi, que ce soit bon ou mauvais. Évite les endroits où l’on parle des livres. N’écoute personne. Si quelqu’un se penche sur ton épaule, bondis et frappe-le au visage. Ne tiens pas de discours sur ton travail, il n’y a rien à en dire. Ne te demande pas pour quoi ni pour qui tu écris, mais pense que chacune de tes phrases pourrait être la dernière.
Il y a bien sûr d’autres règles à respecter. Lorsque j’ai commencé à écrire, mon plus grand défaut était l’impatience. Mon travail n’avançait jamais assez vite et j’avais beaucoup de mal à accepter le peu de résultat concret d’une longue journée de labeur. J’imaginais sans doute que l’on pouvait écrire un roman à la faveur de quelques nuits d’illumination fiévreuse, confondant ainsi une course de cent mètres avec un marathon. Mais j’ai fini par comprendre que cette impatience me rongeait et rendait les choses encore plus difficiles. Je me suis donc imposé une discipline particulière : j’ai décidé que ma journée de travail ne se compterait plus en heures mais en mots. Je me suis imposé d’en écrire cinq cents parce que j’avais lu quelque part que c’était la cadence d’Hemingway et je m’y suis tenu durant un bon moment. J’ai ainsi fait connaissance avec la régularité, chose qui n’était pas dans mon tempérament. J’ai dû également admettre qu’un effort continu était indispensable. Ce qui signifie, de mon point de vue, que l’on ne peut pas rester simplement planté là en attendant que la chose vous tombe du ciel. Avoir la bonne attitude morale ne suffit pas. Il faut se lever et marcher à la rencontre. C’est-à-dire lutter contre l’impatience, accepter la monotonie, bousculer sa nature, enfin ce genre de choses.

Pour finir, je dois avouer que je n’ai jamais éprouvé un impérieux besoin d’écrire. Je peux d’ailleurs m’en passer pendant un long moment. Je me suis souvent interrogé à ce propos, me demandant ce qui n’allait pas chez moi. Les écrivains que je rencontrais semblaient au contraire incapables de résister à cette étonnante manie et ne s’en plaignaient pas un instant. Au bout d’un moment, j’ai fini par en conclure que je n’étais pas un écrivain vingt-quatre heures sur vingt-quatre, trois cent soixante-cinq jours par an, mais seulement de temps en temps, par secousses si l’on peut dire. Pour être plus précis, je dirais que je n’ai pas toujours l’œil. Le passage de l’image ou du sentiment au mot ne se fait pas, ou alors d’une manière si banale ou si pauvre qu’il vaut mieux laisser tomber. En fait, j’ai l’impression d’être une machine qui n’est pas toujours en marche. Elle a pour fonction d’opérer une transformation entre ce que je reçois et ce que je délivre mais elle n’est pas branchée en continu et je ne sais pas comment y remédier. Je n’ai pas d’autre solution que d’être là au bon moment et je lorgne avec envie du côté de ceux qui bénéficient d’un matériel plus fiable.

La transformation dont il est question ici s’appelle le style. Quel que soit le domaine artistique considéré, là où il n’y a pas le style, il n’y a rien. Vous pouvez vous tenir au-dessus d’un filon d’or pur mais si vous n’avez pas le bon outil pour creuser, vous repartirez les mains vides. Céline, toujours lui, a également déclaré :« Au commencement était l’émotion. » Je pense qu’il aurait pu dire : « Au commencement était le style. »

À quoi bon chercher, si vous n’avez pas l’outil adéquat ? Que deviendront vos intentions les plus nobles ou les plus originales si vous n’avez pas le moyen de les exprimer au plus près ? Il arrive parfois que le style lui-même déclenche le processus créatif, que le ton précède la phrase, que la couleur induise le sujet ou que le rythme existe avant la mélodie.

La véritable angoisse de la page blanche, selon moi, n’est pas celle du contenu mais de la forme. « Le style ne constitue pas le contenu, mais il est la lentille qui concentre le contenu en un foyer ardent» (Jacob Paludan). Comme les quelques rares éléments capables de déclencher une émotion esthétique, le style est une notion très difficile à définir, ses contours sont assez vagues et sa substance volatile, donc réticente à l’analyse. Si bien que la plupart des auteurs, non seulement s’imaginent, mais peuvent tranquillement affirmer en posséder un. Malheureusement, acquérir puis travailler un style est sans doute la chose la plus dure et la plus délicate qui soit. Beaucoup reculent devant l’épreuve, mais le résultat est là.

D’une manière générale, je n’entretiens guère de relations avec les écrivains. En revanche, je fréquente régulièrement des musiciens, des peintres et des cinéastes. Je les écoute parler de leur travail ou je lis leurs interviews avec beaucoup d’intérêt car ils sont pour moi d’un enseignement très riche et lumineusement transposable au domaine de la littérature. Les nouvelles tendances de l’art contemporain, les recherches de certains cinéastes sur la bande-son ou le support, ou les dernières compositions de Steve Reich ou Phil Glass, par exemple, évoquent une multitude de pistes possibles. La manière dont ils ont résolu certains problèmes ou s’y sont cassé les dents constitue une somme d’informations infiniment précieuses. Si bien que la multiplication des passerelles entre les différentes formes d’expressions artistiques est non seulement souhaitable, mais indispensable aux progrès que nous nous proposons d’accomplir. Et Dieu sait que nous en avons besoin.

Poèmes de jeunesse : suite,

Je continue la publication de ce très long ( trop…) poème écrit il y a quarante ans. Pour en permettre une lecture sans coupure j’ai créé une nouvelle catégorie ajoutée au menu, avec le titre suivant :  » les victoires écorchées… »

…Tu te dis que ça fait déjà longtemps

Que tu ne sais plus lui parler

T’as fini par croire que tu t’étais trompé

T’as fini par vouloir accepter

Que c’était un jeu perdu d’avance pour toi

Et puis t’as reculé

T’as refusé d’y croire

T’as recommencé

Et on dirait que t’as plus peur

Et déjà t’attends

T’attends la proclamation d’une mort générale

Pour ceux qui obéissent

Et qui disent qu’ils sont seuls

T’écoutes la plainte du nombre

De ceux qui pourrissent de honte

Parce qu’ils ont perdu la force d’aimer

Et de recommencer

Avant que ne s’entendent les victoires écorchées

Avant que ne meurent les discours du hasard

T’aurais voulu te raconter

Parce que t’as entendu dire

Que quelqu’un finirait par parler

De ceux que tu détestais

T’aurais voulu leur parler

Pour leur dire qu’ils existent

Pour leur dire qu’ils subsistent…

Poèmes de jeunesse, suite….

…Tu devrais oublier les autres

Parce qu’ils ont leur ombre

Parce que tu as la tienne

On t’a dit que tu étais né

Comme les autres

Et toi tu joues au différent

Parce que tu sais que tu n’es rien

Parce que tu connais la mort

Tu l’as découverte

En l’église des paumés de l’angoisse

Où l’on ne prie pas

Mais où l’on crie qu’on a peur

Dans ce bal costumé qui n’en finit jamais

Il faut que tu assistes à la messe

Des ceux qui sont condamnés à attendre le verbe

Pour soupçonner le vrai

Ils te rajeuniront de ceux que tu ignores

Parce qu’ils savent eux aussi

Que tu les as trouvés

Avant que ne s’entendent les victoires écorchées

Avant que ne meurent les discours du hasard…

Poèmes de jeunesse, suite…

Avant que ne s’entendent les victoires écorchées

Avant que ne meurent les discours du hasard

Tu pourrais écrire des tragédies larmoyantes

Symptômes de vie

Paresseux mensonges d’une fausse mélancolie

Tu te portes au secours d’une angoisse

Qui s’agglutine

Par plaques de paumés

Sur les regards de ceux qui naviguent

Sans tickets

Tu devrais partir sans clefs

Pour nulle part

Et pour que si tu te perds

Tu saches où aller

Tu devrais être l’instant l’instant présent

Et qui passe plus vite qu’on l’oublie

Tu devrais écrire un poème

Où la rime qui s’entend

Est un baiser qu’on espère…

Mes Everest : Bob Dylan, une pluie dure va tomber…

Où as-tu été, mon fils aux yeux bleus ?
Où as-tu été, mon cher petit ?
J’ai trébuché sur le bord de douze montagnes brumeuses,
J’ai marché et rampé sur six chemins tordus,
J’ai pénétré au cœur de sept forêts tristes,
J’ai été à la rencontre d’une douzaine d’océans morts,
J’ai marché dix mille miles dans la bouche d’un cimetière,
Et c’est une dure, et c’est une dure, c’est une dure, c’est une dure,
Et c’est une pluie dure qui va tomber.

Qu’as-tu vu, mon fils au yeux bleus?
Qu’as-tu vu, mon cher petit?
J’ai vu un nouveau-né entouré de loups du désert,
J’ai vu un chemin de diamants avec personne dessus,
J’ai vu une branche noire dégoulinante de sang,
J’ai vu une pièce pleine d’hommes avec leurs marteaux qui saignaient,
J’ai vu une échelle blanche toute couverte d’eau,
J’ai vus dix mille bavards dont la langue était cassée,
J’ai vu des fusils et des épées effilées dans les mains de jeunes enfants,
Et c’est une dure, et c’est une dure, c’est une dure, c’est une dure,
Et c’est une pluie dure qui va tomber.

Qu’as-tu entendu, mon fils aux yeux bleus?
Qu’as-tu entendu, mon cher petit?
J’ai entendu le son du tonnerre, rugir un avertissement,
Entendu le hurlement d’une vague qui pourrait noyer le monde entier,
Entendu cent batteurs dont les mains étaient en flamme,
Entendu dix mille chuchotements que personne n’écoutait,
Entendu une personne affamée, et entendu beaucoup de gens rire,
Entendu la chanson d’un poète qui mourait dans le caniveau,
Entendu le cri d’un clown qui pleurait dans la rue,
Et c’est une dure, et c’est une dure, c’est une dure, c’est une dure,
Et c’est une pluie dure qui va tomber.

Qui as-tu rencontré, mon fils aux yeux bleus
Qui as-tu rencontré, mon cher petit?
J’ai rencontré un jeune enfant aux côtés d’un poney mort,
J’ai rencontré un homme blanc qui promenait un chien noir,
J’ai rencontré une femme dont le corps brûlait,
J’ai rencontré une jeune fille qui m’a donné un arc-en-ciel,
J’ai rencontré un homme qui était blessé par l’amour,
J’ai rencontré un autre homme qui était blessé par la haine,
Et c’est une dure, c’est une dure, c’est une dure, c’est une dure,
C’est une pluie dure qui va tomber.

Que vas-tu faire, mon fils aux yeux bleus?
Que vas-tu faire, mon cher petit?
Je vais sortir avant que la pluie ne commence à tomber,
Je vais marcher au plus épais de la plus noire et épaisse forêt,
Où les gens sont nombreux et ont les mains vides,
Où les boulettes de poison ont envahi leurs eaux,
Où la maison dans la vallée ressemble à la prison sale et humide,
Où le visage du bourreau est toujours bien caché,
Où le désir est laid, où les âmes sont oubliées,
Où noire est la couleur, où zéro est le nombre,
Et je le dirai et je le penserai et je le raconterai et je le soufflerai,
Et je le projetterai de la montagne pour que chacun puisse le voir,
Et puis, je resterai sur l’océan jusqu’à ce que je commence à sombrer,
Mais je connaîtrai bien ma chanson avant de commencer à chanter.
Et c’est une dure, c’est une dure, c’est une dure, c’est une dure,
C’est une pluie dure qui va tomber.

Flash…

Il est parfois des flous un peu fous

On se pousse du coude

On étire le cou

Les couleurs sont révoltées

On veut se mélanger

On veut se serrer fort

Se mélanger les pinceaux

Et rire ensemble

De vos yeux qui se plissent

A trop chercher

Nos pâleurs

Nos noirceurs

Nos rougeurs

Nos belles humeurs

20 décembre

Poèmes de jeunesse : suite.

…Tu te surprends

Pleurant l’attente

Du troubadour jouant le désir

Sans aumône

T’entends déjà le fourmillement d’une foule

Qui arrive par paquets de bottes

Tu te soulignes à grands traits de rencontres

Avec des fossoyeurs d’esprit littéraire

Alors tu crois oublier les bottes

Parce qu’elles sont derrière la porte

De celui qui t’ouvre les yeux

Avant que ne s’entendent les victoires écorchées

Avant que ne meurent les discours du hasard

Sois sur que t’as aimé

Pour que le jour où tu animeras ton absence

Les suicidés de l’ennui

N’oublient pas que tu étais avec eux..

Poèmes de jeunesse : suite…

A grands coups d’épithètes vainqueurs des armateurs du silence

T’as vendu ta folie à un colporteur de passage

Qui soufflait des mensonges

Il ne te reste plus que ta citoyenneté ombilicale

Pour motif de mort

A force de vouloir subsister tu t’es pendu

Avec une corde de similitude

T’as pris au piège de ton histoire un mot de ton invention

Et il est devenu compagnon d’une dernière passion qui te dispersera.

Avant que ne s’entendent les victoires écorchées

Avant que ne meurent les discours du hasard

Tu t’inventes une bouche

Fleur pleine

D’assoiffés aux peurs qui survivent…

Mes poèmes de jeunesse…

Un très long texte écrit entre 1979 et 1980 , comme chaque année depuis l’ouverture de ce blog je vais le republier en plusieurs parties, pour, je l’espère, que vous preniez le temps de l’apprécier…

Avant que ne s’entendent les victoires écorchées,

Avant que ne meurent les discours du hasard,

Tu t’inocules dans les veines un poison qui n’existe pas

Sinon pour ceux qui peuvent en souffrir.

Tu vois des chefs piétinant des pelouses d’enfants

Avec un artiste à leur trousse,

Pour que leurs morts s’ajoutent.

Tu insultes la silhouette d’un muscle

D’institutions barbelées

Qui sert d’ombre à des gladiateurs de cirques kakis.

T’ajoutes ta larme à celle du clown au chômage.

Tu espères toujours la parole à ceux qui ont peur,

Parce qu’elle les trompe,

De sourires en sourires,

Passés à boucher des trous d’obscurité.

Mes Everest : l’hôte, Albert Camus

Magnifique ! Que dire de plus. Le lire, le relire et fermer les yeux

L’instituteur regardait les deux hommes monter vers lui. L’un était à cheval, l’autre à pied. Ils n’avaient pas encore entamé le raidillon abrupt qui menait à l’école, bâtie au flanc de la colline. Ils peinaient, progressant lentement dans la neige, entre les pierres, sur l’immense étendue du haut plateau désert. De temps en temps, le cheval bronchait visiblement. On ne l’entendait pas encore, mais on voyait le jet de vapeur qui sortait alors de ses naseaux. L’un des hommes, au moins, connaissait le pays. Ils suivaient la piste qui avait pourtant disparu depuis plusieurs jours sous une couche blanche et sale. L’instituteur calcula qu’ils ne seraient pas sur la colline avant une demi-heure. Il faisait froid ; il rentra dans l’école pour chercher un chandail.

Il traversa la salle de classe vide et glacée. Sur le tableau noir les quatre fleuves de France, dessinés avec des craies de couleurs différentes, coulaient vers leur estuaire depuis trois jours. La neige était tombée brutalement à la mi-octobre, après huit mois de sécheresse, sans que la pluie eût apporté une transition et la vingtaine d’élèves qui habitaient dans les villages disséminés ne venaient plus. Il fallait attendre le beau temps. Daru ne chauffait plus que l’unique pièce qui constituait son logement, attenant à la classe, et ouvrant aussi sur le plateau à l’est. Une fenêtre donnait encore, comme celles de la classe, sur le midi. De ce côté, l’école se trouvait à quelques kilomètres de l’endroit où le plateau commençait à descendre vers le sud. Par temps clair, on pouvait apercevoir les masses violettes du contrefort montagneux où s’ouvrait la porte du désert.

Un peu réchauffé, Daru retourna à la fenêtre d’où il avait, pour la première fois, aperçu les deux hommes. On ne les voyait plus. Ils avaient donc attaqué le raidillon. Le ciel était moins foncé : dans la nuit, la neige avait cessé de tomber. Le matin s’était levé sur une lumière sale qui s’était à peine renforcée à mesure que le plafond de nuage remontait. A deux heures de l’après-midi, on eût dit que la journée commençait seulement.

Flash…

Je voudrais inventer une couleur nouvelle
Eveiller ma palette endormie
Oh oui je voudrais qu’elle sursaute
Et s’étonne d’une si belle teinte
Et ma plume lisse et luisante attendra
Elle se souviendra en soupirant
De ses nombreuses plongées
Dans l’écume grise des automnes fatigués
Dans le mauve vibrant de l’étreinte du jours couchants
Dans le presque bleu des océans agités
O plume impatiente
Tu fabriqueras des rimes qui roulent
Et se jettent en riant
Sur les rives vierges de mes douces feuilles
Aux marges pleines d’un vertige coloré

Carnets, 13 : « il m’a lancé un regard… »

Photo : Alice Nédélec

Je vous assure, il m’a lancé un regard, franchement je m’en remets difficilement. Lancer un regard, ce ne doit quand même pas être des plus simples, il faut évidemment savoir viser, car lancer un regard sans savoir vers qui l’envoyer c’est un peu comme un coup d’épée dans l’eau. Encore qu’un coup d’épée dans l’eau a au moins deux vertus celle de faire de provoquer des remous (même si on ne veut pas dans ce cas précis faire de vague) et celle de trancher dans le vif, surtout s’il s’agit d’eau courante. Mais revenons à nos moutons, revenons à ce regard lancé, et qui semble t’il a atteint sa cible (puisque la personne victime du jet prétend qu’on lui a lancé un regard), est ce que ce regard est vif, acéré, aiguisé, perçant même. Imaginons les dégâts provoqués par un regard qui en plus d’avoir été lancé est aussi perçant. La personne, appelons-là la victime, risque de se retrouver comme le disait Corneille « percée jusqu’au fond du cœur d’une atteinte imprévue » …. En conclusion, ce que je crois c’est qu’un regard n’est jamais lancé au hasard, à l’aveugle dirions-nous car il faut être clair une fois lancé le regard ne peut revenir en arrière, ce n’est pas un boomerang et le lanceur doit autant que possible avoir les yeux en face des trous s’il ne veut pas rater sa cible.

Gouttes…

Je n’y vois goutte, drôle d’expression. A travers la vitre crépie d’une humidité matinale ce que je distingue c’est une flaque de timide lumière. Elle essaie de me parler, de me dire que les larmes de la nuit vont sécher, qu’un peut-être soleil lisse me réveillera d’un bref et chaud clin d’œil. Je suis à une goutte de l’espoir…

Matinales rêvées…

Je rêve du matin au rose bleuté
Les angles secs d’une mauvaise nuit
A ton rire parfumé se sont accordés
Il fera beau je le sais
Au pays d’un vieux silence enfoui
Il est l’heure je le sais
Il est l’heure des amours permis
Si loin des raides lois des tristes diseurs
Morales grises qui essoufflent
Le joli vent des souvenirs
Je rêve d’un beau chagrin
Aux larmes séchées
Il n’y a plus rien qui ne presse
C’est un matin si léger
Pour tenter d’encore aimer

Trous de mémoire…

Il y a un vide dans le casier à bouteilles de mes souvenirs

Trou de mémoire

Trou noir

Je cherche et bien sûr ne trouve pas

Tout est si bien rangé

Peut-être un trou d’air

Et le souffle d’un vieil air

Emplit le vide des mauvais hiers

Ceux qui sentent le mauvais vin

L’aigre poussière oubliée

Je cherche sans peur

A tâtons mes mains effleurent de vieilles toiles

Les araignées de mes angoisses ont tissé des fils

Je trouve une entrée vers ce presque rien

J’y risque un œil puis deux

Je n’ai plus peur

De la main qui tremble je saisis dans mon casier

Un chiffon doux

Il nettoie en riant les poussières oubliées

18 décembre

Tribunal académique : M et N

Voici bien longtemps que le tribunal académique ne s’était réuni. Le problème à traiter est on ne peut plus d’actualité….

Le tribunal académique s’est réuni ce matin en sa forme plénière et consultative. Il vient, en effet, d’être saisi par un grand nombre de citoyens, et a rendu un avis important, difficile, mais ô combien urgent.
Pour cette occasion, exceptionnelle, un collège de jurés a été constitué. Sa composition est, convenons- en un peu particulière. Y siègent : un poète, une militaire, un adolescent, une militante, un amoureux éconduit, un clown au chômage, une dresseuse d’ours, un cruciverbiste, et une religieuse défroquée…
Revenons aux faits : depuis quelques temps deux mots, et non des moindres, posent un problème. Deux mots qui, si on n’y prête garde, pourraient se ressembler. Il suffit d’ailleurs de les entendre. Deux mots, aussi, qui lorsqu’on écrit sur une feuille de papier un peu verglacée peuvent déraper…


Le président du tribunal résume en quelques mots la décision qui vient d’être rendue.
« Mesdames et Messieurs les jurés, chères et chers collègues, nous nous sommes réunis ce matin pour examiner, vous le savez : Haine et Aime… Les débats ont été animés mais sans haine et c’est cela que j’aime. »
« Aime et Haine vous le savez, vous le constatez, sont proches à l’oreille, ils le sont aussi à l’écrit et nous ne devons plus courir le risque qu’ils soient confondus… »


« A l’oreille, donc, les deux mots sont si proches qu’on les croirait, tout droit, sortis de l’alphabet. M est devant N, c’est un fait. Mais pouvons-nous, acceptons-nous d’en dire autant de Aime et de Haine. Cette promiscuité est nauséabonde, préjudiciable et disons le « inacceptable ». En conséquence nous exigeons, que N soit isolé et relégué à la place qu’il mérite et qui lui revient, en dernière position après le Z. Décision exécutable immédiatement. »


« L’autre problème est le risque de dérapage à l’écrit. Certes nous conviendrons que ce n’est pas courant, mais le collège des jurés souhaite ne prendre aucun risque. Qu’un distrait oublie le H de haine et que la main tremble et ajoute une jambe au n et le mal est fait. Les deux mots doivent, c’est impératif être séparés, distingués. En conséquence, le tribunal décide que quiconque décide d’utiliser ou d’écrire le mot haine doit, au préalable, adresser une demande écrite au collège des jurés qui à compter de ce jour devient un jury permanent. Cette demande devra indiquer les raisons pour lesquels le demandant envisage d’utiliser ce mot. Les jurés ont précisé que cette demande devrait être adressé sur une feuille de papier fleuri, et que la police utilisée serait le colibri… Le demandant sera ensuite convoqué et devra sous contrôle et avec le sourire écrire 100 fois le mot AIME..

Chuuuuint…

Anton se souvient quand ils ont pris la voiture avec Marcel son père. Il était très tôt quand ils sont entrés sur l’A7. Ils ont roulé près de deux heures sans rien dire avec simplement le bruit du moteur et les chuintements des autres voitures, plus rapides, et qui vous doublent en produisant ce souffle, chuuuinnt, si caractéristique quand la vitre est légèrement ouverte. Ce bruit, Marcel dit que c’est un chuintement. C’est vrai que c’est un mot qui va bien, parce que si on ouvre la vitre plus grand, c’est pas pareil ça ne chuinte plus, c’est autre chose, un autre son qu’on ne retient pas, qu’on n’arrive pas à capturer dans sa mémoire pour en faire un joli mot.

Il se souvient. Ils se sont arrêtés sur une aire, il faisait chaud, il y avait le bruit des camions et on entendait les premières cigales. L’A7 c’est le sud et le sud c’est les cigales. Le sud : l’air est sec, les cigales vibrent, les chuintements se gravent dans la mémoire, les camions rugissent au loin. Anton regarde Marcel qui s’étire dans un sourire. Ils sont sortis de la voiture, sans rien dire, parce que dans ces moments-là, il ne faut rien dire pour ne pas prendre le risque d’abîmer ce qui va entrer en vous. Ils sont sortis et il y a eu le claquement simultané des deux portières, bruit de métal et de cuir, enfin il pense que le cuir c’est ce bruit là que ça fait. Ils ont marché quelques dizaines de mètres et maintenant les odeurs prennent toute la place dans la machine à émotions.

Les odeurs sur une aire d’autoroute : il y a l’essence bien sûr, le caoutchouc un peu chaud aussi, un mélange qui se marie avec les bruits qu’on entend. Marcel et Anton sont bien mais ne le disent pas, ils le savent, le comprennent sans se regarder, c’est écrit dans le silence tranquille qui s’est posé entre eux. Anton a quand même levé la tête, son regard a croisé celui de Marcel, et aujourd’hui Anton se souvient. C’est ce jour-là, il avait une dizaine d’années, qu’il a commencé à comprendre ce que c’était qu’être un autre, être différent, il a compris que c’est accepter de se jeter dans les bras de l’émotion, entièrement, sans réfléchir, sans s’interdire, y compris dans ces moments et ces lieux que tous ceux qui discourent sur le bonheur, sur le beau rejettent et abandonnent sur les rives bleues de leur vie. 

Ces marcheurs de rêve vous vendent des plages blanches, des couchers de soleil et soudain vous êtes là sur une aire d’autoroute, un peu après Montélimar. Votre voiture n’a pas d’acajou, les sièges sentent la chaleur, mais quand vous sortez, là, avec votre père, votre père cet incroyable personne qui vous a dit : « pas d’interdit, ne retiens pas, laisse-toi aller, ne trie pas tes émotions ». Et les émotions entrent à plein bouillons. Bien sûr une voix bien-pensante est là pour vous rappeler que ce n’est pas normal, ridicule même. Mais vous vous moquez, vous laissez entrer et ça fait comme une vague et c’est la première fois que Anton s’est dit : « ça y est j’ai compris, je suis un autre… »

Extrait de mon quatrième roman en voie d’achèvement…

Mes Everest, Marguerite Yourcenar

Voici que le silence

Voici que le silence a les seules paroles
Qu’on puisse, près de vous, dire sans vous blesser ;
Laissons pleuvoir sur vous les larmes des corolles ;
Il ne faut que sourire à ce qui doit passer.
À l’heure où fatigués nous déposons nos rôles,
Au même lit secret les dormeurs vont glisser ;
Par chaque doigt tremblant des herbes qui nous frôlent,
Vous pouvez me bénir et moi vous caresser.
C’est à votre douceur que mon sentier m’amène.
De ce sol lentement imprégné d’âme humaine,
L’oubli, lent jardinier, extirpe les remords.
L’impérissable amour erre de veine en veine ;
Je ne veux pas troubler par une plainte vaine
L’éternel rendez-vous de la terre et des morts.

« Les demoiselles de Ponteau » : une de mes nouvelles remporte un prix…

Les demoiselles de Ponteau ce sont ces quatre grandes cheminées à Martigues. Elles ont été la source de mon inspiration pour l’écriture d’une nouvelle que j’ai proposée à un concours organisée par la médiathèque Louis Aragon.

C’est une nouvelle policière, une nouveauté pour moi, et je viens d’apprendre que j’avais remporté l’un des prix, celui de la « restitution d’un pan d’une histoire peu connue de Martigues »….

Dans les prochains jours je publierai cette nouvelle..

Troubles…

J’aurai voulu vous parler de pluie
Pour le faire j’ai cherché le bon sens
Par où faut-il commencer
Ce que je vois
Ce que j’entends
Ce que je ressens
L’humidité qui me traverse
La douceur de la flaque qui s’étend
Et me voici dans le trouble
Le mot roule sous ma langue
Mot gros mot gras mot gris
Mot trouble

Trouble trouble trouble

Le mot répété ne sert plus à rien
Il s’écroule
Où es-tu
Goutte de pluie
Goutte de rien
J’attends

On verra bien

14 novembre

Mes Everest : Jean Roger Caussimon

Ne chantez pas la Mort, c’est un sujet morbide
Le mot seul jette un froid, aussitôt qu’il est dit
Les gens du « show-business » vous prédiront le « bide »
C’est un sujet tabou… Pour poète maudit
La Mort!
La Mort!
Je la chante et, dès lors, miracle des voyelles
Il semble que la Mort est la sœur de l’amour
La Mort qui nous attend, l’amour que l’on appelle
Et si lui ne vient pas, elle viendra toujours
La Mort
La Mort…

La mienne n’aura pas, comme dans le Larousse
Un squelette, un linceul, dans la main une faux
Mais, fille de vingt ans à chevelure rousse
En voile de mariée, elle aura ce qu’il faut
La Mort
La Mort…
De grands yeux d’océan, une voix d’ingénue
Un sourire d’enfant sur des lèvres carmin
Douce, elle apaisera sur sa poitrine nue
Mes paupières brûlées, ma gueule en parchemin
La Mort
La Mort…

« Requiem » de Mozart et non « Danse Macabre »
(Pauvre valse musette au musée de Saint-Saëns!)
La Mort c’est la beauté, c’est l’éclair vif du sabre
C’est le doux penthotal de l’esprit et des sens
La Mort
La Mort…
Et n’allez pas confondre et l’effet et la cause
La Mort est délivrance, elle sait que le Temps
Quotidiennement nous vole quelque chose
La poignée de cheveux et l’ivoire des dents
La Mort
La Mort…

Elle est Euthanasie, la suprême infirmière
Elle survient, à temps, pour arrêter ce jeu
Près du soldat blessé dans la boue des rizières
Chez le vieillard glacé dans la chambre sans feu
La Mort
La Mort…
Le Temps, c’est le tic-tac monstrueux de la montre
La Mort, c’est l’infini dans son éternité
Mais qu’advient-il de ceux qui vont à sa rencontre?
Comme on gagne sa vie, nous faut-il mériter
La Mort
La Mort…

La Mort?…

Flash…

Entre les lourdes plaques des silences imposés

Se glisse une feuille froissée au vent des murmures

Entends le chant de la mer

Il roule des vagues malines

Sur les rives englouties

De nos rides enfouies

Onfkkk…

Envie de republier cette micro nouvelle… Peut-être parce que c’est la saison…

Il neigeait fort depuis plusieurs heures. Le silence prenait de plus en plus de place, tout était étouffé, amorti, pas le moindre craquement. C’était l’empire du coton. Il n’était pas sorti, préférant la chaleur de la cheminée, à l’avance épuisé à l’idée d’enfiler chaussettes, bottes, pulls et manteau. Bref il hibernait. Parfois il tirait un peu le rideau, pour constater l’avancée du blanc. C’est tout. Tout était simple.
Soudain un long craquement, comme un journal qu’on déchire. Il regarde le feu, ce n’est pas d’ici que cela vient. Cela craque de plus en plus, cela crépite même. Il y a peut-être des branches qui ployant sous le poids de cette neige lourde n’ont pas résisté. Non ce qui est curieux c’est que cela craque tout doucement, puis cela s’accélère. En fait ça grince, comme quand on est sur un port et que le vent s’engouffre dans les mâts. Comme quand on est en mer….
Il reste là, devant les braises, toujours intrigué par les ces sons qui tanguent et qui roulent. Il faudrait qu’il aille voir. Il pense à la mer et sourit. Il sourit pour se moquer de lui-même : être capable d’entendre la mer, même ici montagne… Certes ce n’est pas très haut, mais c’est la montagne quand même. Il va sortir. Pour voir, pour entendre.
Il met beaucoup de temps à s’habiller, il n’est pas pressé de se confronter à ce qui ressemble de plus en plus à une tempête de neige. Il n’a pas peur. Pourquoi aurait-il peur ?
Il est à l’extérieur, il fait le tour de la maison, pas très rapidement, il s’enfonce, le son des bottes quand il lève la jambe et qu’elles s’extirpent de la couche de neige fraîche est magnifique, c’est un son épais, un son qu’on pourrait écrire. Tiens s’il devait l’écrire il écrirait « onfk ». Oui c’est bien ça « Onfkkkkk ».
Il a fait le tour. Derrière chez lui, c’est une forêt avec de grands sapins. Une fois on lui a dit ou il a lu quelque part que ces sapins ont le tronc si droit qu’autrefois on venait les couper pour en faire des mâts. Des mâts pour les bateaux de la marine royale…
La mer, toujours la mer… Il faudrait qu’il arrête de la voir partout. Il est devant la forêt. Les mâts sont dressés. Ils sont noirs dans le soir qui tombe. Les branches si blanches font de belles voiles. Quand ils ferment les yeux, il sent les embruns qui lui fouettent le visage. Il est bien, c’est salé.
« Onfkkkk », une mouette s’est envolée quand il s’est avancé. Elle a ri de tout ce blanc, il l’a regardé planer. Il est bien, il est rentré.

Mes Everest, Aimé Césaire…

Idylle

Quand viendra le soir du monde que les réverbères seront de grandes filles

immobiles un nœud jaune aux cheveux et le doigt sur la bouche

quand la lumière dans la vitre coupera sa natte et fera frire ses œufs dans une

goutte de sang prise à la neige des blessés

que le vin lourd de midi lancera du grain aux étoiles de minuit il y aura dans

mon âme les légères corbeilles du brouillard qui seront sommées de verser des

bennes de lumière

la solitude ouvrira de minuscules fenêtres

sur la belle amitié radiophonique des nombres

et dans la reconversion du calendrier dans le feu de joie de la planche à

journées

le jour sera si pur qu’on y verra les jours

corbeau doux serviteur

comme moi rauque et voluptueux

butin de l’air épais et de l’espace bavard il y aura

une pompe d’auto décapitée sur le billot du temps à faire les loups

des ris d’enfants d’une récréation qu’on ne voit pas faisant penser aux

chaperons faisant penser aux dévorés faisant penser

aux prophètes que les hommes chassaient de leurs songes à coups de pierres

grises

corbeau

ton jour arrive sans but sur des pattes d’emprunt

comme un nègre domestique porteur de lait agile

corbeau

le dernier pendu tourne son œil légal dans le chaste zéro du repentir de

l’absurde

corbeau suave chant de mandragore

come moi vénéneux et tranquille

il y a encore à desceller les pierres bleues du château et la géométrie sans peine

du mensonge

corbeau

de ta noire signature honore la page blanche

échappée à la morte-saison des étreintes pucelles

corbeau tête forte

debout derrière la trappe de ton cri

quand l’inventaire scrupuleux des mots de tous les jours commencera

car il sera temps de penser à des témoins moins velus que les astres

– sur quels sabots s’est enfuie ta présence ? dira 

surgi de la patience du trottoir et de la flamme du ruisseau

mon ange gardien

ses doigts terrestres prêts d’un bassin feuillu semant en vain

des mots à goût de pain et de piège

je ne répondrai rien

mais je le conduirai selon la méridienne

à l’épiphanie chaste d’une rosace de sang d’une gerbe de lumière du grand

effort brun d’une forge où se tord

la poussée noire du geste baignée de sable blanc

alors de celle qui réveille à leur vocation de boa constrictor

les routes étrangleuses du paysage qu’elles étaient chargées d’allaiter

à celle qui fait que les paons sacrés de ma vie incorruptible

roucoulent de remémoration

les bœufs rouges ramèneront la journée au tombeau où par écume une chaleur

de champagne pétillante de bourgeons et d’atolls

ouvrira des paumes lasses

dans l’air il y aura ouvriers du beau temps des ocelles et des cerfs de cristal de

grandes paroles vierges des alligators pieux

dont nos oiseaux très sages cureront les dents

sommeil noueur de racines

J’arrose tes guérets

capte la voix qui fait que les termites bâtissent haut

dans mon crâne leur pyramide funèbre tendue d’un vol de pigeons multicolores

or toi oiseau frappé de la fronde des mirages

cognant la tête au plafond du soleil

et des astres et des rêves et du néant

d’île en île eau claire que tu dédaignes

ô toi prisonnière de ta cire que vantent les parchemins

tu tomberas

froisseuse d‘étoiles broyeuse d’herbes grand corps

Aimé Césaire : La Poésie

Editions du Seuil, 2006

Et si vous cessiez de vous haïr…

Et si vous cessiez de vous haïr !
Oui c’est à vous que je parle, ne tournez pas la tête…
Oui, vous, femmes et hommes enfermés dans vos camisoles idéologiques.
Vous qui maniez avec dextérité la fine lame du mépris.
Oui, vous, je vous en prie, prenez le temps,
Il reste encore du beau pour espérer
Vous niez ?
Les autres, ce sont les autres me dites-vous.
Les autres, toujours les autres :
Les ceux qui ne savent pas,
Les ceux qui ne comprennent pas,
Les ceux qui dérangent les angles mous de vos certitudes carrées.
Mais vous n’y êtes pour rien, vous êtes dans le vrai, vous le savez.
Bien au chaud entre les raides épaisseurs de vos convictions avariées,
Vous jugez, vous condamnez, vous accusez,
C’est bien triste vous savez.
Il faut vous redresser.
Je vous plains,
C’est vrai,
Je voudrais tant vous dire
Que tout n’est que rien,
Que tout n’est que vain,
Allez un effort s’il vous plait,
Ce sera tellement mieux lorsque vous vivrez…

Mes Everest : Marguerite Duras

Un texte tiré de l’ouvrage « l’été 80″. Cet extrait est l’introduction de  » Gdansk est déjà dans l’avenir « .

…Le temps s’était couvert et la tempête est arrivée portée par le vent du nord. Ce vent était très fort, d’un seul tenant, sans trêve aucune, un mur, lisse et droit. Et la mer de nouveau s’est déchaînée. De la pluie est venue pendant la nuit et elle a été chassée par la force du vent. Toute la nuit ce vent a hurlé, sous les portes, dans les failles des murs, dans la tête, les vallées, le cœur, le sommeil. De même la chambre de laquelle je vous écris a été toute la nuit dans le grondement sombre et massif de la mer. Entre ses eaux, des déplacements s’opéraient, terribles, des fracassements, des éboulements aussitôt colmatés que survenus et dont la violence s’évanouissait dès la surface atteinte, à peine l’air touché, dans un déferlement d’une énorme blancheur…

Mémoires…

Revenir sur les traces encore chaudes de mes longues attentes aux odeurs ferroviaires.

Sentir à nouveau les étranges odeurs du métal crissant

Revoir les grises silhouettes dans l’engouffrement de l’impatience

Entendre les lentes plaintes d’un temps souterrain

S’écouler dans le fleuve charriant les débordements de nos précipitations inutiles

Et rester assis sur le dur et froid plastique du quai oublié par les brumes et le vent

Se dire c’était hier et sentir le vent des souvenirs fouetter les premières rides d’un visage reposé

14 décembre

Mes Everest : Paola Pigani…

Ce texte est le début du prologue de  » Et ils dansaient le dimanche « . Dès ces première lignes j’ai été saisi et ébloui par la beauté poétique de cette prose… Et ce n’est qu’un début

« Je t’attends, je serai patiente », m’a-t-elle dit dans un rêve, son visage voilé par un rideau. À peine ai-je eu le temps de distinguer une silhouette, des boucles brunes, des jambes maigres au ras d’une combinaison, une poignée d’épingles à cheveux sur une sorte de guéridon. De toutes mes forces, j’ai essayé de retrouver ses traits, de parfaire le rêve, donner chair à une image furtive, l’habiller de temps, de mémoire. Je serai patiente.

Ces mots m’ont poursuivie alors que je tentais de distinguer la provenance d’un bruit étrange dans la chambre. Il m’a semblé entendre une feuille tomber, puis deux. J’ai arpenté mon petit périmètre de silence. Le bruit a repris, comme la chute d’une présence infime. J’ai laissé mon regard flotter de part et d’autre de la pièce, oubliant tout ce qui pouvait parvenir de l’extérieur, oubliant la ville et ses rumeurs d’asphalte, le soleil trop fort qui cognait au carreau. Aux aguets entre les murs, je me sentais devenir la proie de moi-même. C’est alors que j’ai aperçu contre la plinthe une sorte de phasme, un brin de vie mi-paille mi-herbe qui tentait de retrouver le plein air, le plein jour, la pleine clarté. Une créature minuscule, une fibre froissée dans un coin de ma chambre et de ma vie.

Matinales…

Au carrefour des impatiences

J’attends serein le signe de belle vie

Il est si bon l’espoir aux rires lointains

Dans ma réserve aux beaux futurs

Je n’ai plus assez de soleils matin

Flash…

Chaque jour passe lisse et long

Fidèles nous t’attendons

Ô pleine mer des longs frissons

Viens il est l’heure

Entre mes bras oublie tes vieilles peurs

Oui viens ô mer de mes passions

Je te prends d’une vague main

Et tu entres dans la danse touffue

De nos rondes brumes

Aux écumes joufflues

Carnets : réflexions sur l’écriture…

Que peut-il bien se passer lorsque j’écris ? C’est une question, pour être franc, que je me pose finalement peu, elle est d’ailleurs un peu de même nature que cette question récurrente : « mais pourquoi écrivez-vous ? »
Cette question je la trouve souvent inutile et finalement embarrassante. Elle oblige à aller chercher certainement ce qui n’existe pas, où alors dans l’esprit tourmenté de questionneurs professionnels qui veulent des explications, des raisons ( je n’oublie d’ailleurs jamais que s’il y a plusieurs sens au mot raison, celui qui domine n’est jamais très loin de la morale, cette morale qui comme le dit Léo Ferré est toujours la morale des autres…) à une activité que pour ma part je considère presque comme naturelle. J’écris comme je respire, sans trop réfléchir à ce qui se produit, ou à ce qui ne se produirait pas si je cessai l’action interrogée. Lorsque je me demande pourquoi je respire, je finis par étouffer. Expliquer, analyser, justifier, comprendre, c’est malheureusement le début d’une forme de contrôle et je ne veux surtout pas prendre le contrôle. L’écriture, telle que je la conçois mais c’est certainement pour cette raison que je n’ai jamais été publié, ne doit pas se soumettre au contrôle, à son propre contrôle. Le risque étant à mon avis de ne plus écrire au sens où je l’entends mais plutôt de se soumettre à une forme de règlement intérieur de l’écriture. Alors oui bien sur vous pouvez m’objecter que dans mes poésies j’exerce une certaine forme de contrôle sur le choix de mes mots, des mes rimes, de mes rythmes. Mais lorsque je le fais, il me semble que je le fais librement, je dirai que je suis libre parce que je le ressens au moment où je le fais. Je ne le fais pas pour ressentir dans l’après. Et je n’ai jamais la certitude que la lecture produira la même émotion que l’écriture, c’est le défi, c’est aussi le risque permanent. C’est aussi parfois j’en conviens une forme d’angoisse.
Oui bien sûr il y a des jours où l’écriture semble fluide, facile, elle ruisselle comme si elle n’était que le prolongement d’un acte premier, originel, ( il me semble que cet acte premier c’est tout simplement la vie ) qui provoque cet écoulement émotionnel. Et puis il y a des jours où rien ne se passe et je ne cherche plus à comprendre ce qui explique que rien ne sort. Et je termine ce long billet en me disant qu’il faudrait peut-être qu’un jour je me demande pourquoi parfois je n’écris pas ?

Mes Everest, René Char

Ne laisse pas le soin de gouverner ton cœur à ces tendresses parentes de l’automne auquel elles empruntent sa placide allure et son affable agonie. L’œil est précoce à se plisser. La souffrance connaît peu de mots. Préfère te coucher sans fardeau: tu rêveras du lendemain et ton lit te sera léger. Tu rêveras que ta maison n’a plus de vitres. Tu es impatient de t’unir au vent, au vent qui parcourt une année en une nuit. D’autres chanteront l’incorporation mélodieuse, les chairs qui ne personnifient plus que la sorcellerie du sablier. Tu condamneras la gratitude qui se répète. Plus tard, on t’identifiera à quelque géant désagrégé, seigneur de l’impossible.

Pourtant.

Tu n’as fait qu’augmenter le poids de ta nuit. Tu es retourné à la pêche aux murailles, à la canicule sans été. Tu es furieux contre ton amour au centre d’une entente qui s’affole. Songe à la maison parfaite que tu ne verras jamais monter. A quand la récolte de l’abîme? Mais tu as crevé les yeux du lion. Tu crois voir passer la beauté au-dessus des lavandes noires…

Qu’est-ce qui t’a hissé, une fois encore, un peu plus haut, sans te convaincre?

Il n’y a pas de siège pur.

Dans ma mémoire de papier…

Dans ma mémoire de papier,

Feuille blanche pleure,

Larmes de mots gris.

J’entends la tempête à l’intérieur,

Le vent coule dans mes veines.

Dans mon ordre intérieur,

Pas une ligne droite, pas un battement de cil,

Dans le désordre de mon cœur

Des sourires aux courbes bleues

Des mains qui se posent,

Les doigts qui s’effleurent,

Dans la bouillie de mes rêves

Tout est joie qui se pose.

Année 2016

Matinales…

Sur le cadran mou de mes heures englouties

Je fixe d’un œil qui plisse

Les traces floues de flèches qui filent

La jeunesse rêche des années enfouies

Derrière la lourde porte de mes vagues écrits

J’entends l’amer papier nuit

Qui se froisse dans le vent des soudains

Matinales…

Au bout de la longue nuit de décembre qui joue les prolongations

De jeunes nuages roulent des épaules

Regarde les ils se poussent et se tordent le cou

Pour prendre place à la table mauve de la belle aurore

Elle brille dans sa blonde attente

Et souffle en riant des bulles bleues

Douces perles semées sur le champ du lève matin

Illettrisme, où en sommes nous ?

A l’occasion du festival international du film d’éducation à Évreux organisé pat les CEMEA j’ai été interviewé avec mon ancienne collègue Géraldine Chambon par deux élèves du lycée François 1er du Havre. Bravo à eux pour leur fraîcheur et la pertinence de leurs questions…

Tempête

C’est un jour de grand vent

Derrière l’humide vitre de mes grises inspirations

Branches cassées feuilles froissées

Oh froide douleur de mes mots aspirés

Oiseaux légers sur la fine ligne

De mes lèvres asséchées

Je tremble et vous entends

Vous hurlez en chœur

Un long cri d’innocent abandonné

Il est loin le souffle du bel été

Ils sont loin mes mots vagues

Aux longues rimes salées

Il

Regards…

Je voudrais écrire une histoire des regards

Regards croisés

Regards posés

Regard aimés

Regards secrets

Qui entrent dans la chair de nos silences

Nous murmurent des entre-mots oubliés

Aux ailes rondes et fripées

Et nous chantent la douce mélodie

Des amours attendues

2 avril

Mes Everest, Delphine Horvilleur

En ce jour anniversaire du vote de la loi de 1905 sur la séparation des églises et de l’état, un extrait de ce magnifique livre de Delphine Horvilleur, « vivre avec nos morts », dans lequel elle propose une magnifique définition de la laïcité.

« La laïcité française n’oppose pas la foi à l’incroyance. Elle ne sépare pas ceux qui croient que Dieu veille, et ceux qui croient aussi ferme qu’il est mort ou inventé. Elle n’a rien à voir avec cela. Elle n’est ni fondée sur la conviction que le ciel est vide ni sur celle qu’il est habité, mais sur la défense d’une terre jamais pleine, la conscience qu’il y reste toujours une place qui n’est pas la nôtre. La laïcité dit que l’espace de nos vies n’est jamais saturé de convictions, et elle garantit toujours une place laissée vide de certitudes. Elle empêche une foi ou une espérance de saturer tout l’espace. En cela, à sa manière, la laïcité est une transcendance. Elle affirme qu’il existe toujours en elle un territoire plus grand que ma croyance, qui peut accueillir celle d’un autre venu y respirer. »

Carnets :  » perdre du temps »…

Parfois, euh souvent, et vous le savez bien lectrices et lecteurs de ce blog j’aime regarder la vie qui défile à travers une vitre ferroviaire.

A travers cette grise vitre, je vois ce précieux temps qui s’enfuit vite, très vite. Et je reste immobile, figé dans la contemplation. Immobile dans un monde qui avance…

Je retrouve un peu de cette sensation pleine de poésie de se trouver les pieds ballants au bord du monde et attendre indéfiniment d’être gagné par la sensation de la vitesse de rotation de la terre. Quarante mille kilomètres en 24 heures, on finira bien par le ressentir…

Bref, je prends le temps de regarder le temps qui passe, qui pousse, qui file, qui glisse… Et j’accepte enfin de perdre du temps…

Oui depuis quelques temps j’aime cette idée, cette fausse idée de perdre du temps. Temps qui coule à travers mes poches trouées, temps qui fuit qui s’enfuit…

 » Arrête de perdre du temps » aurais-je dit il y a peu… Et aujourd’hui je savoure cette idée de ce temps qu’on croit perdu, parce qu’on l’a rempli de quelques petits riens, petits cailloux éphémères.

Je ne perd plus mon temps, mieux encore je le trouve, le retrouve. Il est là, par petits bouts. Je le ramasse, le garde tout contre moi, bien au chaud et me dis que je le trouverai demain ou plus tard et je passerai du bon temps…

Matinales…

Au carrefour des impatiences

J’attends serein le signe de belle vie

Il est si bon l’espoir aux rires lointains

Dans ma réserve aux beaux futurs

Je n’ai plus assez de soleils matin

Flash…

Chaque jour passe lisse et long

Fidèles nous t’attendons

Ô pleine mer des longs frissons

Viens il est l’heure

Entre mes bras oublie tes vieilles peurs

Oui viens ô mer de mes passions

Je te prends d’une vague main

Et tu entres dans la danse touffue

De nos rondes brumes

Aux écumes joufflues

Dans ma boîte à couleurs…

Dans ma boîte à couleurs

Je cherche ce mot qui tinte,

Je le voudrais doux et gai.

Un mot pour apaiser

Un mot pour aimer.

Et sur ma feuille pâle d’ennui,

Ivre de couleurs

Le poserai sans un bruit…

Matinales inédit…

Au pays des lève matin

Nuit glacée oublie toujours

Deux ou trois rides de sommeil

Entre les plis d’un angle assoupi

J’étire en tremblant les bras ensablés

Du long fleuve de mes mémoires boueuses

Et remonte à la source limpide des premières larmes

Neiges éternelles peuples de brume

Accrochés sur les cimes de mes restes d’enfant

7 décembre

Flash…

Dans le décharnement solitaire

De l’arbre contraint à la nudité automnale

Il y a toute la violence d’une lente agonie

Comme un cri de douleur retenue

Comme un cri de couleur disparue

La sève figée entre les maigres bras

D’une brume fragile

Attend des demains

Paisibles et fleuris

5 décembre

Rêve mauve…

Il est l’heure de la lumière,

Il me reste un bout de rêve mauve.

Infime miette dans un bol de rire noir,

Laissée là, douce et croquante

Par une nuit rassasiée.

Au creux du silence du matin qui gémit,  

J’avance tête baissée,  

Tirant sur le long fil de ce songe qui sourit.

Mes Everest : Paul Eluard. Poésie ininterrompue, extrait…

L’aile gauche du cœur
Se replie sur le cœur

Je vois brûler l’eau pure et l’herbe du matin
Je vais de fleur en fleur sur un corps auroral
Midi qui dort je veux l’entourer de clameurs
L’honorer dans son jour de senteurs de lueurs

Je ne me méfie plus je suis un fils de femme
La vacance de l’homme et le temps bonifié
La réplique grandiloquente
Des étoiles minuscules

Et nous montons

Les derniers arguments du néant sont vaincus
Et le dernier bourdonnement
Des pas revenant sur eux-mêmes

Peu à peu se décomposent
Les alphabets ânonnés
De l’histoire et des morales
Et la syntaxe soumise
Des souvenirs enseignés Et c’est très vite
La liberté conquise
La liberté feuille de mai
Chauffée à blanc
Et le feu aux nuages
Et le feu aux oiseaux
Et le feu dans les caves
Et les hommes dehors
Et les hommes partout

Tenant toute la place
Abattant les murailles
Se partageant le pain
Dévêtant le soleil
S’embrassant sur le front
Habillant les orages
Et s’embrassant les mains
Faisant fleurir charnel
Et le temps et l’espace
Faisant chanter les verrous
Et respirer les poitrines

Les prunelles s’écarquillent
Les cachettes se dévoilent
La pauvreté rit aux larmes
De ses chagrins ridicules
Et minuit mûrit ses fruits
Et midi mûrit des lunes

Tout se vide et se remplit
Au rythme de l’infini
Et disons la vérité
La jeunesse est un trésor
La vieillesse est un trésor
L’océan est un trésor
Et la terre est une mine
L’hiver est une fourrure
L’été une boisson fraîche
Et l’automne un lait d’accueil

Quant au printemps c’est l’aube
Et la bouche c’est l’aube
Et les yeux immortels
Ont la forme de tout

Nous deux toi toute nue
Moi tel que j’ai vécu

Toi la source du sang
Et moi les mains ouvertes
Comme des yeux

Nous deux nous ne vivons que pour être fidèles
A la vie

P. Eluard

Flaques…

On a tous un rêve de flaques

Longue et large

Petite mer des belles amitiés

Comme l’enfant insouciant

Au rire parfum d’océan

Les deux pieds joints

Tu sautes avec la jolie joie

Oui celle qui éclabousse

On rit on pleure

Il pleut on s’ébroue

Gouttes de pluie perlent de lui

Larmes salées parlent d’une si belle

Et je sème une suite de cailloux

Pour nos lendemains un peu fous

La ronde des bonnes nouvelles…

Erreur sytème…

Ma décision est prise : aujourd’hui je ne vais pas perdre de temps à chercher une bonne nouvelle. C’est à la fois ridicule, très fatigant mais surtout déprimant. En effet, convenons-en, ce qui est le plus extraordinaire quand on cherche, c’est lorsqu’on trouve.

Non, aujourd’hui je vais choisir une autre méthode, faire confiance au hasard, ou à la chance et je vais attendre patiemment que bonne nouvelle vienne à moi.

Au moment du petit déjeuner, je suis tendu, pensant un peu naïvement que c’est au petit matin que les bonnes nouvelles sont annoncées.

Mais rien… Si, une seule chose est à noter :  je renverse ma tasse de café, encore très chaud sur la magnifique chemise blanche que j’ai mise pour l’occasion. On ne peut quand même pas accueillir une bonne nouvelle vêtu d’un vieux polo grenat qui pluche…

Le matin passe :  rien. Ce n’est pourtant pas faute de tout mettre en œuvre pour que le hasard remplisse sa mission. Pour être clair je me comporte comme un hyper actif, je surfe littéralement, sur tout ce qui passe, sur tout ce que j’entends, que je vois, que je pressens, que je suppose, mais évidemment, je ne provoque rien :  il ne se passe rien !  

L’après-midi s’étire : rien, toujours rien !  Pas la moindre bonne nouvelle et encore pire, une succession de petites tracasseries me font dire que ce n’est pas mon jour, que je n’ai pas de chance. Quand le soir arrive et qu’il va être temps de clore, enfin, cette journée somme toute assez banale, un peu dépité et déçu je finis par prendre la décision, comme tous les jours, de chercher, de fouiller.

Je m’installe devant mon ordinateur que j’ai d’ailleurs malmené toute la journée, je bouge légèrement la souris. J’entends alors un de ces horribles sons numériques. Sur l’écran est affiché le message suivant :

Erreur fatale : ouvrez votre panneau de configuration et procédez à une analyse de votre système

J’ouvre le fameux panneau et comme je suis obéissant je procède à l’analyse de mon système…

On me dit de sauvegarder le journal de cette opération. Je m’exécute. Je sauvegarde le journal de cette opération. Je l’enregistre ; et une fois n’est pas coutume je l’imprime

La page sort de l’imprimante. Une seule phrase est écrite, plus d’une centaine de fois

« Mauvais nouvelle : votre mémoire est saturée vous devez procéder à un nettoyage et éliminer les fichiers inutiles »

Matinales…

Inédit…

Matin au ciel barbouillé de gris

Qui hésite entre souffles et frissons

Le front du sud lancent des promesses bleues

J’attends ce signe de rire solaire

Qui se pose au bas de ma page de brumes

4 décembre

J’attends… Inédit…

Je suis d’une grammaire oubliée
Je conjugue le verbe attendre
A tous les temps de l’impatience
J’écoute aux portes des sourires croisées
J’y entends le chant secret des absents
Je cherche des traces d’amitiés
Les arrime aux belles et rondes rimes
Sur la rive mauve de mes basses marées
Ô vous qui ne me voyez
J’attends
Oui j’attends vous le savez
Un signe de la main
A ceux qui se baissent pour pleurer

Hiver a explosé

L’air est si vif et coupant

Il crisse en glissant

Sur peaux raides et sêches,

S’accroche au sol gisant,

S’infiltre en soufflant,

Chasse sur les terres

Depuis hier abandonnées

Du bel été envolé.

Rides de la terre écartelées

Bardées de blanc

Se sont figées.

De vagues en vagues,

Le champ a ondulé

Longues franges gelées

Herbes folles ont avalé.

Armé d’une douce poudre blanche

Hiver a explosé

Le coucher de sommeil : suite et fin…

Elle les écoute avec respect et attention et sans même s’étonner de ce qu’ils font là au creux de sa main elle leur répond qu’elle est bien d’accord, que ça fait longtemps que tout cela elle le dit, elle, elle le pense.

« Moi je vous crois, moi je suis comme vous ». Vous savez ce qu’il faut faire c’est continuer à ne pas douter, à ne pas douter de vous, il faut continuer à poser toutes les questions que vous avez dans la tête parce que si vous ne posez plus de questions les autres ils croiront qu’ils ont gagné, ils croiront que vous êtes devenus comme eux, fades, tristes, avec que des réponses toutes faites, des réponses toutes simples, des réponses pour être comme les autres comme tous les autres, mais vous comme moi on n’est pas comme les autres, nous on veut encore et toujours s’émerveiller, on veut encore et toujours dire que rien n’est sûr,  que ce qui est vrai ça n’existe pas ou pas longtemps, parce qu’on se trompe toujours »

Vous le savez bien avant il fallait pour être bien, pour être comme les autres, dire que la terre était plate, et quand on disait autrement on mourrait et ben maintenant moi je vous le dis il faut continuer à douter, à douter de tout même de ce qui semble être sur et il faut rêver, il faut voir le possible partout.

Tenez moi par exemple j’ai envie de croire qu’un jour pour aller à l’autre bout du monde il n’y aura plus besoin d’avions il suffira de prendre un ascenseur pour l’espace et d’attendre là dans une espèce de cabine, d’attendre que la terre tourne et alors quand juste en dessous il y aura la ville, on descendra c’est simple non, et bien vous savez j’ai envie d’y croire.

« J’ai envie aussi de dire qu’un jour on ira dans une école où on a apprendra à poser des questions, à tout remettre en question plutôt qu’à ingurgiter les réponses des autres, de tous les autres. Vous savez il faut que vous reteniez une chose, il n’y a qu’une chose qui vous appartient ce sont les questions que vous posez, que vous vous posez, les réponses elles ne vous appartiennent pas, les réponses elles sont toujours la propriété de quelqu’un d’autre de quelqu’un que vous ne connaitrez jamais ».

Elle avait toujours la main tendue devant elle et plus elle parlait plus elle entendait sa voix comme si elle venait d’ailleurs, le groupe d’enfants qu’elle avait dans la main grandissait,  elle le sentait, elle le sentait, pas parce qu’ils devenaient plus lourds, mais parce qu’elle les voyait sourire, parce qu’elle les voyait exister.

Ils existaient et ils étaient en train de le comprendre.

Le rêve c’est beau, le rêve on devrait pouvoir l’enregistrer, on devrait pouvoir se brancher le matin pour revoir le merveilleux de la nuit. C’est ce qu’elle se dit ce matin en ouvrant la fenêtre elle a encore plein d’images de la nuit dans la tête derrière les yeux. Quand elle a posé le pied sur la terrasse elle s’attendait presque à trouver le sable, de ce sable si fin, de ce sable qui ressemble tant à de l’eau. Le sable, l’eau, les grains, les gouttes, elle sourit en s’étirant, elle va appeler ses frères pour leur donner la réponse. Ce matin elle est heureuse elle sait qu’elle est dans le vrai, elle sait que c’est comme cela qu’on l’aime, que c’est comme cela qu’on l’admire.

Elle ferme les yeux juste une seconde et là dans son écran intérieur, il y a un coucher de sommeil, un coucher de sommeil, tiens donc,  pourquoi pas après tout, quand la nuit est terminée quand elle a été belle, que les couleurs que le rêve a fabriqué n’existent pas encore, quand les enfants sont si petits qu’ils tiennent au creux d’une main, quand les autres, les bien-pensants ne sont que des figurants alors on a bien le droit de parler d’un coucher de sommeil.

C’est tout !

Nouvelle écrite en décembre 2011

Le coucher de sommeil : 3

De l’eau, il y en a au robinet mais ce n’est pas celle-ci qui l’intéresse. Elle va descendre pour s’approcher de la mer,  de cette mer.

Elle entre dans l’appartement son compagnon dort encore, elle s’habille pour aller au bord de l’eau. En même temps elle se dit qu’il ne faut pas qu’elle oublie de téléphoner à ses frères pour leur dire que dans une petite poignée de sable il y a presque 12000 grains de sable. Ils vont lui demander comment elle peut le savoir et elle va leur expliquer. Mais  elle se dit qu’ils ne la croiront pas, qu’ils lui diront qu’elle a fumé.

Qu’elle a fumé ! N’importe quoi, jamais elle ne s’amusera à cela mais alors :  qui pour la croire ? Là tout de suite maintenant, elle va voir si ce truc-là ne marche que pour le sable, elle s’est approchée de ce qui ressemble à la mer, même si derrière elle distingue encore les montagnes.

Elle recueille entre ces deux mains un peu de cette eau, c’est presque la même sensation que le sable, elle ferme les yeux 18 546. Ca y est, cette fois elle a la réponse, elle s’en doutait de toute façon, il y a plus de gouttes d’eau c’est sûr.

  • Penser à téléphoner à ses frères, à son père et leur dire qu’il y a plus de gouttes d’eau que de grains de sable. 

Elle allait remonter chez elle quand soudain elle a entendu que quelqu’un l’appelait par son prénom, d’abord elle n’a vu personne et puis en baissant les yeux presque devant ses pieds nus, elle a vu tout un groupe de gens, minuscules, à peine plus grand qu’un ongle. Elle s’est baissée et avec la main droite elle les a ramenés dans le creux de sa main gauche, avec un peu de sable humide ; elle a porté la main à hauteur des yeux et elle a vu tout un groupe. Qui ils étaient, elle ne savait pas, ce qu’ils faisaient là elle ne savait pas non plus mais en prêtant bien l’oreille et parce que la mer était calme elle distinguait bien quelques paroles, cela semblait être des paroles de colère. Ils étaient bien une dizaine, des enfants là au creux de sa main.

« On en a marre, personne ne nous croit, personne ne nous croit jamais, on est toujours à nous dire qu’on est trop petit, qu’on verra, qu’on comprendra plus tard quand on sera plus grand, on n’en peut plus de ne plus exister, nous ce qu’on sait c’est qu’un jour on rencontrera quelqu’un qui nous écoutera qui nous croira qui nous verra et alors on existera ».

Alors elle s’est assise là par terre, enfin plutôt par sable parce que quand on est au bord de la mer on oublie la terre, même si la terre elle porte le sable sur elle et la mer aussi mais ça aussi c’est une autre question.

« Pourquoi on nous dit qu’il ne faut pas jouer avec la terre, que c’est sale,  et quand on est à la mer on nous oblige à jouer avec le sable : c’est compliqué les mots, nous on voudrait qu’on nous laisse comprendre ce qu’on veut ».

« Pourquoi on nous dit qu’il faut être sage à l’école et en même temps si on parle trop à table on nous dit : sois sage, parle pas à table ! Et après à l’école on nous dit que si on ne dit rien, si on ne parle pas c’est qu’on ne s’intéresse pas ! »

« Et pourquoi on dit des vieux qui ne disent pas grand-chose mais que tout le monde écoute quand il récitent une phrase qui ne veut rien dire qu’ils sont des sages. On y comprend rien on ne veut pas être des sages on veut pouvoir parler quand on a envie de dire quelque chose ».

« Pourquoi quand les grands, les adultes parlent de nous, ils cherchent à savoir ce qu’on pense ce qu’on ressent, alors qu’ils ne nous le demandent jamais pourquoi ils disent à notre place ce qu’on pas envie de dire. »  

Elle les écoute, en silence parce que le moindre bruit risque de couvrir leur voix elle les écoute et elle sait qu’ils ont raison ? Ils continuent leur liste de pourquoi.

« Pourquoi quand on est tout petit on nous oblige à embrasser des vieilles tantes fripées à l’odeur de naphtaline en nous disant que ça lui fera plaisir que c’est une vieille tante, qu’elle a jamais eu d’enfants et que quand on est grand,  un peu plus grand on nous dit que c’est pas bien d’embrasser le premier  venu même si il est jeune, même s’il est beau, même si on l’aime. » 

« Pourquoi on nous dit, à longueur de journée : tu ne peux pas comprendre quand on pose des questions sur ce qui nous intéresse, nous rend curieux et par contre on nous dit d’essayer de comprendre de faire des efforts quand on est à l’école ? »

Le coucher de sommeil, 2

12 763 !

Et puis soudain alors que la liste ne cessait de s’allonger, elle a poussé un petit cri, à peine de l’étonnement car rien ne l’étonne et un rien l’étonne c’est d’ailleurs ce qui fait qu’elle est si étonnante et que tout le monde aime quand elle est là.

Là, dehors à la place de l’immense terrasse, il y avait la plage,  et plus loin à la place du grand pré qui bordait le bâtiment, de l’eau, de l’eau bien bleue. En fait ce qu’elle voyait devant elle ce n’était rien d’autre que la mer, de la mer et de la plage. On ne dit pas comme cela d’habitude ? De la mer et de la plage ? Incorrect, cette formulation et bien tant pis se dit-elle moi ça me plait, ça a plus de sens !

Tant d’autres auraient hurlé de terreur, ou seraient partis se recoucher certains d’être encore en plein sommeil ou sous l’emprise de quelques substances hallucinogènes. Mais elle,  il lui en fallait plus pour la déstabiliser, elle n’a pas mis longtemps à réagir et à chercher puis trouver une réponse, une réponse que pourtant elle garde bien au chaud dans une de ses  boîtes à explications.

Son souci pour le moment c’est le sable, juste au bord de la porte fenêtre, il ne faudrait pas qu’il entre, elle n’aime pas le sable quand il s’insinue là où il n’est pas fait pour aller. Elle n’a pas fait de bruit pour ne pas réveiller son compagnon et s’est dit qu’il faudrait chercher le parasol et des serviettes de plage, c’est quand même mieux pour le sable, surtout qu’ils annoncent le beau pour les prochains jours. Elle sort sur la terrasse, enfin sur la plage, tout en se disant qu’il faudrait qu’elle ajoute deux ou trois choses dans sa liste

  • Téléphoner à sa mère pour lui demander où sont les  rabanes
  • Ajouter à la liste de course de la crème solaire
  • Regarder les horaires des marées

Elle est dehors les pieds nus dans le sable. Le sable il est encore plein de fraîcheur, ça lui fait comme un gazouillis sous les pieds. Alors machinalement elle se baisse et prend une poignée de sable dans le creux de la main.

C’est un sable comme elle n’en a jamais touché, d’une douceur incroyable, elle ferme les yeux presque machinalement, et là soudain comme une diapositive qui se projette sur son écran intérieur, elle lit 1239, elle ne comprend pas immédiatement, mais elle  a un pressentiment. Alors elle jette sa poignée de sable et elle en prend une autre,  plus grosse celle-ci, elle ferme les yeux et elle lit 12763.

Incroyable elle vient de comprendre : tout en gardant les yeux fermés elle laisse couler comme un filet de sable et elle voit les chiffres qui défilent, elles referment les mains et c’est le chiffre 9734 qui s’affiche. Super, ce truc ça lui plaît, elle va pouvoir enfin savoir : plus de  gouttes d’eau ou plus de grain de sables ?

Le coucher de sommeil : 1

Une nouvelle écrite il y a quelques années à l’occasion de l’anniversaire de ma grande fille, je la publierai en 4 parties ….

Un matin elle s’était levée plus rapidement que d’habitude avait tiré les rideaux d’un geste précis, ouvert la fenêtre et en quelques secondes avait décidé que cette journée ne serait pas comme les autres. Pas comme les autres parce que tout le lui disait, partout, ce qu’elle voyait, ce qu’elle sentait, ce qu’elle ressentait, ce qu’elle entendait lui confirmait sa certitude de la nuit, aujourd’hui serait la journée des réponses, la journée ou tout s’éclairerait. Cette nuit comme souvent, comme parfois des questions avaient tourné en boucle dans sa tête des questions sur la vie, sur la mort, sur l’amour, sur les autres, des questions sur l’absurde, sur la bêtise, sur l’indifférence, des questions sur l’insuffisance, sur le mépris, sur les fausses idées, sur le temps, pas sur le temps des nuages, pas sur le temps du soleil, non sur le temps qui s’accroche aux pendules, aux aiguilles ce temps qui vous pique.

Cette nuit elle avait eu 25 ans et comme elle est quelqu’un d’organisé contrairement à ce que certains croyaient autrefois parce qu’on s’attache trop aux détails aux apparences elle a décidé cette nuit de chasser toutes ces questions et demain de chercher les réponses, toutes les réponses.

Elle n’a pas tout de suite remarqué le changement dans le paysage, concentrée qu’elle était à cette nouvelle journée qui s’ouvrait, les yeux grands ouverts, il y avait comme une liste qui se déroulait derrière son regard rieur, elle n’aimait pas être prise au dépourvu et aimait organiser ses journées.  

Aujourd’hui, c’était entre autres.

  • Finir ses courses sur internet
  • Choisir un cadeau pour sa sœur
  • Téléphoner à sa mère pour lui dire qu’elle avait choisi un cadeau pour sa sœur
  • Choisir un cadeau pour sa mère avec ses frères
  • Téléphoner à ses frères pour leur dire qu’elle allait choisir un cadeau pour leur mère
  • Faire un gâteau pour ce soir
  • Prévenir par téléphone ses amis qu’elle ferait un gâteau pour ce soir
  • Finir les courses pour faire un gâteau pour ce soir
  • Téléphoner à sa mère pour lui demander ce qu’elle aimerait comme cadeau pour Noël
  • Dire à son compagnon de changer la litière du chat
  • Téléphoner à ses autres amis pour dire qu’elle ferait un gâteau pour ce soir
  • Et plein d’autres choses encore

Et puis soudain alors que la liste ne cessait de s’allonger, elle a poussé un petit cri, à peine de l’étonnement car rien ne l’étonne et un rien l’étonne c’est d’ailleurs ce qui fait qu’elle est si étonnante et que tout le monde aime quand elle est là.

Samedi….

Samedi ? Eh bien, c’est dit, je m’accorde une pause en prose. Oui bien sûr, vous me direz que peu de différences vous ne voyez, si ce n’est la modeste preuve de ma paresse, à pêcher de la rime au bout de ma ligne. C’est vrai, j’en conviens il est des jours, comme celui-ci, ou rien ne mord. Dans ma boîte à appâts j’avais ce matin, un bel échantillon : des illes, des ouches, des oules, des oins, et bien d’autres « queues de vers » toutes bien fraîches, prêtes pour la pêche du samedi. Je les ai préparées, et à mon hameçon les ai accrochées. Une première j’ai lancée. Au passage, j’avoue être assez fier du rond dans l’eau, bien plus réussi qu’un rondeau.
J’ai ensuite choisi d’appâter avec une ille, car mon intention était de prendre du gros. Du gros mot évidemment ! Ciel, ça mord ! Vite, je mouline ! Déception, pas de bille, ni de quille, encore mois de grille. Autant vous dire que j’ai tenté avec une ouche, une oule, et même un petit oin et au bout de la ligne : rien ! Oh tant pis, me dis-je, c’est samedi, je fais une pause. Point à la ligne…

Poèmes de jeunesse

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Rêve à finir

C’est une guerre où les hommes périront

Systématisés

Calcinés

Par l’addition

D’une angoisse planétaire

Qui les fait

Terreurs